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Publié le
8 mars 2013
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Albany, où l'histoire d'une fausse bonne nouvelle de la présidentielle

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AFP
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8 mars 2013

SAINT-JUNIEN (France), 08 mars 2013 (AFP) - Le 8 mars 2012, devant la préfecture de la Haute-Vienne à Limoges, des syndicalistes annoncent aux salariés d'Albany en liesse que leur site ne fermera pas. Ils croyaient dur comme fer que la lutte avait payé. Un an après, l'angoisse est de retour. C'était en pleine campagne présidentielle. Deux semaines plus tôt, la direction de ce groupe américain largement bénéficiaire avait annoncé depuis son siège de Sélestat (Bas-Rhin), la fermeture de l'usine d'Albany-Cofpa, à Saint-Junien, fabriquant des tissus techniques, notamment pour la papèterie, et comptant 133 salariés. Inexplicable pour les syndicats, alors que le site affichait, en 2010, 22% de rentabilité et selon eux près de 4,6 millions de bénéfices.

Des salariés de la compagnie Albany-Cofpa devant la préfecture de Haute-Vienne à Limoges le 8 mars 2012.Photo: AFP/Pierre Andrieu.


Des candidats ou leurs proches s'étaient alors précipités au chevet des ouvriers, criant au "voleur" et au "voyou": Arnaud Montebourg, Eva Joly (EELV), Olivier Besancenot (NPA), Pierre Laurent (PCF). Devant la pression, la direction avait reculé. "Le projet (de fermeture) n'est plus du tout d'actualité", avait affirmé devant la presse, ce 8 mars, le président pour l'Europe, Daniel Halftermeyer.

"Pour moi, c'était terminé, on allait pouvoir reprendre nos vies", se souvient Cécile Thibaut, trentenaire, employée depuis 15 ans dans l'usine. Didier Roy, 57 ans, électricien depuis 33 ans, avait lui aussi espéré. "La campagne présidentielle et les annonces du mois de mars avaient amené des moments despoir", dit cet employé qui avait assisté à la pose de la première pierre.

Mais dès l'automne, se souvient Cécile, les nuages ont commencé à s'amonceler. La direction, qui assurait quelques mois plus tôt qu'elle souhaitait une reprise totale de la production, annonçait en octobre qu'elle entendait transférer 30 à 40% de celle-ci sur des sites nord-américains et asiatiques. En Haute-Vienne, cela pouvait signifier la disparition de 75 des 133 emplois et de plus de 120 des 227 emplois de Sélestat. Autre source d'inquiétude pour les syndicats, selon leurs informations Albany était en pourparlers avec Safran pour un autre projet industriel, dans la Meuse, à Commercy, au nom duquel l'usine de Saint-Junien pourrait être sacrifiée.

Tout naturellement, les regards s'étaient alors tournés vers le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, qui leur avait rendu visite pendant la campagne. Lors d'une table ronde au ministère en décembre, nouvel espoir: "Le ministre a été très clair: il a dit que l'Etat ne financerait pas d'une part un plan de licenciement et d'autre part un nouveau site", se souvient Christophe Sardin, élu CGT.

"Mais deux semaines plus tard, Montebourg s'est montré favorable au projet de Commercy et nous a demandé de négocier avec la direction afin d'obtenir le moins de licenciements possibles".

"Nous attendons toujours la loi pour empêcher la fermeture des usines rentables", lâche désormais avec une certaine amertume Didier Roy. Le ministère, ajoute-t-il, applique une logique comptable: avec le projet de Commercy la balance est positive en termes de création d'emplois, alors tout va bien. "Mais quid de nos vies? Elles sont ici, à Saint-Junien".

"Tout ça, cela pèse depuis un an. Parfois, je craque et je pleure, mais j'essaye de ne pas en parler en famille", dit Cécile, mère de deux enfants de 8 et 11 ans et dont le mari a perdu en janvier son emploi dans le secteur de la pisciculture. "La direction nous a déjà prouvé que tout pouvait s'arrêter du jour au lendemain", ajoute l'ouvrière aux grands yeux clairs et au visage poupin, tout en expliquant, les poings bien serrés dans les poches de sa blouse blanche, être "passionnée" par ce qu'elle fait. Malgré la lassitude, Didier et Cécile, se disent déterminés à lutter encore pour sauver leur usine, car c'est une "cause juste".

Du côté du ministère, le service communication affirme qu'Arnaud Montebourg est "satisfait". "Il y un an l'un des deux sites (Saint-Junien et Sélestat ndlr) était menacé de fermeture, aujourd’hui, tous les deux sont sauvés. Par ailleurs, le groupe s'est engagé à investir près de 3 millions deuros pour développer sa technologie sur le territoire national d'ici à 2015", explique-t-on de même source. "Même sil appartient désormais aux salariés de négocier avec leur direction, le ministre s'est engagé à suivre les évolutions du dossier de près".

Le 21 février, quelque 500 personnes ont manifesté à Saint-Junien pour leur cause, aux cris de "Albany tu nous a trahis", "Montebourg tu nous a fait de beaux discours".

L'emploi de Cécile Thibault, travaillant dans un service qui pourrait tout bonnement être supprimé par la direction d'Albany, est donc sérieusement menacé. "Il faudra peut être que j'envisage de changer de métier", dit-elle. Didier Roy est tout prêt d'avoir assez d'annuités pour prendre sa retraite et pense lui à céder la place "à un plus jeune". "Je me prépare au cas où..".

La direction n'a pas souhaité s'exprimer. Son prochain rendez-vous avec les salariés a été fixé au 21 mars pour un Comité central d'entreprise à Sélestat.

Par Julie CARNIS

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