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6 juin 2013
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En Italie une griffe de sacs redonne espoir à des détenues

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AFP
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6 juin 2013

ROME, 06 juin 2013 (AFP) - "Quand je sortirai d'ici, je veux une vie normale. Avec ce travail, je suis sûre que tout ira bien", Kalu, une Nigériane détenue pour trafic de drogue, a retrouvé espoir grâce à la création d'une marque de sacs et vêtements fabriqués dans les prisons italiennes.


Organisé et financé par le ministère de la Justice, le label "Sigillo" (sceau) est révolutionnaire dans son concept parce que ces produits, des articles de maroquinerie et de prêt-à-porter, seront commercialisés dans le circuit de la mode, pas seulement dans des boutiques d'artisanat solidaire.

"Personne ne prétend faire de grandes choses. Seulement leur donner les instruments nécessaires pour s'insérer sur le marché du travail" à leur sortie de prison, explique Nanda, une des créatrices de "Sigillo", qui leur enseigne des métiers: maroquinerie, crochet, broderie, couture.

Kalu, 40 ans, découpe des bandes de tissu plastifié dans l'atelier de Rebibbia, une des principales prisons de Rome.

Depuis deux ans, elle sort de sa cellule trois fois par semaine pour aller travailler dans cette pièce située au premier étage: ici pas de grilles, seulement quatre murs blancs, une grande table, deux machines à coudre et une petite armoire pour ranger ciseaux et colle.

Sur la porte de celle-ci, une inscription: "le doute déchire plus que la certitude".

Le doute, Kalu connaît, ignorant ce que lui réserve le destin: après trois ans et demi de prison, elle n'a toujours pas été jugée.

La ministre de la Justice Anna Maria Cancellieri l'a récemment admis: le système pénitentiaire italien "n'est pas digne d'un pays civilisé". En janvier, la Cour de Strasbourg a condamné l'Italie pour son surpeuplement carcéral, avec 67 000 détenus pour 45 000 places théoriquement disponibles.

Sigillo n'est pas la première initiative prise pour rendre les prisons italiennes moins inhumaines. Le film "César doit mourir" des frères Taviani, Ours d'or au festival de Berlin l'an passé, était interprété par des détenus de Rebibbia.

"Le problème c'est que les prisons sont pensées pour les hommes, de façon encadrée et rationnelle, alors que les femmes ont besoin d'endroits plus propices à l'expression de leurs sentiments", souligne Nanda à propos de Sigillo.

L'atelier n'est pas conçu uniquement pour travailler et générer des profits mais aussi pour que les détenues laissent libre cours à leur imagination, en l'absence de gardien.

"Ici personne ne te regarde. On se distrait, on s'échappe des grilles, non seulement physiquement mais aussi psychologiquement", constate Natalia, en terminant de coudre un sac coloré.

Agée de 34 ans et d'origine ukrainienne, cette jolie petite brune aux cheveux courts est détenue à Rebibbia depuis trois ans. Contrairement à Kalu, elle tait les raisons de son emprisonnement et ne parle que de l'avenir, du magasin qu'elle aimerait ouvrir, une fois libérée, avec des associées issues de l'atelier.

"C'est un projet unique: c'est le seul qui a été pensé pour des femmes et pour que des détenues créent ensuite leur entreprise", souligne Nanda. Déjà les détenues ne se considèrent plus comme de simples employées.

Pour l'instant, le projet de coopératives sociales sous le label "Sigillo" emploie 10 détenues à temps partiel et en forme une quarantaine d'autres à une nouvelle profession dans la mode. Sigillo se charge ensuite du marketing et de la diffusion des produits dans un réseau de haute qualité, avec le parrainage de la célèbre maison Fendi.

Grâce à ce projet - financé à hauteur de 400 000 euros par le ministère de la Justice - Kalu gagne 600 euros par mois, au lieu des 150 empochés auparavant.

Un salaire équivalent à ce qu'elle toucherait dans le secteur privé pour un travail à temps partiel.

"La moitié de ce que je gagne va à mes petits-fils confiés à une famille d'accueil et le reste je l'économise", souligne Kalu, dans un grand sourire optimiste.

Par Dario THUBURN

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