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19 mai 2006
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Idylle villageoise et polos en coton : un patron allemand atypique résiste

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19 mai 2006

BURLADINGEN (Allemagne), 19 mai 2006 (AFP) - Wolfgang Grupp fait figure d'irréductible : alors que tout le secteur textile allemand s'est incliné devant la pression sur les coûts et a délocalisé à tour de bras, un petit village du sud-ouest continue de résister et sa société, Trigema, y produit ses T-shirts.


T-shirt Trigema

Burladingen, 6 000 habitants, niché entre Stuttgart et la frontière suisse, semble issu tout droit d'une publicité pour le chocolat Milka. Et l'impression d'idylle d'un autre temps se renforce quand M. Grupp, fabricant de polos en coton piqué et premier employeur de l'endroit avec 1 200 salariés, énonce ses principes de gouvernance d'entreprise : "la sécurité des emplois est la priorité, pas la croissance"; "je garantis les emplois depuis 37 ans", et pas seulement ceux des employés, mais aussi ceux de leurs enfants, car "je ne vais pas laisser les enfants de mes collaborateurs à la rue".

Des principes qui font de M. Grupp une bête curieuse dans un pays où chômage et précarité dominent l'actualité, et où les délocalisations sont vues comme une fatalité. Teint bronzé et tiré à quatre épingles, le patron, 65 ans et tout sourire, est un invité régulier des plateaux télévisés et colonnes des journaux allemands.

Il déroule le fil de sa pensée : le dirigeant d'entreprise responsable, comme lui, est une espèce en voie de disparition; c'est le manque de responsabilité qui conduit à prendre de mauvaises décisions, et elles-mêmes conduisent à licenciements, délocalisations et autres crises, pas la globalisation ou la pression concurrentielle mondiale.

"Celui qui dit qu'il doit délocaliser la production a tout raté, cela veut dire pour moi qu'il n'a pas pris les bonnes décisions les années précédentes", pour M. Grupp, impitoyable avec ses collègues patrons, des "aventuriers" animés seulement par "la folie des grandeurs".

Pour celui qui a grandi de l'autre côté de la rue, et était destiné depuis son plus jeune âge à reprendre les rênes de l'entreprise familiale, tout est limpide: "j'ai un sentiment de devoir vis-à-vis de la société, pour moi ce serait un aveu d'échec si un de mes employés me disait qu'il n'a rien à faire".

Pas de soucis de ce côté-là, des rangées de couturières appliquées travaillent dans l'usine de Burladingen sur des machines... "made in Germany".

M. Grupp n'a pas de bureau, mais travaille avec ses employés dans la grande pièce qui abrite l'administration de la société. Des photos de son mariage et de ses enfants ornent les murs de l'entrée et il invite tous ses employés à son anniversaire, dans la plus pure tradition d'un capitalisme paternaliste d'un autre âge.

Anachronique, peut-être, mais les T-shirts, sous-vêtements et polos Trigema se vendent: l'an dernier pour 82 millions d'euros. Et ce d'autant mieux que depuis que M. Grupp a compris qu'il était "tout un coup intéressant" avec son engagement pour l'emploi, il a axé toute la communication de l'entreprise là-dessus, incitant le client à acheter "pour des emplois sûrs en Allemagne", proclame le slogan du groupe.

De toute façon, la croissance n'est pas son objectif. Et "je n'irai jamais en Bourse", proclame le patron, dont le seul but est de continuer à fabriquer des produits de haute qualité en garantissant les emplois. Tout en ayant "le sentiment qu'on a besoin de moi, que je suis apprécié". Parce que, "quand vous vivez à Burladingen tout le monde vous connaît" et qu'un mauvais patron serait vite honni dans ce village de poupée.

Par Mathilde RICHTER

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