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Publié le
5 juil. 2004
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Le jeune créateur, une espèce en voie de disparition ?

Publié le
5 juil. 2004

Nombre de jeunes diplômés d’écoles de style, aveuglés par les success stories à la Tom Ford ou John Galliano - précédées néanmoins par des années de galères - se lancent tête baissée dans cette périlleuse aventure. Pourtant, les années de souffrance et de compromis semblent bel et bien faire partie du CV du jeune créateur. Son avenir dépend principalement de sa capacité à s’autofinancer. Or, il est bien souvent ignoré des industriels et acheteurs, boudé par son banquier et négligé par la presse. Seuls quelques passionnés, convaincus d’avoir trouvé la perle rare, le soutiennent. Les temps sont durs et le marché vacille entre menaces et opportunités Un des phénomènes clé du secteur est incontestablement la baisse de la consommation pour l’habillement, marquée par un transfert des dépenses des ménages vers les loisirs, la technologie et l’entretien du corps. Les habitudes de consommation ont donc évolué et avec elles, l’attitude du client : ayant acquis une véritable formation d’acheteur, celui-ci se révèle plus pointilleux sur le rapport qualité/prix et exige désormais le confort vestimentaire et le bien-être personnel. La femme d'aujourd'hui renouvelle moins sa garde robe que par le passé, ce qui explique en partie la baisse de la consommation dans l’habillement. De nos jours, tous les styles cohabitent dans le placard d’une femme : elle mixe ainsi savamment des basiques atemporels à des vêtements « tendance » ou à des best-sellers des saisons précédentes qui, comme à l’image de la mode, sont cycliques et finissent donc par revenir. Pas évident donc pour le jeune créateur d’attirer les faveurs d’un investisseur et de trouver un public. Cependant, même si le secteur évolutif de la mode est pointé du doigt par les financiers, il continue de séduire. Les jeunes créateurs suscitent un engouement incontestable : des consultants, mus par une passion sans bornes, se mettent au service de ces jeunes talents et n’hésitent pas à les aider moyennant un tarif abordable. D’autres se proclament mécènes et organisent, avec la participation de professionnels du secteur, de nombreux concours, à l’issue desquels des bourses leur sont attribuées. Malheureusement, les montants alloués sont bien souvent insuffisants pour créer sa propre entreprise et une aide supplémentaire n’est pas de refus. Comment ces jeunes créateurs ayant choisi l’indépendance, peuvent-ils minimiser les risques et éviter le naufrage de leur société ? Une formation solide reste sans aucun doute la condition sine qua non d’une carrière réussie. Avant d’endosser la casquette du créateur d’entreprise, les jeunes générations se doivent de mettre leurs rêves d’indépendance de côté et de se frotter au métier. Comment ? En se construisant une solide expérience, acquise au fil des ans, dans une ou plusieurs maisons de mode et ceci, dans le but de se confronter à la complexité du métier. La création doit bien entendu rester la préoccupation principale, mais il serait risqué d’occulter tout le management que doit maîtriser le créateur en question : négociations des prix et délais avec les fournisseurs, suivi de la collection et résolution des problèmes de qualité, etc. En s’ancrant dans la réalité, ces expériences leur permettent également de se construire un réseau, d'entrer en contact avec des fournisseurs et façonniers. L’objectif est de bien s’entourer et, à défaut de bénéficier du soutien et des compétences de son entourage, mieux vaut s’assurer l’aide de partenaires de choix et de personnes ayant une vraie démarche de gestion. Mais, et le plus dur reste à venir, il faut construire son produit selon les contraintes du marché tout en conservant un style fort. Il ne s’agit pas de calquer la stratégie des mastodontes du luxe qui rivalisent d’originalité pour proposer aux spectateurs médusés un show à inscrire dans l’histoire de la création. Les jeunes créateurs doivent se diriger vers une stratégie de vente et non pas d’image, car le but reste avant tout de vendre pour générer du chiffre et faire perdurer leur activité. Or pour vendre, ces derniers se doivent d’être très à l’écoute du marché. L’image d’une femme fantasque, reflet de la créativité de certains d’entre eux, doit céder la place à la lucidité et au compromis. Le but est de créer un produit adapté à la clientèle, qui puisse susciter son désir et répondre à ses exigences. Les fashionistas au look déjanté ne pouvant constituer une cible suffisante et fiable, les jeunes créateurs doivent intégrer que les clientes s’habillent pour se singulariser dans un premier temps, mais surtout pour s’intégrer dans un groupe social. Le créateur ne doit pas oublier non plus d’être attentif aux opportunités du marché et au renouvellement de la silhouette par le biais d’accessoires ou petites pièces de saison. Ces niches sont incontestablement génératrices de chiffre d’affaires et plusieurs jeunes créateurs n’hésitent plus à s’engouffrer dans la brèche : chaussures, bijoux, sacs et lingerie sont des créneaux de développement à ne pas négliger. La dernière étape, mais qui demeure la plus importante, reste bien entendu le choix de la distribution et la rencontre avec la clientèle visée. Faire parler de soi et de ses créations est nécessaire lorsque l’on veut donner un coup d’accélérateur à sa carrière. Mais comment y parvenir ? Figurer dans le portefeuille client d’un bureau de presse ? S’offrir les services d’un show-room ? Ou payer régulièrement sa présence sur les salons d’expositions ? Le choix est difficile, d’autant qu’une communication réussie résulte d’une synergie entre ces différentes composantes et que le jeune créateur, dont la préoccupation majeure reste une bonne gestion de son patrimoine entrepreneurial, doit freiner son ardeur et prendre des décisions rationnelles… Les ingrédients du succès ne sont certes pas tous réunis et comme toujours, une petite dose de pratique vaut mieux qu’un long discours. Certains bénéficieront de la grâce des professionnels et des « lanceurs » de tendance pour perdurer ensuite dans le temps, tandis que d’autres ne dépasseront pas le cap des trois collections. Il est donc difficile de dresser un plan d’action unique tant le secteur est complexe et la réussite aléatoire. Mais n’est ce pas là que réside justement la richesse de la mode : une multitude de parcours, une multitude de personnalités auxquels correspondent une multitude de styles, tous plus originaux et novateurs les uns que les autres ? Maha Maaouni

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