Dominique Muret
18 janv. 2016
Les silhouettes encagoulées de Moncler suscitent la controverse à la Fashion Week de Milan
Dominique Muret
18 janv. 2016
Jusqu’où la mode peut-elle récupérer et détourner actualité et politique ? C’est la question que l’on pouvait se poser à l’issue du controversé défilé de Moncler Gamme Bleu, dimanche soir, à Milan.
Lorsque les premiers looks ont commencé à défiler sur le podium, certains journalistes se sont sentis mal à l’aise, en effet, en voyant avancer des hommes cagoulés en tenue de camouflage, thème choisi par le styliste américain Thom Browne pour la collection automne-hiver 2016-17 de la ligne de prêt-à-porter chic de la marque de doudounes Moncler.
« Ça m’a vraiment dérangé dès les premiers passages. J'ai préféré regarder le sol pendant tout le défilé. Il y a quelque chose qui s’appelle l’actualité. Et les créateurs devraient y faire attention. Si la collection avait été présentée sans cagoule ou avec un texte, cela serait mieux passé », estime une journaliste française. Cette dernière souhaite garder l’anonymat, comme la plupart des autres confrères, à l’exception de Gilles Denis des Echos, qui a dénoncé sur les réseaux sociaux ce show qualifié de « honte pour l’industrie de la mode »
L’ensemble de la garde-robe était décliné à partir d'un seul et même imprimé camouflage en bleu, rouge et blanc sur la totalité des vêtements et des matières. La mise en scène finale, aussi, a perturbé plus d’une personne, les mannequins se regroupant dans un cube de verre en formant un groupe compact rappelant de près l’iconographie utilisée habituellement par les terroristes.
Le télescopage avec Daech et les derniers événements terroristes qui ont ensanglanté Paris était inévitable et n’a pas manqué de choquer viscéralement une partie du public, notamment français.
« On n’a pas du tout apprécié. On a trouvé ça complètement déplacé. D’autant qu’il n’y avait pas que les cagoules, mais aussi des détails comme des éclats de balle simulés sur l’épaule d’un blouson. La mise en scène finale par ailleurs faisait vraiment penser à Daech. Les événements du 13 novembre à Paris, on les a vécus de plein fouet. Revoir ça sur un podium, c’est débile. Le directeur artistique Thom Browne avait le temps de changer son fusil d’épaule et sa mise en scène », commente un autre journaliste parisien.
Plusieurs journalistes sont allés protester auprès de Remo Ruffini, le patron de Moncler, à la fin du show. De nombreuses personnes ont également réagi témoignant de leur mécontentement sur la page Facebook de la marque. En revanche, la presse italienne ainsi que d'autres nationalités n'ont pas relevé les faits, n'étant visiblement pas touchées de la même manière.
« Le vestiaire militaire est un classique de la mode masculine, mais on a vu sur le podium des hommes masqués, tels qu’on peut les imaginer dans les camps d’entraînement, ce qui était très dérangeant. Je suis scandalisée, ça ne fait ni rire, ni rêver », fustige une autre journaliste française.
« La mode n’a pas à se mêler de ça. Il y a des limites. On ne peut récupérer une tragédie pour la transformer en effet de mode. Le message de Moncler n’est pas malveillant, bien sûr, mais ils ont pris un énorme risque en montrant une telle collection sans explications. L’interprétation est trop délicate », conclut-elle.
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