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Patrick Aboukrat (Abou d'Abi Bazar) : "Légiférer ne sert à rien"

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21 nov. 2014

A l’heure où le secteur de l’équipement de la personne souffre particulièrement dans un contexte économique morose, les fédérations et les détaillants sont nombreux à tirer la sonnette d’alarme.
 
En première ligne la Fédération Nationale de l’Habillement (FNH) ou encore la Fédération française du prêt-à-porter féminin qui, à l’occasion de la première rencontre des indépendants de la mode, organisée récemment par la FNH, avaient exprimé leur scepticisme quant à la mise en place d'un guide des bonnes pratiques préconisé par le gouvernement.
 
Un avis que ne partage pas Patrick Aboukrat, patron des magasins Abou d’Abi Bazar qui a d’ailleurs souhaité réagir dans Fashionmag.com.

Patrick Aboukrat, patron d'Abou d'Abi Bazar.

Fashionmag : Quelle est votre position par rapport au Guide de bonnes pratiques préconisé par le gouvernement et décrié par les principales fédérations ?
 
Patrick Aboukrat : En réalité, ce guide des bonnes pratiques s’inspire largement du « Manifeste d’une profession en péril » que nous avons co-signé avec Nathalie Friedlander, de la boutique Brand Bazar, et que nous avons remis à Carole Delga, la secrétaire d'Etat au Commerce, lors d’une réunion au Who’s Next en juillet dernier. Alors, bien sûr, nous pensons que c’est une bonne chose. Ce guide permet de remettre les choses à plat et de fixer des limites car aujourd’hui, il ne semble plus y en avoir. Nous avons seulement deux à trois semaines en tant qu’indépendants pour vendre à plein tarif par rapport aux grands magasins. Ce n’est pas possible. Ca fait des années que j'en parle, pourtant, ce sujet mobilisait jusque-là peu de personnes...et les fédérations n'en font pas partie.

FM: Comprenez-vous cependant qu'elles estiment que ces préconisations sont trop vagues ? Qu'elles souhaitent qu’il y ait une vraie loi dédiée afin que tout le monde l’applique, pas seulement les petits détaillants multimarques...
 
Patrick Aboukrat : Bien sûr, je comprends leur position mais ça ne rime à rien. Il y a déjà des lois aujourd’hui qui sont faites pour réguler certaines pratiques, pour autant, sont-elles appliquées ? Bien sûr que non.
Légiférer ne sert à rien. Ce guide de bonnes pratiques est une base pour pouvoir discuter avec les principaux acteurs et trouver un terrain d’entente qui convienne à tout le monde. Je ne vois pas d'autres moyens.
 
FM: Selon-vous, quel serait un compromis juste ?
 
Patrick Aboukrat : Il ne faut pas le cacher, les grands magasins ont complètement déstabilisé la distribution. A force de mettre en permanence en place des soldes, des promotions et des ventes privées, Paris n’est plus la capitale de la mode mais la capitale des soldes.  Le made in France, le savoir-faire en matière de merchandising vitrine, tout est jeté à la poubelle…
 Dans l’idéal, il faut donc travailler avec eux main dans la main afin de trouver un compromis, notamment sur les dates de promotions. Par exemple, à l’heure actuelle, ils font des promotions dès le 10 septembre…Ca n’a pas de sens ! Le consommateur n’a même pas le temps d’avoir envie d’acheter que c’est déjà en soldes.  Alors que si les grands magasins attendaient le 1er novembre, ce serait pénalisant pour personne. Cela permettrait également à la clientèle de retrouver des repères qu’elle a perdu. A présent, dès que la nouvelle collection arrive, les clients demandent des réductions. C’est normal, entre les ventes privées des fabricants, les soldes des grands magasins, les bloggeuses, comment voulez-vous qu’ils comprennent ?
 
FM : Les grands magasins seraient donc les uniques responsables ?
 
Patrick Aboukrat : Non pas du tout. Ils jouent un rôle prédominant mais ils ne sont pas seuls, les fabricants ont aussi leurs torts. En jouant le jeu des grands magasins, ils n’aident personne. Nous comprenons qu’ils sont souvent dans des positions difficiles qui ne leur permettent pas de négocier par rapport à ces acteurs majeurs. Mais c’est à eux avant tout qu’ils font du mal en cédant sur les prix ou des clauses inadmissibles… C’est pourquoi, je suis persuadé que ce n’est pas en légiférant que l’on va régler le problème mais bien en mettant tout le monde autour d’une table (FNH, FFPF, fabricants et grands magasins).
 
FM: Vous parlez beaucoup des grands magasins et peu des sites dont les ventes privées sont la spécialité. Leur concurrence est-elle plus loyale ?
 
Patrick Aboukrat : Contrairement aux apparences, il est moins difficile de faire face à la concurrence des mastodontes du web qu'à celle des grands magasins. Dans tous les contrats que je signe avec mes fournisseurs, les conditions d’achat sont très claires : s’ils fournissent un site internet avec des tarifs plus compétitifs alors j’aligne automatiquement mes prix sur ceux pratiqués en ligne. Si le fournisseur refuse, je ne travaille plus avec lui (cela exclut les périodes de soldes). C’est simple, il y a toujours possibilité de discuter… D’ailleurs, on peut remarquer que, maintenant, ce sont toujours les mêmes marques que l’on retrouve à prix bradés en ligne. J'aimerais pouvoir en dire autant en magasin.
 

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