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2 janv. 2015
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Russie: La difficile position d'Yves Rocher dans l'affaire Navalny

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AFP
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2 janv. 2015

Avec ses cosmétiques naturels et accessibles, Yves Rocher s'était imposé comme un modèle de réussite française dans la Russie post-soviétique. Son nom est désormais aussi associé à l'affaire qui a valu condamnation à l'opposant numéro un au régime de Vladimir Poutine.

Alexeï Navalny (photo Yves Rocher)



Victime dans une affaire dont les implications la dépassent? Manipulée par les autorités? Soucieuse de plaire aux au pouvoir dans un marché clé? "Pas de commentaire", s'est contenté de réagir un porte-parole de la société familiale après l'annonce de la décision du tribunal de Moscou.

Alexeï Navalny, qui s'est fait un nom en dénonçant sur son blog la corruption à la tête des entreprises publiques, et son petit frère Oleg, ont été reconnus coupables d'escroquerie au détriment d'Yves Rocher Vostok, filiale du groupe français. Le préjudice est évalué par les enquêteurs russes à 27 millions de roubles (près de 400.000 euros).

Les partisans d'Alexeï Navalny, particulièrement actifs sur les réseaux sociaux, se déchaînent sur la page Facebook de la marque: "Brûlez en enfer", "monstres", "que votre entrepôt brûle", voire en français: "Je vous souhaite de faire faillite le plus vite possible".

Dans cette affaire, la société marche sur des oeufs. Elle jure ne pas être à l'origine de la procédure et n'avoir déposé plainte que pour défendre ses intérêts et avoir accès au dossier lorsque les enquêteurs russes ont commencé à s'interroger en 2012 sur le contrat la liant à la société de transport des frères Navalny, Glavpodpiska, soupçonnée de surfacturation.

Elle a d'ailleurs finalement retiré sa plainte après avoir constaté que les tarifs pratiqués étaient bien compétitifs et qu'elle n'avait pas subi de "dommages". Mais elle "s'interroge", selon un porte-parole début décembre, sur certains témoignages qui indiquent que la Poste russe (où Oleg Navalny disposait de responsabilités) aurait pu augmenter ses capacités localement, permettant à l'entreprise de se passer d'un prestataire privé.

L'enjeu est considérable pour Yves Rocher. La Russie représente son deuxième marché après la France et sa filiale en Europe de l'Est compte pour 15% de son chiffre d'affaires (plus de deux milliards d'euros).

Elle figure parmi les premières marques à s'être implantée en Russie après la chute de l'URSS, ouvrant sa première boutique sur la principale rue de la capitale russe, Tvserskaïa, en 1991. Alliant l'attrait des produits de beauté "made in France" et des prix accessibles en une période difficile économiquement, elle se développe rapidement, y compris dans en province et revendique aujourd'hui 300 boutiques et plus de quatre millions de clients.

Longtemps silencieuse, l'entreprise a défendu sa version après l'apparition d'appels au boycott très virulents lancés par des militants de l'opposition russe dès début 2013 via des groupes sur les réseaux sociaux.

"Ne pensez-vous pas prêter la main à une entreprise de déstabilisation d'un opposant notoire?" interpelait alors Alexis Prokopiev, président de l'association française Russie-Libertés, dans une lettre ouverte publiée par le site Mediapart.

Après ces appels, le patron d'Yves Rocher Vostok, Bruno Leproux, a discrètement quitté l'entreprise. Passé chez un concurrent local, ce diplômé de Saint-Cyr, qui fait des affaires en Russie depuis plus de 15 ans, a assuré au site Russie Ouverte que son contrat n'avait pas été prolongé. Il a assuré avoir été victime d'"abus de confiance" de la part des frères Navalny (la justice russe parle d'escroquerie) et avoir fait l'objet de menaces des frères Navalny.

Signataire de la plainte déposée par Yves Rocher Vostok, l'homme d'affaires est décrit par la journaliste Zoïa Svetova, qui a pu le rencontrer, comme "un expatrié typique (...) à qui plaît le pouvoir russe mais moins le pouvoir français".

Le traducteur réputé de littérature russe André Markowicz a jugé mardi sur Facebook "évident que le piège dans lequel sont tombés les frères Navalny a été organisé par Poutine avec l'accord, actif ou du moins passif, d'une entreprise dont les intérêts stratégiques impliquent de favoriser (...) l'instauration ou la consolidation de pouvoirs qui jugulent toute opposition, politique et sociale.".

Par Germain MOYON

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