Matthieu Guinebault
26 janv. 2015
Sourcing : la France enterre le « devoir de vigilance » des entreprises
Matthieu Guinebault
26 janv. 2015
Alors qu’elle doit passer devant les députés le 29 janvier, le texte instaurant le « devoir de vigilance des multinationales » est mort-né. La commission des lois rejette l’idée que les donneurs d’ordre aient à répondre de leurs filiales et sous-traitants. La proposition de loi était née des cendres du Rana Plaza, immeuble dédié à la fabrication textile au Bangladesh dont l’effondrement a emporté 1 200 vies en avril 2013.
Un rejet qui a surpris la rapporteure écologiste Danielle Auroi, d’autant que les députés de tous bords ont fait front commun sur la question. « Nous avons rarement l’occasion de voter un texte qui fasse avancer de façon évidente les droits de l’homme », déclarait la députée en présentant le texte. « L’Histoire montre que, malheureusement, les bonnes pratiques ne suffisent pas. »
Au lendemain de la catastrophe, la ministre du Commerce extérieur, Nicole Bricq, réunissait à Bercy représentants des marques, syndicats et ONG, appelant à « mieux impliquer les entreprises » quant aux enjeux de la responsabilité sociale et environnementale (RSE). Demande avancée timidement en bas de liste des conséquences à tirer du drame. « Drame humain effroyable qui ne peut rester sans suite », déclarera un an plus tard le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, devant l’Assemblée. Déclaration saluée par tout l’hémicycle.
Au final, les députés auront finalement tourné le dos à cette volonté d’agir. A gauche, on juge qu’il ne servira à rien s’il n’est pas adopté au niveau européen et international, et on indique qu’il devrait se concentrer sur les grandes entreprises. A droite est pointé du doigt un renforcement de « la réglementation asphyxiante et contraignante » que connaissent déjà les entreprises auxquelles ce texte envoie un « nouveau message de défiance ».
L’adoption du texte était encouragée par un grand nombre d’ONG, dont Amnesty International, qui pointe du doigt les sociétés se retournant contre leurs fournisseurs pour des violations éthiques qu’ils feignent de découvrir. « Certaines entreprises transnationales n’hésitent pas à profiter de leur position pour se dégager de toute responsabilité », indique l’organisme. « Et pendant ce temps, les victimes de violations des droits humains commises par ces acteurs économiques rencontrent de trop nombreux obstacles pour obtenir justice et réparation. »
Selon le site Novethic, un autre député ayant pris part au texte, Dominique Potier, travaillerait à la présentation rapide d’un nouveau texte. Une seconde version de la proposition de loi qui devrait, selon lui, être prête pour la fin mars, se basant sur le travail de la RSE, du gouvernement et des auditions parlementaires.
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