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13 juil. 2017
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Antoine Grignon (Knight Frank) : « La fin de Colette va rebattre les cartes du luxe rue Saint-Honoré »

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13 juil. 2017

Directeur du pôle retail du spécialiste en conseil immobilier Knight Frank en France, Antoine Grignon évoque pour FashionNetwork.com le rôle joué par Colette dans le développement commercial de la rue Saint-Honoré et le poids que pourrait avoir la fermeture du concept store, notamment du côté de la clientèle étrangère pointue.


Antoine Grignon - Knight Frank


FashionNetwork.com : Dans quel contexte immobilier s’inscrit le départ du concept store Colette ?

Antoine Grignon : Colette est installé sur un emplacement absolument excellent, en angle, et emblématique. Une zone à environ 12 000 euros le mètre carré en loyer pondéré zone A. Nous avons même une tendance à la hausse des loyers sur cette zone, qui s’explique par le manque d’opportunités sur la rue Saint-Honoré et la volonté de nouvelles enseignes de s’y implanter. Il y a donc une pression sur les loyers qui est assez importante. On a aussi des nouvelles arrivées, récentes ou à venir, qui montrent l’appétence forte pour la rue, et notamment sur le tronçon qu’occupe Colette. La fin du concept store va donc venir un peu rebattre les cartes pour la rue Saint-Honoré.

FNW : Quel pourrait être l’impact de la fermeture de Colette sur la clientèle de cette rue ?

AG : Aujourd’hui, Colette est une enseigne emblématique de la rue. Installée là depuis longtemps, la boutique a contribué à l’attractivité de cette portion de la rue Saint-Honoré, à savoir celle située au-delà de la rue de Castiglione, parce qu’elle attire une clientèle extrêmement pointue et internationale. On a vu beaucoup d’enseignes qui se sont établies là pour bénéficier de cette clientèle. Est-ce que ces clients seront toujours présents une fois le magasin Colette fermé ? C’est un vrai point d’interrogation. Est-ce que cette clientèle n’ira pas dans d’autres quartiers, plus à l’est ? Il y a toujours les grandes maisons de mode à proximité, dont certaines y ont installé leurs bureaux, ainsi qu'une concentration d’hôtels assez forte. Donc la clientèle ne disparaîtra pas du jour au lendemain. On voit pendant les Fashion Weeks que c’est à cet endroit précis que l’on trouve la plus grande concentration de cette clientèle. Mais c’est peut-être la fin d’une époque, avec une partie des clients qui ne viendra plus. Et notamment ces touristes pointus, dont beaucoup de Japonais, de Coréens, d'Américains et de Sud-Américains. Il n’y aura plus la même qualité de flux. C’est une vraie possibilité.

FNW : La fin de Colette annonce-t-elle une montée en gamme de toute la rue ?

AG : Les enseignes ne venaient pas que parce qu’il y avait Colette. Mais Colette contribuait au succès et aussi à la différenciation de l’offre. On parle de l’arrivée de Saint Laurent. Si c’est le cas, cela fera une marque de luxe supplémentaire qui viendra ajouter une pierre à l’édifice : Stella McCartney a ouvert il y a quelques semaines non loin de là; un peu plus dans l’environnement rue Royale, Kate Spade a également ouvert récemment; Dior s’est lancé dernièrement; Christofle doit lui s'installer bientôt; Robert Clergerie doit suivre dans les semaines à venir; le joaillier Graff qui doit ouvrir dans l’extension de l’Hôtel Costes, dans l’angle de la rue de Castiglione; Louis Vuitton, en double angle entre le 4 place Vendôme, la rue de Castiglione et la rue Saint-Honoré… Avec le départ de Colette, on perd un aspect différenciant de l’offre. On pourrait avoir rue Saint-Honoré une offre que l’on pourrait tout aussi bien trouver dans d’autres endroits à Paris, comme avenue Montaigne ou rue du Faubourg Saint-Honoré.

FNW : Il est souvent répété que Colette fut un moteur de l’ascension luxe de la rue Saint-Honoré. Est-ce avéré ?

AG : C’est vrai. On a vu que la rue Saint-Honoré a vraiment commencé à se développer, notamment sur cette section-là, il y a seulement quelques années. Colette était en place et a progressivement pris une dimension plus importante. Et cela a beaucoup joué sur le quartier. Avant, les enseignes de luxe étaient relativement concentrées rue du Faubourg Saint-Honoré. C’est ensuite qu’elles ont traversé la rue Royale, comme Chanel ou Fendi récemment. Maintenant, elles n’hésitent plus à continuer vers l’est et à passer la rue de Castiglione, et même à aller encore davantage vers le Palais-Royal. C'est notamment aujourd’hui un marqueur fort sur la parfumerie et les cosmétiques. On a récemment vu s’implanter Jo Malone, Mac, Kiehl's, La Prairie, Roger Gallet. Et, côté luxe, Balenciaga et le futur Louis Vuitton. Mais toujours avec une approche plus branchée et fashion que sur l’avenue Montaigne. Colette parti, le luxe pourrait prendre totalement possession de la rue Saint-Honoré.

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