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15 sept. 2017
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Caroline Lamy (Magdus) : « Il reste de la place pour un ou deux outlets dans le Sud-Est »

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15 sept. 2017

Alors que Printemps vient concurrencer Galeries Lafayette sur le marché de l’outlet, que la Normandie et le Sud-Est se dotent de villages de marques, et que le marché français du déstockage poursuit sa montée en gamme, FashionNetwork.com fait le point avec Caroline Lamy, directrice du Magdus, l'Observatoire européen des centres de marques et des magasins d'usine.

Caroline Lamy - Aline Lunau


FashionNetwork.com : Printemps rejoint Galeries Lafayette sur le marché des outlets. Quel impact pourrait avoir cette évolution sur le marché français des outlets ?

Caroline Lamy : Se pose la question d’une opposition frontale. Mais il y a de grosses interrogations sur l’offre du Printemps, tout comme il y en avait à l’époque sur l’offre qui allait être celle des Galeries Lafayette Outlet. Il s’agissait de savoir si cela se limiterait à des produits estampillés Galeries Lafayette ou s’ils auraient l’autorisation de déstocker des marques tierces. Je pense que la situation sera au final similaire et que le Printemps ne se limitera pas à ses propres marques. Il faudra donc voir quelles marchandises ils vont déstocker, quelles marques et surtout quel niveau de gamme. Peut-être sera-t-il supérieur. Mais sur la forme, les deux enseignes fonctionnent en outlet sur des surfaces similaires. Printemps va ouvrir à Miramas, qui ne compte pas de Galeries Lafayette Outlet. Mais ces dernières ont de l’avance, avec leurs adresses à One Nation, Roubaix, Roppenheim, Nailloux ou La Seguinière. Ils ont maillé assez vite le réseau français. Avant de voir la suite, se pose la question de la volonté de Printemps.

FNW : C’est-à-dire ?

CL : Miramas va faire office de test pour ce concept d’outlet sur lequel repose le souhait de développer ou non un parc. Ce cas de figure se présente souvent. De nombreuses marques ont une seule boutique outlet en France et expliquent prendre le temps de tester le marché. Pour l’heure, il y a un vrai flou artistique sur leur volonté de développement. Mais dans le cas d’ouverture dans les mêmes outlets que Galeries Lafayette, il pourrait y avoir des doublons. Cela s’est déjà vu, à Troyes, d’avoir des marques déstockage à la fois chez Marques Avenue et McArthurGlen. Et dans le cas de Printemps, il faut se rappeler que Galeries Lafayette annonçait viser une dizaine d’outlets lors du dernier Magdus, soit la moitié du parc français. Et ces enseignes n’ont intérêt qu’à aller dans des centres de grande dimension et à fort trafic. Elles n’auraient pas d’intérêt à aller dans un petit centre à dimension locale. J’étais d’ailleurs étonnée que Galeries Lafayette ouvre à La Séguinière, qui est assez petit. Mais Galeries comme Printemps doivent aussi jouer avec le manque de grandes surfaces disponibles dans les outlets français.

FNW : Cet intérêt des grands magasins pour les outlets est-il un phénomène que l’on retrouve à l’étranger ?

CL : Au mois de juin, Saks Fifth Avenue a ouvert sa première adresse d’Europe à Düsseldorf et c’était sous le format outlet Saks Off 5th. Il s’agit d’un grand magasin américain qui connaît très bien le marché du déstockage, puisqu’il est présent dans de nombreux outlets aux Etats-Unis. Ce sont, un peu comme Lacoste et Petit Bateau en France, des enseignes que l’on voit souvent dans les centres de marques. Et choisir d’entrer sur un marché européen via un outlet est vraiment intéressant, curieux. Mais il faut garder à l’esprit que les department stores sont, depuis plusieurs années déjà, une grande source d’inspiration pour les villages de marques. Que ce soit en termes de montée en gamme architecturale, de services, de marques… C’est assez drôle de voir deux mondes qui coexistaient sans avoir de lien nouer aujourd’hui des business communs.

FNW : En termes de composition de l’offre, la montée en gamme des offres est-elle toujours d'actualité ?

CL : Le succès des outlets reste basé sur le prêt-à-porter. On a minimum 85 % d’équipement de la personne dans un outlet, pour 10 % de l’équipement de la maison, qui tend à réduire sa présence puisqu’il a le plus souffert ces dernières années. Mais la tendance reste celle que l’on observe depuis quinze ans, à savoir la montée en gamme des centres. On va de plus en plus vers des marques premium, avec un plafond de verre qui fait que, en dehors de La Vallée Village, il n’y a pas en France de marques de luxe implantées en outlet. Il y a encore de nombreux préjugés, beaucoup de craintes, de la part des marques de luxe. Même si La Vallée Village est un bon ambassadeur pour leur montrer les débouchés, il y a une réserve. Ce qui n’empêche pas tous les promoteurs français et européens d’espérer avoir des marques de luxe dans leurs outlets. Value Retail le fait très bien, tout comme l’italien Arcus Real Estate (qui a ouvert un centre à Turin en début d’année, ndlr).

FNW : Reste-t-il une marge géographique de développement pour l’outlet français ?

CL : Dans le Sud-Ouest, il y a Nailloux, donc je dirais que ce territoire est verrouillé. A Bordeaux, il y a un projet, mais qui ne sort toujours pas de terre, bien qu’il y ait un potentiel. Dans le Sud-Est, j’entends régulièrement parler de projets qui ne tiennent pas toujours debout. Depuis l’ouverture de Miramas, de nombreuses communes comme Nice, Cannes et autres tendent l’oreille. Car il y a beaucoup de projets annoncés, mais qui, a mon sens, relèvent pour beaucoup de l’intox. Vers Lyon, Romans-sur-Isère va s’agrandir pour se préparer à l’arrivée de Villefontaine en avril. En Normandie, où il n’y en avait pas, Honfleur ouvre le 10 novembre. Aubergenville arrivera par la suite. L’Île-de-France et le Nord sont très bien pourvus. Dans l’Est, il y a Talange et Roppenheim. Donc, oui, la carte de France est assez complète. Il reste bien sûr la « France du vide », autour du Massif Central, où personne ne veut investir. Encore qu’il y a le projet du Viaduc Village à Millau, qui entend capter le trafic de l’A75. Quant à la Bretagne, c’est plié : il y a une telle cohésion des commerçants que tous les projets ont capoté.

FNW : Plus d’espaces pour de nouveaux outlets français donc ?

CL : Au final, je dirais qu’il reste de la place pour un ou deux outlets dans le Sud-Est. Mais il faudra qu’ils soient bien placés, à plus d’une heure de Miramas, pour espérer faire de la concurrence à McArthurGlen. Il reste encore un peu de place, mais les emplacements « tops » sont hyper rares. Nous avons le projet de Maubeuge avec JMP Expansion, qui entend bénéficier de la quasi-absence de villages de marques en Belgique. Sans chercher, donc, à aller prendre de la clientèle à Roubaix. Mais je peux témoigner du nombre d’appels que je reçois d’élus locaux qui demandent de l’aide pour trouver un opérateur pour des terrains mal desservis. Au final, les prochaines batailles seront très confidentielles, avec les autorités locales mettant en concurrence les opérateurs. Normal, car de nombreux opérateurs n’ont jamais tenu leurs promesses. Et c’est sain pour la profession, poussant au développement de projets différents. Miramas et Honfleur sont des projets assez novateurs, où les autorités locales se sont énormément impliquées. C’est plus que jamais un facteur de succès pour un projet.

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