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23 janv. 2018
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Laurent Milchior (Etam) : "On regarde de quels acteurs digitaux on pourrait se rapprocher"

Publié le
23 janv. 2018

Laurent Milchior est catégorique : Etam peut devenir un vrai référant mondial de la lingerie. Le cogérant du groupe français détaille sa stratégie à FashionNetwork.com, passant notamment par un possible rapprochement avec une plateforme de vente en ligne, ou l’acquisition d’autres griffes de dessous. Toujours pénalisée par son activité en Chine, la société, qui emploie près de 13 500 personnes et compte 3 900 points de vente dans le monde, a bouclé une année 2017 stable, autour d’1,3 milliard d’euros de chiffre d’affaires.


Laurent Milchior a succédé en 2009 à son père (Pierre Milchior) à la tête de la société. - Etam


FashionNetwork.com : Le groupe vient d’ouvrir sur les Champs-Elysées un magasin amiral présentant Etam lingerie et Undiz. Pourquoi avoir choisi de les réunir au sein d’un même point de vente ?

Laurent Milchior :
A Paris, nous n’avions pas de magasin positionné sur les artères aux plus forts flux internationaux. Cela manquait. Nous avons donc choisi d’ouvrir sur les Champs-Elysées en fin d’année 2017, et nous nous installerons dans le quartier Haussmann en 2019, avec un magasin de 700 mètres carrés situé rue d’Halévy. Là aussi en installant ensemble Etam et Undiz, chacune conservant son univers dans un lieu expérientiel et digitalisé. Les touristes étrangers doivent absolument voir un magasin Etam lors de leur séjour. Et il faut être très visible : une marque seule n’en aurait pas forcément la capacité, surtout sur ces grandes surfaces. On ne s’interdit pas de pouvoir également inviter de petites marques dans ces espaces de vente hybrides. Et l’on doit aussi réaliser une étude sur la cannibalisation de l’offre entre les différentes griffes avant d’évaluer la possibilité de développer ce format à l’étranger. Sur les nouveaux marchés, ces potentiels magasins de 500 à 700 mètres carrés posséderaient un vrai impact en termes d’image. En gardant en tête cette problématique : ‘Comment créer une vraie attente là où on ne nous connaît pas ?’


Le concept Undiz Machine au sein du popstore des Champs-Elysées - Etam


FNW : Votre ambition est donc clairement orientée à l’international ?

LM :
Etam est la marque de lingerie préférée des Français mais n’est pas une marque leader dans le monde. Le groupe est international certes, mais il n’est pas global et n’a pas la renommée d’H&M ou Zara. Notre enjeu numéro un à l’étranger, c’est la plateforme de marque, qui doit être plus forte, en ne perdant surtout pas de vue le produit. En mettant également en avant cette idée de "french liberté" depuis début 2017, d’autant plus d’actualité depuis l’élection d’Emmanuel Macron
Les enseignes françaises de mode ne sont historiquement pas devenues des leaders dans le monde. Je pense qu’avec la lingerie, il y a quelque chose à jouer. Le groupe a implanté un peu moins de 100 nouveaux magasins à l’étranger (hors Chine) en 2017, soit 70 ouvertures nettes, dont notamment une quinzaine de magasins Etam au Mexique, une dizaine de corners 1.2.3 en Allemagne, et 18 magasins Undiz.

FNW : La Chine, marché sur lequel vous êtes à la peine, représente une part importante de votre activité. Comment tentez-vous de redresser la barre ?

LM :
Nos ventes sont négatives en Chine. 300 adresses non rentables ont été fermées l’an dernier, mais il nous reste tout de même 2 095 points de vente. Les grands magasins en Chine perdent du trafic, cela nous pénalise, certains sites pouvant s’effondrer très rapidement. La restructuration du parc magasin va se poursuivre à un rythme moins élevé en 2018.
En parallèle, les équipes continuent à faire évoluer nos quatre marques du pays. Un travail que nous n’avons pas su faire en temps voulu. L'offre de prêt-à-porter d'Etam Paris se mue en "La Collection by Etam", et le nom Etam Paris devient une marque de lingerie à part entière : c’est sur ce segment que l’on souhaite rebondir. Nous prévoyons d’ouvrir 15 magasins dans le pays en 2018 et de capitaliser sur le volet digital, qui explose en Chine : nos ventes en ligne sont ainsi passées de 10 % (à mi-2017) à 25 % en fin d’année.

FNW : Etudiez-vous d’autre part un déploiement aux Etats-Unis ?

LM :
On cherche à y entrer, par le biais d’un partenaire solide. Aux Etats-Unis, vous existez quand vous avez au minimum 100 boutiques et un e-commerce fort. En restant sur notre gamme de prix, et en travaillant quelques tailles et formes propres à ce marché, j’estime qu’il y a de la place dans une série de centres commerciaux qui restent bons, ainsi que dans certains centres-villes. Mais cela ne fera sûrement pas en 2018.

FNW : En France, existe-il encore un potentiel de développement pour Etam ?

LM :
Avec Etam et Undiz, le groupe détient 18 à 19 % des parts du marché de la lingerie en France. Il n’a pas vocation à atteindre 40 %, notre levier de croissance est limité dans le pays. La marque Etam compte 300 boutiques lingerie dans l’Hexagone, 100 mixant lingerie et prêt-à-porter, et 50 boutiques dédiées uniquement au vêtement. La taille du réseau reste la même, nous avons seulement augmenté certaines surfaces, rénové des points de vente et opéré des relocalisations.
D’autre part, l’un des défis du début d’année est le remplacement de Marie Schott, la directrice générale d’Etam lingerie et prêt-à-porter depuis 2011, qui quitte son poste. Mais nous serons peut-être amenés à travailler ensemble dans le cadre de son nouveau projet de vie.


Le prêt-à-porter Etam se teinte d'esprit lingerie - Etam


FNW : Réduisez-vous la portée du prêt-à-porter chez Etam ?

LM :
L’empreinte de la marque doit être claire, Etam, c’est avant tout une marque de lingerie dont le prêt-à-porter est une sous-catégorie. La vertu du prêt-à-porter est d’être davantage générateur de trafic que la lingerie, qui relève de la destination. Dans nos magasins de grande surface, le prêt-à-porter a toujours sa place. L’offre a été retravaillée depuis 2016 pour se rapprocher de l’univers de la lingerie, avec davantage de hauts, un style plus féminin, des formes plus douces et moins structurées.

FNW : Le groupe n’est plus coté à la Bourse de Paris depuis l’été 2017. Pourquoi cette décision ? Communiquez-vous toujours sur vos résultats ?

LM :
Ce que je peux vous dire, c’est que le chiffre d’affaires est resté stable en 2017, autour de 1,3 milliard d’euros. L’activité progresse en Europe, et fléchit en Chine. Nous réalisons 100 millions d’euros d’EBITDA depuis plusieurs années, et nous nous organisons pour franchir cette barre. De nombreux investissements sont consentis dans la structure de l’entreprise, ce qui augmente les frais de siège.
Sortir de Bourse nous permet d’être plus libres. Notre parcours boursier n’a pas forcément été très bon. Nous allons pouvoir étudier un certain nombre d’options avec plus de sérénité, et pourquoi pas acquérir d’autres griffes de lingerie si l’occasion se présente.
Le groupe s’était d’ailleurs positionné en 2017 sur le dossier Agent Provocateur et s’est fait souffler ce rachat par un acteur qui s’est manifesté 24 heures avant la clôture. L’objectif était de grossir par acquisition, en termes de niveau de prix et de territoire. Agent Provocateur est une marque globale et hyper haut de gamme. Leurs équipes manquaient de savoir-faire, nous pouvions le leur apporter. 

FNW : Vous dites être prêt à vous rapprocher d’autres marques ou entreprises. Cela pourrait être dans le secteur du digital ?

LM :
Les Galeries Lafayette qui rachètent La Redoute, c’est très fort, avec des synergies évidentes à la clé. On regarde clairement de quels acteurs digitaux on pourrait se rapprocher, mais il faut dire qu’il n’y a pas d’e-commerçant européen spécialisé en lingerie. Le groupe doit impérativement accélérer sa transformation digitale. Aujourd’hui, les ventes réalisées sur nos sites propres oscillent entre 5 et 10 % du chiffre d’affaires global. Il ne faut pas non plus sortir les clients des magasins, mais plutôt accroître les liens entre digital et physique. Avec un volet fidélisation à faire évoluer vers l’individualisation : demain, chaque client aura sa politique de prix et des offres personnalisées selon ses achats.

FNW : Vous opérez aussi une remise en question de la structure de la société. Pour quelles raisons ?

LM :
Nous sommes amenés à revoir l’organisation du groupe pour plus d’agilité et d’internationalisation. Aujourd’hui, on crée des modèles pour la France, et on adapte ensuite au cas par cas selon les pays. L’objectif est de mettre en place une structure matricielle "monde", et non pas en silos, dans laquelle la France ne serait qu’un pays parmi les autres.
Je rentre des salons américains CES et NRF, et j’ai été impressionné par de nombreuses start-up. Aujourd’hui, un certain nombre de ressources brillantes ne sont plus dans les grandes entreprises, mais deviennent entrepreneurs. Nous serons amenés à collaborer davantage avec des start-up extérieures, à l’organisation plus légère et performante que les grandes structures. C’est déjà le cas avec Undiz, dont la directrice créative Lisa Chavy n’est pas en intégré. Notre ancien patron du digital Jean-Bernard Della Chiesa a lui monté la start-up Scrambled, spécialisée dans l’innovation et la data : nous avons mis au point ensemble une solution d’encaissement mobile en 19 jours. Ces interactions challengent aussi l’équipe en place. Notre but ? Evoluer dans un écosystème plus riche et agile.


L'une des adresses Livy au 6 rue Guichard, à Paris - Livy


FNW : L’an dernier, vous avez lancé le label de lingerie premium Livy, en partenariat avec Lisa Chavy et le groupe Vog. Comment démarre son activité ?

LM :
En grands magasins, Livy fonctionne très bien, tandis que les boutiques en centre-ville mettent plus de temps à trouver leur public. En tous cas, les retours sur le produit et l’image de marque sont ultra-positifs, et la griffe est au global en ligne avec le plan initial. Livy est distribuée via neuf points de vente aujourd’hui, notre objectif est d’en totaliser 28 à horizon 2019. En regardant d’autres villes de France, mais aussi le Royaume-Uni et les grands magasins américains.

FNW : Nous n’avons pas encore abordé l’enseigne 1.2.3. Après une année 2016 encourageante, comment se porte-t-elle ?

LM :
2017 n’a pas été une bonne année pour l’enseigne de mode féminine. Nous avons rajeuni le style, mais cela a du même coup chassé des clientes et nous n’avons pas réussi à en recruter de nouvelles. Marie-Josée Rubini nous a rejoints il y a six mois à la direction générale adjointe de la marque, en charge des achats, du style et du marketing. Sa feuille de route est de redonner de l’attitude à 1.2.3, d’être bien centrée sur les femmes de 45-50 ans, avec un niveau de service fort. C’est une marque classique qui doit être modernisée, mais sans être branchée. Nous sommes peut-être allés trop loin dans l’expression stylistique pour 1.2.3., avec des pièces trop pointues.
L’enseigne compte 179 magasins à l’enseigne en France, dont 24 affiliés. En 2018, le développement via l’affiliation va reprendre avec cinq ouvertures déjà prévues, dans des petites villes. 25 % du parc a en outre été rénové en deux ans.

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