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Paul Kaplan
Publié le
8 févr. 2021
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À la rencontre du couple de danois qui a fait de Ganni une marque internationale

Traduit par
Paul Kaplan
Publié le
8 févr. 2021

Rares sont les marques scandinaves à connaître un succès aussi enviable que celui de Ganni, qui vient d'organiser un double événement dans le cadre de la Copenhagen Fashion Week.


Nicolaj Reffstrup et Ditte Reffstrup, respectivement PDG et directrice créative de Ganni


Comme pour toutes ses concurrentes, les événements de Ganni avaient lieu en ligne, au cours de cette saison 100% numérique qui a duré trois jours dans la capitale danoise, avant de s'achever jeudi dernier.
 
Trois jours durant, Ganni a réussi à mettre en scène une série de live musicaux retransmis en direct, avec un trio composé de l'autrice-compositrice-interprète Zsela, de l'artiste hip-hop grunge Deb Never venue spécialement de Los Angeles, et de la chanteuse Coco O., très populaire à Copenhague. Jeudi soir, les trois musiciennes ont interprété un mélange de leurs propres morceaux et de reprises de chansons chères à la directrice créative de la marque, toutes vêtues d'un look Automne-Hiver 2021 de Ganni, comme il se doit.

Deb Never rayonnait d'élégance et d'assurance dans un superbe costume de gangster à rayure craie — une grande veste et de longs revers de col. Zsela a proposé une superbe version de Nothing Compares 2 U, vêtue d'un pantalon et d'une chemise en maille blanche, avec un col pelle-à-tarte et des poignets évasés qui rappelaient les coquettes de la Renaissance. Coco O. a ensuite eu droit à une mini-robe à la Mary Quant vert vif, avec une fermeture éclair frontale décalée et une poche à rabat.

La collection entière était parcourue de volumes intéressants, d'imprimés floraux rappelant les robes de la Princesse Diana, utilisés sur des pièces flatteuses mais jamais frivoles. Quelques débardeurs et cardigans en tricot pour la touche de fantaisie nordique. Et des pantalons larges mémorables — vert citron ou en denim peint argenté — qui ajoutaient beaucoup de panache aux silhouettes. Et semblaient parfait pour se déplacer à vélo, un moyen de locomotion essentiel dans la capitale danoise.



Ganni - Automne-Hiver 2021 - Photo : Ganni - Foto: Ganni


Les trois chanteuses présentaient également une collection de vêtements uniques disponibles uniquement à la location — des vestes en cuir incrustées de strass, des blazers bicolores à sequins et des bottes de rocker peintes à la main. Les looks, livrés dans des emballages réutilisables, peuvent être loués pour une à trois semaines, à partir de 105 couronnes danoises (14€) et jusqu'à 648 couronnes danoises (87€).

La location de pièces uniques n'est que le dernier concept commercial de la marque, qui multiplie les initiatives originales, depuis un magasin éphémère ouvert en février 2018 sur Elizabeth Street à New York, jusqu'à cet emplacement inauguré un peu plus tard chez Selfridges.

La semaine de la mode de Copenhague regroupe une vingtaine de présentations, mais aussi des conférences et des débats donnant tantôt la parole à des créateurs ou à des journalistes de Vogue. Plus de paroles que de talent, peut-être — ces rencontres ne laissent pas un souvenir impérissable en général.

De son côté, Ganni est connue pour l'efficacité de sa stratégie digitale, son approche inclusive et sa capacité à réinterpréter le style local de Copenhague, en s'appuyant sur l'allure indépendante et libre des femmes danoises. Le concept fait clairement mouche au niveau international, comme en témoigne la clientèle fidèle de la marque — qui comprend notamment Jessica Alba, Kendall Jenner, Alexa Chung, Dree Hemingway, Ganna Bogdan, Juliette Labelle, Christine Centenera, Richie Shazam et Lykke Li.

À bien des égards, Ganni est devenue un modèle pour de nombreux jeunes designers scandinaves, qui prennent souvent la marque comme exemple pour se développer à l'international. La vision de la marque, qui imagine un luxe à la fois féminin et un peu décalé, attire d'énormes commandes de la part de grands détaillants comme Net-a-Porter, Browns et Selfridges. Un succès qui a permis à Ganni de se développer rapidement et lui a valu un investissement substantiel en 2017, lorsque le fonds d'investissement privé L Catterton, qui appartient en partie à LVMH, a acquis 51% des parts de son capital. Les clauses exactes de la vente n'ont pas été dévoilées, mais depuis lors, les ventes annuelles de Ganni sont passées de 45 millions d'euros à plus de 100 millions d'euros.

Nous avons donc rencontré les époux Ditte Reffstrup et Nicolaj Reffstrup, respectivement directrice de la création et PDG de Ganni, pour en savoir un peu plus sur les facteurs de leur succès.

FashionNetwork.com : Pourquoi avez-vous choisi d'organiser non pas un, mais deux événements, à commencer par la présentation #ganniloveforever ?

Ditte Reffstrup : La musique a toujours été une grande source d'inspiration pour nous. L'idée, c'était de rappeler toutes ces choses que nous considérions autrefois comme allant de soi, ce que nous appelions la vie normale. C'est peut-être un peu littéral, mais cette année, nous n'avons pas voyagé, et cela a redonné une place capitale à la musique. J'ai grandi dans une ville de pêcheurs, dans le nord du Jutland. Il n'y avait pas de fenêtre sur le monde extérieur. Pas de magazines de mode, pas de réseau social et pas d'ordinateurs. Ma fenêtre, c'était MTV, danser sur cette musique. Pour moi, la musique, c'est comme un journal intime non écrit qui vous emmène un peu partout. C'est ce dont nous avons besoin en ce moment. Je fais vraiment confiance à mon instinct, à mes intuitions, et cela se reflète dans nos vêtements. Cette saison, plusieurs pièces sont inspirées des vêtements de scène, comme ce denim avec un apprêt argenté. Ganni est connue pour son romantisme et ses références au style victorien, mais cette saison est plus rock 'n' roll, à l'image des grands cols pointus.


Ganni - Automne-Hiver 2021 - Photo : Ganni - Foto: Ganni


FNW : Comment est née la marque Ganni ? 

DR : Nous nous sommes mariés six mois après notre rencontre. J'ai toujours rêvé d'avoir ma propre marque et tout s'est passé de manière organique. Je suis dans la mode depuis que j'ai 14 ans, j'ai été acheteuse. Quand je voyageais, les gens me disaient: "Oh, vous êtes danoise ? Votre style est donc soit androgyne comme chez Acne Studios, soit bohème". Je ne me reconnaissais pas du tout là-dedans. Ce n'était pas la fille de Copenhague que je connaissais et c'est pourquoi j'ai voulu créer ma propre marque. C'est le galeriste Frans Truelsen qui a lancé Ganni en 2000, avec une ligne de pulls en cachemire. Il m'a demandé si je pouvais l'aider, et je l'ai rejoint. De son côté, Nicolaj ne travaillait pas dans la mode, mais dans la technologie.

Nicolaj Reffstrup : Ce sont des mondes très différents, mais c'était une reconversion très intéressante. La mode est un peu irrationnelle par rapport à la technologie. Mais nous avons toujours été doués pour conceptualiser nos idées. Et j'ai découvert à quel point la mode peut être puissante, surtout pour raconter des histoires.

FNW : Pourquoi présentez-vous toujours vos collectons à Copenhague ? Vous n'avez jamais songé à délocaliser vos défilés ?

DR : Notre coeur est à Copenhague, c'est chez nous. L'énergie de Ganni provient directement de la ville.

FNW : Comment pourrait-on définir l'ADN de Ganni ?

NR : Notre marque parle des femmes de Copenhague, et cherche à définir ce qui fait la spécificité de notre ville. Quand on va à Paris, on est entouré par la beauté ; New York regorge d'artistes et d'excentriques. Mais Copenhague donne du pouvoir aux femmes. Elles font du vélo partout. Il y a une grande égalité des sexes au Danemark. Et cela se voit dans la façon dont elles s'habillent. Ici, les femmes portent les vêtements, ce ne sont pas eux qui les portent.

FNW : D'où vient le nom de la marque ?

NR: Pour tout vous dire, le nom est apparu comme ça, au cours une soirée arrosée de Beaujolais !

FNW : Comment vont les affaires ?

NR : Nous avons atteint un chiffre d'affaires de 100 millions d'euros. Ce n'est pas grand-chose par rapport aux grandes marques milanaises ou parisiennes, mais c'est loin d'être négligeable pour le Danemark.



Le corner de Ganni au Printemps à Paris - Photo : Ganni - Foto: Ganni


FNW : Combien de magasins exploitez-vous dans le monde ?

NR : Nous avons environ 25 boutiques en propre en Scandinavie et aux États-Unis. Nous sommes présents chez environ 600 revendeurs et grands magasins dans le monde entier. Et à Paris, nous venons d'ouvrir notre corner au Printemps.

FNW : Admirez-vous d'autres créateurs de mode ?

DR: Oui beaucoup ! Mais en ce moment, je suis particulièrement impressionnée par Jacquemus. J'adore ses défilés, son approche et sa personnalité.

FNW : Et vous, Nicolaj?

NR : Je porte des vêtements très basiques, voire un peu ennuyeux. Chez Ganni, je m'occupe des questions de développement durable — que nous appelons la "responsabilité" — et j'aime porter ce type de pièces. Pour être tout à fait honnête, même si je ne devrais pas le dire, j'essaie de ne rien acheter.

FNW : Vos dernières destinations de voyage ?

DR : Nous adorons passer nos étés au Danemark, nous nous promenons et nous passons du temps avec nos amis. Notre dernier voyage à l'étranger remonte à un séjour au Four Seasons près d'Athènes à l'automne, c'était magnifique. Et nous avons pris quelques vacances outre-Atlantique.

FNW : Tout le monde roule à vélo à Copenhague. Vous avez une voiture ?

NR:
Nous avons acheté notre première voiture il y a seulement deux ans. C'est une Tesla.

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