Bruno Joly
28 mars 2013
Agnès Kubiak: "Les marques chinoises veulent se différencier"
Bruno Joly
28 mars 2013
Style-Vision, bureau de style et de tendances de consommation (automobile, mode, nouvelles technologies...) a créé son bureau à Shanghaï il y a deux ans, mais sa cofondatrice et directrice artistique voyage à travers l’Asie depuis vingt ans environ. Elle livre son regard sur la consommation des Chinois et son évolution.
FashionMag.com: Au cours des dernières années, comment a évolué la consommation chinoise ? Et la mode ?
Agnès Kubiak: On est passé de l’uniforme impersonnel, à en confondre parfois les hommes et les femmes, à une différenciation des genres. Ce phénomène a démarré il y a bien dix ans et est de plus en plus prononcé. Ce sont surtout les jeunes femmes qui cherchent à affirmer leur personnalité. Les hommes sont peut-être plus conventionnels. Quant aux femmes, elles ont des associations parfois inconscientes de couleurs et de motifs. Mais la perception occidentale est extrêmement différente de celle des Chinois. Un look qui peut nous faire rire et parfois très sérieux pour les Chinois. C’est un sujet passionnant que la perception des apparences.
FM: Et l’offre sur le marché, elle a suivi le mouvement ?
AK: Il y a une pléthore de marques aujourd’hui sur le moyen de gamme. Un marché saturé et des marques qui changent aussi de nom parfois. En réalité, l’identité des marques n’est pas encore définie. Elles se cherchent encore. C’est ce qui rend les choses intéressantes. Pendant dix ans, les marques chinoises ont enchaîné des tests sur leur marché domestique avec des enchaînements, pour simplifier, de je copie, je teste, je relance… Dix ans après, elles veulent se stabiliser et synthétiser leur offre ou leur message. Or, la notion de synthèse est difficile en Chine, c’est un exercice occidental. Chez nos clients, nous enlevons parfois 90% de l’offre. Ils ont beaucoup travaillé pendant ces années et nous devons les aider à laisser leurs collections respirer.
FM: C’est-à-dire ?
AK: Nous devons aussi les aider à faire face à "l’autoconcurrence" au sein même d’un groupe et par rapport aux autres marques locales, qui sont très similaires parfois. Dans un mall, on a parfois des produits qui se ressemblent avec très peu de différenciation.
FM: Combien de temps faudra-t-il aux marques chinoises pour établir leur identité ?
AK: La volonté de différenciation est là. Après, le temps que cela prendra dépendra surtout du chef d’entreprise et de la culture du groupe. Ils sont prêts à franchir le cap dans tous les cas.
FM: Et quel est leur regard sur l’Europe ?
AK: L’image de la mode, en particulier en France, y est extrêmement importante. Il y a une fascination pour l’Italie, la France… Les enseignes aussi type C&A, Cache Cache, H&M, Décathlon… marchent bien. C&A ici est perçu comme haut de gamme en termes de qualité. Les Occidentaux réussissent, mais les Chinois veulent s’affirmer.
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