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Paul Kaplan
Publié le
3 févr. 2021
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Alaïa profite de la Fashion Week de Haute Couture pour reprendre son élan

Traduit par
Paul Kaplan
Publié le
3 févr. 2021

La maison Alaïa a profité de la semaine de la haute couture parisienne pour présenter ses dernières idées et retrouver sa place de premier plan, en s'appuyant largement sur ses archives uniques.


Alaïa - Automne-Hiver 2021 Editions - Alaïa


Organisée au troisième étage de sa boutique de style moderniste de la rue Marignan, dans le Triangle d'Or, la présentation dévoilait à la fois la collection Automne-Hiver 2021 et le dernier lancement de la ligne Editions, qui ressuscite les grandes classiques d'Azzedine Alaïa, l'un des couturiers parmi les plus influents des cinquante dernières années.

La ligne Editions a été imaginée peu après le décès d'Alaïa en 2017. Depuis, la gamme s'est développée et comprend désormais des chemises blanches parfaitement coupées, le genre de pièces qu'Alaïa faisait mieux que quiconque, des manteaux en jersey perforé, ou de grandes vestes en peau lainée à large col. Tous ces modèles exhalent le panache spectaculaire et le chic sensuel qui étaient au cœur de l'ADN d'Azzedine Alaïa. Né dans une famille d'agriculteurs tunisiens, le couturier s'est installé à Paris en 1957, avant de conquérir la ville à sa façon.

Les Editions comportent également les larges ceintures et les corsets luxueux —d'inspiration sado-maso — dont Alaïa raffolait. Et plusieurs versions d'un sac dessiné voici deux décennies, mais jamais présenté au public.

Comme beaucoup de génies — ce qu'était, dans le champ de la mode, Azzedine Alaïa —, celui-ci pouvait se montrer compliqué, voire très compliqué. Il refusait d'organiser ses défilés pendant les saisons officielles, ce qui obligeait les acheteurs américains à traverser l'Atlantique spécialement pour découvrir ses collections. Beaucoup, bien sûr, se prêtaient volontiers à l'exercice, ce qui donne la mesure de son talent. Alaïa habillait des icônes mondiales comme Madonna, Carla Bruni, Grace Jones, Victoria Beckham, Gwyneth Paltrow, Beyoncé, Raquel Welch, Naomi Campbell et Nicki Minaj.

La maison est désormais pilotée par sa PDG Myriam Serrano, une cadre expérimentée arrivée en septembre 2019 après avoir travaillé pour Chloé, une autre marque du géant de l'empire du luxe Richemont contrôlé par la riche famille sud-africaine Rupert. Un conglomérat de produits de prestige basé en Suisse qui contrôle également Cartier, Van Cleef & Arpels, Dunhill, Montblanc et qui a récemment financé le lancement d'AZ Factory, la nouvelle maison d'Alber Elbaz.

Myriam Serrano a complètement reconstruit le studio de création d'Alaïa, ce qui lui a permis de développer de nouveaux modèles d'accessoires, notamment dans le domaine des lunettes, où Alaïa exploite désormais une licence avec Kering Eyewear. Mais quand on l'interroge à ce sujet, Myriam Serrano prend soin de souligner à quel point elle est déterminée à rester proche de l'ADN d'Alaïa, encore palpable dans ses remarquables archives.


Myriam Serrano, la PDG d'Alaïa


La maison dispose toujours de son siège historique au 7 rue de Moussy, dans le quartier parisien du Marais, qui réunit une petite fabrique du XIXe siècle et une église néo-classique. On y trouve la fondation du couturier, son petit hôtel particulier, une boutique aérée et l'immense cabine d'essayage où Azzedine accueillait ses plus illustres clientes, au centre de laquelle on peut admirer une impressionnante oeuvre picturale signée Julian Schnabel.

Rares sont les fondations de mode aussi dynamiques que celle d'Alaïa, dirigée par sa grande amie, la légendaire Carla Sozzani, propriétaire du concept-store Corso Como à Milan. Cette dernière met en scène de magnifiques expositions à thèmes autour du travail d'Azzedine Alaïa — même si son activité a été interrompue par la pandémie.

Nous avons rencontré Myriam Serrano lors de la présentation, afin d'en savoir plus sur ses projets pour la maison de couture exceptionnelle dont elle a la charge.

"La première chose que Johann Rupert [le PDG de Richemont, ndlr] m'a dit quand je suis arrivée, c'est de "prendre mon temps" — ce que tout PDG du monde du luxe et de la mode rêve d'entendre. Il m'a dit que je devais me concentrer sur les traditions, les valeurs de la marque, et sur ce qui la rend différente", raconte Myriam Serrano.

"Nous avons enregistré une progression des ventes dans nos boutiques et sur Internet, et bien sûr en Chine. Alaïa ne compte que six boutiques — trois à Paris et une à Londres. Nous n'avons aucun point de vente à New York, ni dans beaucoup d'autres grandes villes, d'ailleurs", note-t-elle.

Myriam Serrano a hâte d'ouvrir une boutique Alaïa à New York, où elle vient d'engager deux personal shoppers pour des clientes triées sur le volet, et en Chine, où elle a recruté un nouveau directeur commercial au printemps dernier. La PDG d'Alaïa souligne que Richemont a les moyens financiers d'investir pour soutenir le développement de la société.

Myriam Serrano est déterminée à maintenir la stature d'Alaïa — d'où l'idée de présenter ses nouveaux produits cette semaine, dans le cadre de la haute couture.

"Nous avons réduit de moitié le nombre de nos comptes de gros — nous comptions 140 partenaires. Nous ne conservons que les meilleurs et les plus prestigieux", précise-t-elle, la bouche dissimulée derrière un masque, comme tout le monde dans le showroom de la marque.
 

Alaïa - Automne-Hiver 2021 - Photo : Alaïa - Alaïa


Mais en ce moment, elle se consacre surtout à l'élargissement de la gamme des Editions, qui résument l'univers esthétique d'Azzedine Alaïa.

"À l'intérieur de chaque pièce, on peut lire l'année et la collection exactes dont elle provient. Certaines datent des années 1990", rappelle-t-elle, en nous montrant les étiquettes datées cousues sur les produits.

Sous la direction de Myriam Serrano, la maison vient par ailleurs de lancer La Petite Boutique : des pièces sélectionnées avec soin par la collectionneuse Anouschka parmi les précédentes collections d'Alaïa. Des pièces disponibles pour les initiées et les amies de la maisons, vendues rue de Moussy — des jupes crayon en agneau jusqu'aux pulls rouge rubis, en passant par des sacs en crocodile gaufré et des redingotes en laine à la coupe impeccable. Cette semaine, la marque a également diffusé sa dernière playlist, qui se veut éclectique, allant des Quatre Saisons de Vivaldi à "I giardini di Kensington" de Patty Pravo, une superbe reprise de "Take a Walk on the Wild Side" de Lou Reed.

La PDG d'Alaïa a également engagé — en toute discrétion — de jeunes talents pour dessiner les sacs à main, les lunettes de soleil et les collections de prêt-à-porter de la marque.

"Nous envisageons également de recruter à terme un véritable directeur de la création. Quelqu'un avec un talent particulier, qui respecte vraiment l'oeuvre d'Alaïa, tout en faisant preuve de discrétion", explique-t-elle.

Peut-on s'attendre à un véritable défilé prochainement ?

"Eh bien, quoi qu'il arrive, je pense que nous respecterons les traditions de la maison, c'est-à-dire en défilant hors saison — comme l'aurait fait Azzedine", répond-elle en riant.

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