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21 juin 2021
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Après seize ans de fermeture, la nouvelle Samaritaine se dévoile

Publié le
21 juin 2021

La lumière zénithale abonde. Se déverse en cascade depuis l’immense et fascinante verrière. Rebondit sur une fresque grandiose, des milliers de feuilles d’or et de S majuscules jaunes et les détails en laiton de l’élégant mobilier, et éclaire un immense théâtre humain de six niveaux, en effervescence telle une fourmilière avant l’imminent lever du rideau.


La verrière et l'escalier monumental pris en contre-plongée - We are Content



Au cinquième étage, les couverts sont dressés sur les tables et les mixologues affinent leur maîtrise dans la réalisation du nouveau cocktail baptisé du nom du lieu éponyme ; plus bas, dans le grand escalier monumental, des équipes vêtues des uniformes jaune et gris de la Samaritaine répètent une chorégraphie au rythme d’une musique entraînante, ici un petit groupe de conseillers de vente revoit les dernières précisions sur l’offre de joaillerie. Là, une femme pousse un rack de vêtements sous housse. Plus loin, en avançant dans le bâtiment, trois hommes procèdent à un étrange balai aérien, suspendu à des cordes, parachevant une installation Louis Vuitton. Dans un autre bâtiment, des designers finalisent des fresques murales, des artisans concluent leurs chantiers, tandis que les serveurs de cafés parisiens appréhendent leur nouvel espace… Partout l’effervescence et la tension jaillissent. Oui, le 23 juin, ce mercredi, la Samaritaine ouvre.

Et c’est peu dire que cette inauguration était attendue. Après plus de quinze années de fermeture, une demi décennie de projets, recours, travaux, reports et 750 millions d’euros d’investis par LVMH, le grand magasin, opéré par sa filiale DFS, a du se contraindre à reporter son ouverture prévue au printemps 2020 pour ne pas se lancer en plein pic de la pandémie de Covid-19. Preuve de l'importance de l'évènement, le président de la République, Emmanuel Macron, a salué cette ouverture aux côtés de Bernard Arnault, PDG de LVMH, ce lundi.

Le résultat est à la hauteur de l’attente pour le renouveau du magasin fondé en 1870 par Ernest Cognacq et Marie-Louise Jaÿ. Et à n’en pas douter, le grand magasin de 20.000 mètres carrés répartis sur deux bâtiments entre les quais de Seine et la rue de Rivoli va attirer. Les instigateurs de sa rénovation l'imaginent en trait d'union entre l'ïle de la Cité et le Louvre. En incontestable leader mondial du secteur, LVMH maîtrise à merveille les codes du luxe et a fait de la Samaritaine sa plus belle expression.


La façade Art nouveau de La Samaritaine - We are Content



De grands gestes architecturaux font du lieu un nouveau point d’ancrage majeur du commerce parisien. Cette grande verrière de 37 mètres sur 20 bien sûr, avec sa magnifique structure Eiffel, mais aussi l’incontournable escalier qui distribue les six niveaux du bâtiment Pont-Neuf, ainsi que l’immense fresque des paons de 425 mètres carrés, signée Francis Jourdain qui, comme la superbe façade du bâtiment qui donne sur la rue de la Monnaie, offre une inégalable signature Art nouveau. Ce qui fait du lieu une part d’histoire de Paris à découvrir. Côté Rivoli, la Samaritaine propose un bâtiment moderne qui attire les regards par sa façade ondulée tout en verre, imaginée par le cabinet Sanaa.
 

"Susciter une nouvelle émotion parisienne", Eléonore de Boysson



Sur cette toile de fond, tous les intérieurs ont été entièrement revisités par des références de l’architecture d’intérieur, afin d’exprimer une ambiance correspondant à chaque segment. Tout le défi de l’équipe d’Eléonore de Boysson, la présidente de DFS Europe et Moyen Orient, est en effet de donner une place singulière dans le paysage déjà nourri des grands magasins parisiens. Le nouveau bâtiment doit trouver son ton et son positionnement entre les Galeries Lafayette Haussmann et Champs-Elysées, le Printemps, le BHV voisin et, bien sûr, le Bon Marché, situé rive gauche de Paris, et qui appartient aussi au groupe LVMH.
 

Le grand magasin s'étend sur 20.000 mètres carrés et deux bâtiments. ici le bâtiment Pont-Neuf - Matthieu Salvaing

 
Alors que trouve-t-on à la Samaritaine? Tout d’abord un lieu de vie. " On trouve tout Paris à la Samaritaine, explique Eléonore de Boysson. Sur 20.000 mètres carrés nous avons dû faire des choix forts. Certains grand magasins ont une offre Epicerie importante, de même pour la Maison. Mais nous sommes dans un quartier avec peu d'habitants, donc il nous est apparu plus pertinent de proposer une offre de restauration disséminée dans le grand magasin. Nous envisageons la Samaritaine comme une promenade, avec des oeuvres d'art sur le parcours. Nous espérons qu'elle sera en mesure de susciter une nouvelle émotion parisienne. Sur le prêt-à-porter nous aurons une moins grande proposition que d'autres. En revanche nos équipes ont travaillé une sélection de marques et  de jeunes labels pour proposer des silhouettes edgy. Avoir une offre à la pointe concernant les dernières tendances".

L’intention est clairement de faire rester et revenir les clients. Le Voyage, l’espace bar-restaurant situé sous la verrière sera ouvert en soirée, mais entre cafés, pâtisseries, croque-madame ou lunch pas moins de douze points de restaurations sont disséminés dans le grand magasin.  Deux grands espaces pour des installations ou des corners éphémères, dédiés à Louis Vuitton et à la galerie d'art Perrotin pour l’ouverture, sont également installés pour l’un dans le bâtiment Rivoli, pour l’autre dans celui du Pont-Neuf. Tout ceci incitant à découvrir une offre délibérément orientée sur le haut de gamme.

Dans le bâtiment Pont-Neuf, le luxe est à l’honneur. Pour exprimer, le raffinement le studio canadien Yabu Pushelberg a imaginé un univers mêlant bronze et matériaux gris-bleu, comme un terrazo pour le sol, et qui fait écho aux structures Eiffel apparentes de toutes parts dans le bâtiment. Un univers imaginé pour séduire une clientèle internationale et qui se décline dans tous les espaces mutlimarques des cinq niveaux dédiés au luxe. Les grands noms du luxe comme Dior, Prada, Gucci, Louis Vuitton ou Fendi disposent bien évidemment de corners imposants chez la femme, l’homme ou au rayon accessoires. Les marques s’expriment en grand, mais La Samaritaine veut s’affirmer avec une sélection multimarques importante.



L'espace maroquinerie et la conciergerie au rez-de-chaussée du bâtiment Pont-Neuf - Matthieu Salvaing


"La Samaritaine est hybride entre le grand magasin et le concept store, explique Victoria Dartigues, directrice merchandising mode et accessoires du grand magasin. Nous avons les plus grandes marques qui s’expriment via leurs corners et nous avons de nombreux espaces multimarques où nous avons réalisé une sélection très précise. Cette proposition va évoluer d’une saison à l’autre, nous apporterons toujours de la fraîcheur et de la nouveauté. Chaque espace dispose des ses espaces multimarques avec un esprit 'mix and match', nous avons environ 35% de corners et 65% de surface multimarques".


Le plan de La Samaritaine - DR



Ainsi tous les vendeurs du lieu peuvent ont été formés pour pouvoir accompagner les clients sur toutes les marques et ont été équipés de smartphones afin de répondre au plus près des attentes de leurs interlocuteurs. Pour les clients les plus exigeants, La Samaritaine disposera aussi de son Appartement : des salons privatifs, dessinés par l'agence Atelieramo, pour organiser des shoppings privatifs en toute discrétion.

Une offre ciblée



Si son approche se veut très ciblée par rapport aux propositions existantes à Paris, les codes du grand magasin sont cependant respectés. Le rez-de chaussée, dans le bâtiment Pont Neuf est dédié aux accessoires. Les grandes marques de maroquineries s’expriment dans leurs espaces comme Dior, Vuitton ou Celine, et l’on trouve aussi une sélection de sacs de chez The Row, Marni  ou encore Isabel Marant et Jérôme Dreyfuss. La Samaritaine a aussi choisi de mettre très clairement en exergue des jeunes marques qui pourront être proposées en exclusivité dans un espace dédié qui régulièrement dévoilera quatre labels. Pour l’ouverture il s’agira de Danse lente, By Far, Vanina et Heimat. A quelques mètres de là, la Samaritaine a aussi choisi de signer son retour avec sa propre boutique.


La boutique de Loulou - We are Content



La boutique de Loulou, sise sous le Palace Cheval Blanc Paris, va proposer une multitude d’objets comme des illustrations, des cônes surprises et même un vélo, d’ouvrages et de vêtements ( Petit Bateau, Amédée Café, Native Union) faisant référence au lieu et à son importance dans Paris.
 
DFS, grand spécialiste de la vente de produits de luxe aux clientèles touristiques, a ensuite imaginé un rôle pour chacun des étages du bâtiment. Le quatrième étage est dédié au soulier pour femme avec une proposition débutant chez Wandler, Ganni et Carel et allant jusqu’aux signatures les plus luxueuses de Manolo Blahnik, Jimmy Choo ou Christian Louboutin. Le troisième étage est dédié à l’intégralité de la silhouette homme, avec les grands noms du luxe mais aussi une palette de silhouette avec Stone Island, Balmain, Off-White, Maison Margiela, Thom Browne ou Acne. Une offre très ciblée, qui permet au grand magasin de dédier en revanche un niveau entier à une sélection horlogerie-joaillerie avec Chaumet, Tiffany mais aussi des acteurs comme Yannis Sergakis, Stone ou Kavant.

Enfin le premier niveau permet au grand magasin d’afficher son postulat quant au vestiaire féminin. Le niveau est beaucoup plus vaste que les autres étages et permet à La Samaritaine d’afficher une diversité de propositions entre les corners du luxe et une sélection mutlimarques de jeunes créateurs. "Sur cet étage nous avons une proposition qui va de Dior jusqu’à Ganni, avec les grands noms du luxe, mais aussi une forte proposition de designers. Chaque segment a son espace multimarques avec une avancée du luxe vers les designers jusqu’aux marques contemporary. Cette proximité d’offre sur un même niveau est assez unique. Et nous avons agrémenté l’étage avec des propositions d’accessoires, comme Maison Michel ou Cire Trudon, pour créer une disruption, une surprise, avec l’offre prêt-à-porter, précise Victoria Dartigues. Notre volonté est de pouvoir apporter fréquemment de la nouveauté sur ces espaces multimarques avec régulièrement 10% à 25% de l’offre renouvelée".


Les deux tiers des espaces sont dédiés à l'offre multimarques installée sur le mobilier de La Samaritaine, comme ici au niveau de l'offre Femme - Matthieu Salvaing



L’offre est ainsi éclectique, avec des noms établis comme Chloé, Sacaï, Alexander McQueen, Acne ou Nina Ricci qui flirtent avec Forte Forte, AW Anderson et des jeunes marques créatives, parfois entrées en exclusivité comme Khaite, Gauchère, Studio Amelia ou Awake. Au final ce sont plus de 150 mètres carrés qui sont dédiés aux marques créateurs. La proposition contemporaine est elle plus limitée, avec en face des corners de Sandro et Maje, une sélection avec APC, In the Mood for Love, Rouje et plusieurs jeunes labels dynamiques.

Concepts Comme des Garçons Black et Shinzo Green



Cet univers fait, au propre comme au figuré, le pont avec le bâtiment Rivoli. Une passerelle mène vers le second bâtiment où tout est jeux de lumières et de transparences. Franchir ce pont vitré, c’est rejoindre une ambiance streetwear premium, avec graf' sur les murs et réinterprétation au pochoir du logo de La Samaritaine. Ici, dans une ambiance signée par le cabine Ciguë,la sélection reste haut de gamme avec des labels comme APC, Etudes, Billionaire, Maison Kitsuné ou encore Patagonia, Canada Goose ou The North Face.


Le concept Comme des Garçons Black - We are content



Mais l’entrée phare pour ce bâtiment se fait par la rue de Rivoli. Là, la Samaritaine affiche sa différence, avec une installation Comme des Garçons Black, encore jamais vue à Paris, qui va proposer les propositions imaginées par la designer Rei Kawakubo. Autre atout pour le lieu: une collaboration avec l’enseigne Shinzo, spécialiste reconnu du marché de la sneakers. "Nous voulions pouvoir nous démarquer et apporter une proposition spécifique à une clientèle jeune. Shinzo a accès à de nombreuses exclusivités au sein des marques avec ces magasins de la rue Etienne Marcel. L’idée pour nous deux était de pouvoir apporter quelque chose d’inédit". Shinzo va ainsi opérer un espace de 70 mètres carrés, avec une offre unisexe, et proposera des lancements de produits écoresponsables. L’espace est ainsi baptisé Shinzo Green.

Mais si l’ambiance est plus urbaine, côté Rivoli, la sélection prêt-à-porter distille des noms de marques streetwear pointues voire créatives comme Rhude, Marni, Facetasm, Qasimi, Casablanca, Juun.J pour l’homme ou encore Nanushka et les marques coréennes Pushbutton et System chez la femme. Un parti pris qui peut paraître osé sur un axe parisien où s’affichent des acteurs comme C&A, Celio, Etam, Pull&Bear ou Monki. Le challenge semble d’envergure, surtout si l’on voit que les Galeries Lafayette Champs-Elysées ont du faire machine arrière sur leur ambitieuse stratégie de proposition d’une offre créative pointue.


L'espace Beauté - We are Contents



Toutefois, l’accès par Rivoli devrait générer un beau flux, et pas seulement de badauds. Il permet en effet d’accéder à ce que l’on peut considérer comme l’un des atouts phare de La Samaritaine: son espace Beauté. Avec quelque 700 marques, dont de nombreuses exclusivités, proposées sur 3.400 mètres carrés, mais aussi un espace spa, un studio de maquillage, une maison du Parfum, la direction affirme qu’il s’agit du plus grand espace beauté d’Europe. Cet univers, imaginé par Hubert de Malherbe et s’étendant sur tout le niveau inférieur du grand magasin, devrait constituer un véritable moteur. En particulier pour attirer une clientèle locale qui se pressera sans doute pour les soldes qui débuteront le 30 juin.

La Samaritaine devra d’ailleurs convaincre les Parisiens et les Français, malgré son positionnement. Alors qu’en 2019, les ambitions affichées étaient d’attirer quelque 5 millions de personnes par an dont au moins la moitié de touristes, la crise liée à la pandémie de Covid, qui l’a contrainte à repousser son ouverture de plus d’un an, a aussi nécessairement rebattu les cartes. Chacun concède chez DFS que l’ouverture de 23 juin est une première étape, mais que les niveaux d’activité ne devraient pas être au rendez-vous initialement envisagé. Pour autant, DFS, et son propriétaire LVMH, entendent clairement suscité l’envie des touristes ne pouvant pas encore rallier l’Europe, notamment en programmant cette inauguration en pleine Fashion Week parisienne.

Il se murmure aussi qu’une série à succès de Netflix a déjà tourné des épisodes dans le lieu. De quoi marquer le coup auprès des Français mais aussi des futurs clients internationaux.
 

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