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19 avr. 2018
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Asos ou le pari d'une stratégie d'influence transparente

Publié le
19 avr. 2018

Le pure player britannique initiait en 2013 son programme d’Insiders, centré sur le recrutement d’influenceurs à même de mettre en valeur ses marques propres et de légitimer son approche tendance. Cinq ans plus tard, les micro-influenceurs, l’éditorialisation et l’expérience de marques sont devenus l’alpha et l’oméga du secteur de l'habillement dans son ensemble, donnant à l’initiative d’Asos une envergure autre.


Syana Laniyan, Ruddy Trobillant, Astrid Eudeline, Thomas Suissa et Barbara Malewicz, les Insiders d'Asos France - Asos


La marque britannique peut ainsi compter à ce jour sur un réseau de quelque 25 influenceurs maison. La Grande-Bretagne, où Asos pèserait désormais plus lourd que le leader historique de l’habillement Marks & Spencer, concentre sans surprise le gros des troupes avec neuf « Insiders ». Mais le portail en compte également cinq en France, cinq aux Etats-Unis, trois en Allemagne et deux en Australie. Chacun a été recruté en fonction de ses affinités stylistiques : l'habillement femme ou homme, du vintage aux récents développements sportswear du portail, en passant par le denim, ou encore la beauté, univers dans lequel Asos a déployé l’an passé son offre propre.

« Nous en sommes arrivés au point où certains Insiders participent désormais à nos campagnes, où nous avons commencé à les mettre davantage en avant et cela a tout de suite rencontré un vif succès en Grande-Bretagne, explique la directrice communication monde d’Asos, Rachel Bremer. L’important pour que cela fonctionne était de trouver des influenceurs qui se rapprochent des valeurs que nous voulons incarner. Nous ne visons pas des relations se résumant à de simples transactions limitées dans le temps, comme cela peut se faire. Toute l’idée est de nouer des relations sur le long terme. Chaque canal doit être abordé de manière spécifique et la construction d’un réseau communautaire doit, elle, se faire sur le fond plus que la forme, pour en faire une communauté qui vit à l’année. »

Pas moins de 78 % des entreprises de mode, luxe et beauté ont eu recours aux influenceurs l’an passé, en hausse de 13 points sur un an, selon le dernier baromètre Launchmetrics réalisé en Europe et aux Etats-Unis. Des influenceurs qui sont d’abord un outil de fidélisation pour 73 % des professionnels, avant de servir à stimuler les ventes, selon 69 % du panel. Côté consommateurs, une autre étude indique que 29 % des Français indiquent s’être déjà intéressés à une marque citée par un influenceur, contre 62 % chez les jeunes acheteurs. Reste que si 41 % de ces derniers estiment que les influenceurs sont des experts capables de rester indépendants, 79 % des Français voient en eux des promoteurs de marques.

Et c’est là où l’approche d’Asos permet au portail de trouver sa singularité : les influenceurs recrutés ne présentent pas des produits Asos sur leurs publications propres, mais sur des comptes parallèles portant clairement la signature Asos. Des comptes qui sont transmis d’une génération d’Insiders à une autre, capitalisant sur l’audience générée influenceur après influenceur. Un modus operandi par lequel le britannique joue carte sur table vis-à-vis de sa communauté, balayant à l’avance toute suspicion d’ingérence et d'engouement simulé dans les publications personnelles de ses ambassadeurs.

La fin des influenceurs ?

« Nous sommes vraiment à part ; nous avons une vraie crédibilité, explique Astrid Eudeline, qui faisait partie de la première génération d'Insiders tricolores. Nous ne faisons pas d’opération marketing pour du dentifrice par exemple. Ce dont nous parlons, ce sont de nos goûts propres, de nos coups de cœur (...). Aujourd’hui, c’est triste, car tout le monde fait la même chose et se contente de copier les influenceuses qui fonctionnent le mieux. On en est au point où de grandes marques doivent faire appel à des agences pour blacklister certains influenceurs. C’est là où Asos essaie de faire différemment, de trouver des gens qui peuvent faire ce travail en conservant leur identité propre afin de garder une certaine vérité. Quand un influenceur se cambre sur son lit pour une photo "au naturel", on sait que tout est faux et Asos fait appel à des personnes qui ne font pas ça. Surtout maintenant que l’arrivée des "stories" (séquences courtes visibles 24 heures sur Instagram, ndlr) a changé la donne... »


@Asos_fr sur Instagram - DR


Un constat que dresse aussi l'Instagrameur Thomas Suissa. « L’instantanéité a énormément changé les choses, estime l'Insider, qui raconte avoir été repéré autant pour son univers vintage et denim que pour son engagement fort dans la communauté LGBT. Instagram joue d’ailleurs beaucoup là-dessus, les publications sont des mises en scène et les stories servent à en montrer les coulisses. Personnellement, je n’aime pas le terme influenceur. D’une part, parce que certaines pratiques l’ont sali, comme ce que j’appelle la prostitution digitale. D’une autre, parce que cette notion implique que l’on peut influencer alors qu’il s’agit davantage d’être prescripteur, ce qui implique de créer son contenu. Car des mecs qui ont du style, à Paris, il y en a plein. Si Asos est venu vers moi, c’est parce que j’avais derrière un discours propre et des convictions. »

« Les influenceurs seront amenés à disparaître, à terme, je pense, prophétise de son côté l'influenceur Ruddy Trobrillant. Tout le monde peut être influenceur. Donc, fatalement, nous serons davantage recherchés pour notre capacité à créer du contenu que pour notre audience. De l’extérieur, beaucoup ne voient que le côté "argent", sauf que tout le monde ne se voit pas proposer tous les jours des contrats à 5 000 euros. Je connais des gens qui en ont fait leur métier, qui ont 500 000 followers, mais qui n’ont plus de vie à côté. Or, pour moi, ce n’est pas la vie. Je gagne ma vie grâce à cela, mais cela doit rester une passion. La créativité doit rester le moteur ». Un retour aux sources, en somme.

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