Mathilde LEMAIRE
9 sept. 2021
Au salon Who's Next, la souveraineté industrielle de la France en question
Mathilde LEMAIRE
9 sept. 2021
Pénurie de masques, manque de matières premières… Pour plusieurs acteurs de l’Hexagone présents à la conférence "Relocalisation ou réindustrialisation" du salon Who’s Next, qui s'est tenu du 3 au 6 septembre à la porte de Versailles à Paris, la crise sanitaire a posé les limites de la délocalisation et mis en lumière l’ultime enjeu de la filière française: retrouver une souveraineté industrielle.
Après plusieurs années passées à délocaliser, une partie des entreprises de l’industrie de la mode aspirent aujourd’hui à se tourner vers une fabrication made in Europe ou made in France, pour des raisons logistiques, économiques ou environnementales. Une tendance encore timide selon Pascal Denizart, directeur général du Centre européen des textiles innovants (CETI) : "Les produits made in France élaborés à partir de matières françaises ne représentent que 0,6% des 30 milliards d’euros consommés dans l’Hexagone."
Le coût comme frein à la croissance?
Au cœur du débat, le coût de la fabrication française, qui reste l’un des principaux freins au choix du made in France chez les entreprises. Pour Laurent Marck, directeur général de Marck & Balsan, il est possible de contrer cet aspect : "Grâce à la proposition de services supplémentaires et à la proximité que l’on ne retrouve pas avec la production à l’international, il est possible de se différencier et rester attractif."
Un avis partagé par Pascal Denizart: "Il faut apprendre à compenser les coûts du circuit court en mettant en avant la rapidité, et les avantages environnementaux et économiques de ce fonctionnement."
Il évoque également un besoin de trouver de nouvelles alternatives aux matières premières plébiscitées actuellement: "Le prix du coton a augmenté de 47%. C’est une ressource qui devient rare et néfaste pour l’environnement. C’est pourquoi il est nécessaire de penser à d’autres options, plus économiques et responsables."
La nécessité de fluidifier les échanges entre marques et fabricants
Madeleine Cusinberche, secrétaire générale de l'association Façon de Faire, insiste quant à elle sur l’importance de faciliter les échanges entre donneurs d’ordres et fabricants afin de redynamiser la filière française. Un projet dans le cadre duquel son organisation a donné vie à une plateforme de mise en relation, Façon-de-Faire.fr, qui permet aux marques de mettre en avant leurs besoins, et aux entreprises de confection de se positionner pour y répondre. Ce dispositif, destiné aux filières du textile et de l’habillement, promet une interface intuitive et facile d’utilisation pour accompagner au mieux les différents acteurs du secteur. Il sera dévoilé à la mi-septembre.
Vers une transformation de l’industrie
"Même si seulement 10% des entreprises se tournaient aujourd’hui vers le made in France, le pays n’aurait pas la capacité de répondre à la demande", constate Laurent Marck. "Il faut donc se développer, et trouver les moyens de proposer un service assez rapide pour concurrencer l’Asie."
Pour Céline Choain, senior partner au cabinet de conseil en stratégie Kea & Partners, (et co-auteure d'un rapport référence du Comité Stratégique de Filière Mode et Luxe sur la question), une grosse partie du travail se fait également au sein des marques, pour lesquelles il est nécessaire de trouver le bon équilibre, la bonne manière de bouger les lignes tout en pensant à la marge complète du produit, et alors qu’elles se lancent parfois dans le vide dû à une méconnaissance des tissus français.
Des marques aux fabricants, de nombreux défis attendent donc la filière française dans les années à venir. Une transition que l’on doit en partie à la pandémie de Covid-19, qui a permis de renouer les liens entre les différents acteurs de l’industrie lors de la fermeture des frontières.
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