Matthieu Guinebault
6 nov. 2013
Bénédicte Bro-Cassard: "En Chine , si on se loupe, c’est définitif !"
Matthieu Guinebault
6 nov. 2013
Du 25 au 27 octobre, Chic Young Blood présentait aux professionnels ou simples consommateurs pékinois une sélection d’exposants tournés vers la mode jeune. Consultante de l’Abest, Association brésilienne des designers de mode, Bénédicte Bro-Cassard était pour sa part venue avec cinq marques brésiliennes. Contributrice mode de LeMonde.fr et Vogue China, elle dresse le portrait d’un marché chinois où toute erreur est lourde de conséquences, mais où l’arrivée des Galeries Lafayette pourrait ouvrir la voie à des réseaux multimarques.
FashionMag.com: Quelles dispositions le marché chinois requiert-il ?
Bénédicte Bro-Cassard: Comme tous les créateurs brésiliens sont propriétaires de leurs usines, cela permet de tout contrôler. On sait déjà qu'il faut faire des tailles plus petites. Par exemple, H&M commence au 32, soit à peu près la taille de ma fille de 8 ans. Et ils ont l'audace, sur Taobao, de considérer le 36 comme une grande taille, et 38 en extra-large. Il faut donc s'adapter car les filles qui sont minces ici sont vraiment très minces. Niveau prix, Chic Young Blood permet également de regarder quel prix maximum les Chinois seraient prêts à payer pour une pièce.
FM: La quête de distributeurs pose-t-elle problème ?
BBC: Il y a très peu de multimarques. Nous avons d’ailleurs eu sur le salon un nombre incalculable de représentants immobiliers voulant nous vendre des boutiques. Je les arrête tout de suite: on a 22h de vol et 12h de décalage horaire avec eux. Travailler avec eux est une tannée. De fait, jamais les marques n’ouvriront une boutique, à moins de trouver un partenaire ici, ce qui est une autre possibilité. Mais ouvrir une boutique par eux-mêmes, ça non. Quelqu’un qui serait plus proche, en Corée ou au Japon, pourquoi pas.
FM: Voyez-vous émerger en Chine de nouveaux multimarques ?
BBC: Je pense que les Galeries Lafayette vont changer la donne, en introduisant des marques moins connues avec lesquelles les consommateurs sont moins familiers. Ces derniers commencent à trouver ennuyeux l'accumulation de grandes marques, qui sont en plus copiées et recopiées. Il faut donc des marques plus originales, à des prix plus abordables pour toucher cette classe émergente. Et des représentantes de celle-ci nous ont indiqué à quels prix elles évaluent certaines pièces. Ces informations vont être très précieuses pour les marques brésiliennes.
FM: La clientèle chinoise est adepte de marques occidentales. Qu’en est-il des marques brésiliennes ?
BBC: Blague à part, le Brésil est le passeport le plus désiré au monde avec le Canada. Quand on pense Brésil, on n'a que des choses positives en tête. Les super-models, la musique, la plage, les couleurs… Un style de vie qui est positif. Et même si les Chinois connaissent peu le Brésil, ils connaissent ça. Donc on sait ce qu’on vend, et l’image que l’on renvoie. Et la clientèle pour nos marques, ce n’est pas l’étudiante qui gagne 3000 yuans par mois mais une clientèle d’élite qui voyage et connait le Brésil.
FM: Quelles sont les clefs pour bâtir son business en Chine ?
BBC: On sait aussi que la Chine est une question de relation. Il est question de venir, encore et encore, pour voir les clients importants. Et, à force de voir les Brésiliens, cela s'intègre dans leur esprit. Notre présence est presque plus une affaire de relation que de commandes. Nous avons aussi eu des diners avec des clients, la presse, des blogueurs, des stylistes, des acheteurs des Galeries Lafayette, de l'e-commerce... Je ne sais pas qui peut se targuer de se développer vite en Chine. C’est obligatoirement une succession de petits pas dans la bonne direction. Car ici, il ne faut pas faire n’importe quoi et prendre le risque de se planter.
FM: Pas de droit à l’erreur en Chine ?
BBC: En tant que consultante basée à Pékin, je dis aux marques "On y va doucement. Car, si on se loupe, c'est définitif". On a le soutien du gouvernement brésilien, donc nous sommes assez décontractés. Au niveau financier, en tout cas. Les marques sont établies, et ne sont donc pas impatientes.
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