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26 avr. 2021
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Chiara Ferragni, le poids de l’influence

Publié le
26 avr. 2021

L’entrée de la it-girl Chiara Ferragni au conseil d’administration de Tod’s a eu un effet spectaculaire sur son cours de Bourse. Le jour de l’annonce, le 8 avril dernier, le titre s’est envolé de 14%, poursuivant sa course six jours d’affilée, ce qui a permis à la maison de luxe italienne de récupérer ses pertes sur le marché depuis un an. C’est dire le pouvoir d’influence de la star italienne des réseaux sociaux, qui semble transformer en or tout ce qu’elle touche. Très vite propulsée sous les projecteurs, elle affiche un parcours sans faute, qui l'a vu passer de simple blogueuse à entrepreneuse digitale à succès en une décennie.


Chiara Ferragni en novembre 2020, habillée par Alberta Ferretti - Aeffe


"La connaissance de Chiara sur le monde des jeunes sera certainement une aide précieuse", a commenté le PDG de Tod’s, Diego Della Valle à propos de son arrivée au sein du conseil du groupe.

"Autrefois, on voyait les aristocrates s’asseoir dans les conseils d’administration des marques de luxe. Aujourd’hui, il me semble juste qu'il s'agisse de personnes en contact avec les groupes de consommateurs les plus importants, à savoir les jeunes", observe Luca Solca, analyste chez Bernstein.

"Certes, avoir Chiara Ferragni dans le conseil d'administration doit ensuite amener à prendre des décisions de marketing qui rapprochent la marque de cette cible. Elle peut faciliter cette transition, mais personne du fait de sa seule présence ne peut faire des miracles", ajoute-t-il.

Forte de plus de 23 millions d’abonnés sur Instagram, la jeune femme, qui s’apprête à fêter ses 34 ans, se hisse à la troisième place du dernier classement Mode élaboré par l’agence anglaise de marketing digital Hopper HQ, "Instagram Rich List 2020", juste derrière les top-modèles Bella Hadid et Emily Ratajkowski (dans le classement général, elle est la première italienne en 65ème position, ndlr). Le prix de chacun de ses posts est estimé par l’agence autour de 59.700 dollars.

Elle a été parmi les toutes premières à créer son blog de mode en 2009



Cette trajectoire illustre la transformation que vit l’industrie du luxe, en particulier depuis un an, et peut aider à en décrypter les mécanismes. Chiara Ferragni a débuté sur des sites comme la plateforme italienne AlterVista ou Netlog, sorte de Facebook européen avant l’heure aujourd’hui disparu, avant de publier à partir de 2004 ses photos sur Flickr, la plateforme d’hébergement et de partage d’images.

Elle a 22 ans lorsqu’elle lance le 12 octobre 2009 son blog The Blonde Salad, centré sur la mode et l’art de vivre. C’est l’une des premières blogueuses en Italie à publier les photos de ses tenues, mises en scène dans les rues de Milan. Au bout d’un mois, elle compte 30.000 visiteurs par jour et ne tarde pas à se faire remarquer. Considérée comme la pionnière d’un phénomène en devenir - celui de l’engouement pour les blogs de mode, à l’époque bien peu compréhensible et prévisible-, elle est invitée dans des conférences, tandis que les marques commencent à la courtiser, lui proposant de porter leurs vêtements et l’invitant à leurs défilés.


Le classement "fashion" d’Instagram Rich List 2020 - Hopper HQ


Tandis que son audience s’élargit, elle consolide son image, tout en s’adaptant à l’évolution de la Toile. Ainsi dès 2012, elle ouvre un compte Instagram et comprend très vite comment transformer ce "passe-temps" en véritable business. La blogueuse multiplie les collaborations en monétisant ses prestations "publicitaires", tandis que son blog se transforme en un site à part entière avec un projet éditorial et un e-commerce pour y vendre les produits des marques qu’elle porte.

Avec son nouveau statut d’influenceuse, elle se fait payer pour participer à des événements et sélectionne désormais les demandes, se centrant sur les griffes les plus prestigieuses. Surtout, elle propose des projets de collaboration plus structurés tels que des collections capsules ou des initiatives de co-branding avec les marques les plus variées, de Lancôme à Champion.

Dès 2010, elle sort même une collection de chaussures à son nom, qui évolue en 2013 pour devenir une marque à part entière, Chiara Ferragni Collection. Elle en initie le développement international en 2016 via l’ouverture de pop-up stores dans les grands magasins et inaugure son premier magasin amiral à Milan en 2017, suivi d'autres adresses, dont Paris, Hong Kong et Shanghai. Depuis un an, elle travaille à diversifier son offre en multipliant les licences. Elle s’est ainsi associée à Safilo pour lancer sa toute première ligne de lunettes.

Savoir s'entourer de partenaires pour mieux prospérer



En 2020, elle a changé de partenaire pour l’habillement, confiant la licence à Swinger International (Genny). Récemment, elle a noué aussi des accords avec le groupe de mode Aeffe (Moschino), dont la société Velmar va produire et distribuer en licence ses collections de sous-vêtements et de bain, et avec le spécialiste italien de la mode enfant Monnalisa pour piloter sa ligne de vêtements pour fillettes (jusqu’à 10 ans) incluant une collection pour nouveau-nés… immédiatement promue par la naissance récente de Vittoria, le deuxième enfant de Chiara Ferragni et de son mari, le rappeur Fedez.

De fil en aiguille, l’influenceuse structure ses multiples activités jusqu’à mettre sur pied un petit empire composé de trois sociétés. La première TBS Crew, qu'elle détient à 55%, chapeaute le site The Blond Salad et a réalisé en 2019 un chiffre d’affaires de 6,4 millions d’euros ainsi qu’un bénéfice de 450.000 euros.

La deuxième, Sisterhood srl, qu’elle contrôle à 99%, a été constituée en 2018 pour s’occuper de gestion de marques et de conception de campagnes publicitaires. Elle affiche un chiffre d’affaires de 11,3 millions d’euros et un bénéfice de 5 millions.


Chiara Ferragni et son mari Fedez à un défilé de Fendi - ANSA


Enfin, Serendipity, récemment rebaptisée Fenice, a été fondée en 2013 pour gérer sa marque Chiara Ferragni Collection. Elle possède 32,5% des parts, tandis que son premier actionnaire, la société d’investissement Alchimia de Paolo Barletta, en détient 40%.

Mais sa marque ne rapporte pas encore autant que ses activités d'influence. Depuis deux ans, elle a vu ses ventes reculer, tandis que parallèlement de nombreux investissements ont été engagés afin de renforcer sa structure. En 2019, elle a ainsi accusé une perte nette de 521.000 euros, tandis que ses ventes ont atteint 1,048 million d’euros, fléchissant de 32% par rapport à 2018.

Originaire de Crémone, petite ville située au sud de Milan, Chiara Ferragni a su pénétrer l’univers du luxe, soutenue par une communauté fidèle grandissante, en surfant très tôt sur l’économie digitale et sur son image de "Madame tout le monde".

Loin des célébrités, elle incarne avec une certaine authenticité les multiples facettes de la normalité, de la jeune fille aspirant au succès à la femme active en passant par la maman, permettant une forte identification de ses fans. Des valeurs, qui en cette période de pandémie, comptent plus que jamais auprès du public… et des maisons de luxe.

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