CIFF x Revolver: une édition de transition suivie d’un voyage à New York
À Copenhague, la mode est entrée dans une nouvelle étape avec l’organisation conjointe des deux salons les plus importants du pays, CIFF et Revolver, absorbé par son confrère en janvier 2023. La première édition commune a eu lieu du 9 au 11 août derniers au Bella Center, sous l’œil attentif des professionnels du secteur. L’ambiance était animée et les attentes étaient élevées face à cette phase de transformation. Voyant toujours plus grand en termes de surface et d’ambition, CIFF x Revolver compte bien poursuivre ses objectifs d’internationalisation et s’offrira cette semaine un premier voyage aux États-Unis.
Une édition placée sous le signe du pragmatisme
Cette première édition de CIFF x Revolver aurait marqué la 61e pour CIFF. Les enjeux étaient d’envergure: le nouvel événement se devait d’être fidèle aux deux salons tout en trouvant une nouvelle identité commune, attractive et stimulante pour les participants. Le grand défi pour CIFF x Revolver: trouver des compromis acceptables démontrant que le changement était positif, tout en satisfaisant le plus grand nombre de professionnels possible.
Les couloirs bruissant d’activité et les chiffres finaux de participation semblent confirmer le bien-fondé de cette décision. Cette saison, le rendez-vous a enregistré trois fois plus de visiteurs, dépassant la barre des 17.000 personnes (dont 7.000 venus assister uniquement à la première journée, sous une pluie battante). Les pays scandinaves étaient en tête de lice des participants et représentaient 60% des visiteurs, mais plusieurs marchés étrangers étaient aussi bien présents, comme l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Bénélux ou la France.
Sur une surface de 20.000 mètres carrés, le salon rassemblait plus de 500 marques exposantes, provenant là aussi principalement des pays scandinaves. Arrivaient ensuite le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et la France. Interrogée par FashionNetwork.com, l’organisation n’a pas souhaité révéler combien d’entreprises étaient issues de chaque salon. Une fois encore, de nombreuses boutiques multimarques italiennes avaient fait le déplacement parmi les acheteurs invités. Des professionnels des pays nordiques, de France, d’Asie et des États-Unis étaient aussi présents.
“Cette saison, nous avons fait le choix de nous réunir et d’accueillir l’industrie du monde entier à Copenhague. Nous sommes confiants et satisfaits de l’expérience de salon créée“, soutient Sofie Dolva avec conviction. La directrice de l’événement a été nommée directrice générale de CIFF à l’été dernier, prenant la suite de Christina Neustrup. “Tout ce que nous avons fait au cours des six derniers mois pour préparer le salon témoigne de notre grande fierté envers l’industrie danoise et de notre engagement à nous positionner comme trait d’union entre Copenhague et le monde pour montrer ce que nous représentons à l’étranger et valoriser les talents incroyables que nous avons dans toute la région nordique“, affirme-t-elle. Cette dernière édition a été abordée “avec une perspective inédite pour créer quelque chose d’entièrement nouveau“.
Du côté des nouveautés, le salon s’est offert un petit rafraîchissement destiné à améliorer le côté pratique. La disposition des stands était moins travaillée que celle dont les participants du CIFF avaient pris l’habitude, et la zone exclusivement dédiée au développement durable avait été supprimée. En effet, la responsabilité environnementale est maintenant perçue comme “une caractéristique transversale“. L’espace habituellement dédié aux conférences avait aussi été rogné. En définitive, la priorité était claire: adapter le format et tester la réponse des participants pour cette première étape.
Cette nouvelle disposition n’hésitait pas à mélanger les stands, plus minimalistes que lors d’éditions antérieures. La directrice du salon explique à FashionNetwork.com: “Nous avons voulu nous inspirer de la circulation chez Ikea, pour que tous les exposants soient vus. Nous avons séparé certaines des marques les plus recherchées ou connues et avons créé des flux de connexion entre elles“. Les secteurs étaient tout de même rangés par catégorie: luxe accessible, prêt-à-porter commercial, talents émergents et mode circulaire, chaussure, prêt-à-porter masculin, streetwear, plein air, mode unisexe et beauté. Occupé par Peclers Paris, un espace était dédié à l’analyse de tendances. Du côté de la restauration, quelques innovations soulignaient aussi la “volonté de soigner l’expérience“, avec la présence de l’espace gourmet tendance Mangia.
Le nouveau format fusionnant les deux salons a été vu comme une évolution favorable par Cecilia Thorsmark, la directrice générale de la Copenhagen Fashion Week qui se tenait en même temps. “C’est une très bonne décision, pour l’industrie, pour la ville et pour les participants de la Copenhagen Fashion Week. Pour des raisons logistiques, cela facilite une expérience plus fluide et plus cohérente. Cette union va apporter des retours très positifs à tout notre secteur de la mode“, assurait la dirigeante lors d’une interview pour FashionNetwork.com.
Des marques exigeantes et pleines d’attentes
Concernant les inquiétudes des participants suite à l’acquisition de Revolver par CIFF, Sofie Dolva argumente: “Beaucoup d’entre eux étaient soucieux de conserver leur emplacement habituel à côté d’autres marques. Nous avons essayé de répondre à leurs besoins tout en panachant les propositions pour trouver un équilibre juste. Pour cette première édition, la segmentation n’était pas notre priorité. Nous voulions surtout garantir un trafic élevé et une expérience de circulation fluide. Pour la saison prochaine, nous allons tirer des leçons de notre expérience, des retours que nous aurons et des chiffres pour peaufiner les détails nécessaires.“ L’édition hivernale du salon aura lieu du 31 janvier au 2 février 2024.
Habituée de la Fashion Week de Londres et du salon CIFF, la griffe britannique Labrum occupait un stand central avec un emplacement privilégié, orné d’une sculpture artistique d’inspiration africaine. “Je suis très satisfait d’avoir participé, les choses s’améliorent à chaque édition“, assure le designer et fondateur de la marque, Foday Dumbuya. Les possibles synergies futures avec des événements mode internationaux l’intéressent au plus haut point.
Un optimisme partagé par des marques emblématiques du salon, comme Snow Peak, le spécialiste japonais de l’outdoor. Cette saison, la marque avait opté pour un espace extérieur inspiré d’un salon de thé/café. La bonne humeur était aussi au rendez-vous chez les marques débutantes, comme la griffe locale de joaillerie Sorelle ou le phénomène Isnurh, une marque masculine de streetwear premium fondée en 2017 dont le stand a enregistré l’une des plus fortes affluences, après d’être fait remarquer lors de la dernière édition du Pitti Uomo.
“C’est la première fois que nous participons au CIFF. Avant, nous exposions au Revolver. Les sensations sont très positives, sincèrement“, assure la firme finlandaise Marimekko. Connue pour ses couleurs vives et ses imprimés originaux, la marque avait un stand central et a également défilé à la Copenhagen Fashion Week. D’autres griffes avaient fait le choix de participer aux deux événements, comme TG Botanical, Holsweiler, Henrik Vibskov et Helmstedt.
D’intéressantes marques de chaussures comme Sebago, Pavement, Buffalo et Steve Madden étaient de la partie. Mais le secteur de la chaussure était également représenté par des agences disposant d’un showroom fixe à l’année dans l’espace d’exposition. Le Bella Center travaille actuellement avec plus de 250 showrooms, dont celui de l’agence commerciale spécialiste du marché nordique Norse Fashion Agency, qui représente des griffes comme Wushu Ruyi et les Espagnoles Bibi Lou, Verbenas et Hoff. “C’est une marque très populaire en Suède“, assure l’agence. “Le salon a été plutôt calme mais Hoff est entré en contact avec de très bons clients“, ajoute-t-elle.
“Pour nous, il est essentiel d’avoir une présence au salon en complément du travail de fond que nous faisons toute l’année au showroom“, ont souligné les dirigeants de Verbenas, une marque fondée à Elche en 2014 et présente dans plus de 60 pays. Dans les pays nordiques, la griffe compte déjà plus de 200 points de vente.
Sita Murt, un autre label espagnol spécialisé dans la maille haut de gamme, participe à l’événement depuis dix ans. Cette année, son but était “d’explorer les marchés scandinaves et d’accélérer le développement à l’étranger“. Ses représentants étaient plutôt optimistes au vu des résultats et ont remarqué un trafic de qualité, également obtenu grâce à un emplacement stratégique, à côté de marques au positionnement similaire comme les Françaises Sessùn et American Vintage.
L’une des principales initiatives de Sofie Dolva à son arrivée à la direction du salon a consisté à créer une zone dédiée aux marques de cosmétiques. Pour cette édition, elle occupait le lumineux espace auparavant destiné aux griffes masculines. Le nombre de participants était encore modeste, avec une quinzaine de représentants du domaine de la parfumerie et du soin visage. Toutefois, plusieurs marques comme Bodyologist, Inuacare et Rudolph Care en étaient déjà à leur deuxième édition après “les résultats intéressants obtenus à l’hiver dernier“. En général, les marques ont salué l’opportunité offerte par le salon et la prise de contact avec des acheteurs internationaux, premier pas pour toucher leurs homologues des achats beauté.
Une délégation danoise va faire son premier voyage à New York
Dans le cadre de son développement international, CIFF x Revolver s’installera dans la ville qui ne dort jamais pendant la New York Fashion Week grâce à une collaboration avec le Council of Fashion Designers of America (CFDA) et l’association sectorielle danoise Wear. Du 7 au 9 septembre, le salon scandinave animera un showroom de 20 mètres carrés à Mercer and Grand, dans le quartier de SoHo.
Sur la thématique de la mode éthique, CIFF x Revolver présentera aux États-Unis une sélection de douze marques danoises de mode féminine (Hemlstedt, Nynne, Birgitte Herskind, Storm & Marie et A Roege Hove), de mode masculine ((Isnurh, Berner Kuhl et Han Kjobenhavn), de chaussures (Vinny’s) et de beauté (Rudolph Care).
Six marques américaines ont aussi été sélectionnées par le CFDA pour leur positionnement écoresponsable pour les accompagner: M. Patmos, Charles Harbison, Melissa Joy Manning, Julia Jentzsch, Jahnkoy et Hope For Flowers.
“Notre monde est plus connecté que jamais, mais la coopération devient essentielle. C’est un privilège de travailler avec nos amis du CFDA pour montrer la créativité et l’innovation qui caractérisent le design danois, et c’est une responsabilité d’utiliser notre voix commune pour encourager le changement positif qui protègera l’avenir de l’industrie que nous aimons et valorisons“, assure Sofie Dolva, convaincue de la pertinence de la synergie entre les événements.
“La région scandinave a toujours été l’une des pionnières mondiales en matière de développement durable. Je suis ravie de cette opportunité de nous retrouver à New York avec un objectif commun et de célébrer ce qui nous unit“, ajoute-t-elle.
Le directeur de Wear, Nikolai Klausen, se dit “fier de son pays“. “Nous sommes fiers d’être à l’avant-garde mondiale de l’éco-responsabilité, une caractéristique profondément intégrée dans la réflexion des dirigeants d’entreprise et des consommateurs“. Pour lui, la collaboration entre les marques américaines et danoises représente “un parti pris progressiste de coopération transnationale dans l’industrie de la mode“, qui “offre l’opportunité de partager des expériences et de s’inspirer mutuellement“.
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