AFP
24 oct. 2008
Crise financière : l'industrie textile du Bangladesh panique
AFP
24 oct. 2008
DACCA, 24 oct 2008 (AFP) - Le puissant secteur textile du Bangladesh, exportateur vers l'Occident, souffre déjà d'annulations de commandes des États-Unis et d'Europe plombés par la crise financière, au risque d'attiser les tensions sociales dans ce poumon de l'économie locale.
Usine textile à Ashulia au Bangladesh - Photo : Jewel Samad/AFP |
"L'industrie est en train de paniquer", prévient Mohammad Abdul Momen, dont le groupe Pride fabrique des bustiers pour la marque espagnole Zara.
Son confrère Mohammad Sohrawardi, patron du groupe Rashi, n'avait jamais perdu autant de commandes en aussi peu de temps. "D'habitude, c'est la meilleure période de l'année. Mais les ordres d'achat ont plongé de 40 %", déplore-t-il en scrutant nerveusement les comptes de ses neuf usines de confection.
Le secteur bangladais du textile --au deuxième rang mondial derrière la Chine-- tourne normalement à plein régime avant Noël. Mais la baisse de la consommation dans les pays riches pèse sur l'activité de la myriade d'ateliers fournisseurs des marques et enseignes occidentales.
"Ce mois-ci, l'un de nos plus gros acheteurs américains a annulé une commande d'un demi-million de vêtements par mois jusqu'à la fin de l'année", se désole M. Sohrawardi. Ses clients invoquent "une dégringolade de leurs ventes à cause des difficultés économiques aux États-Unis".
L'industriel participait à un salon professionnel à Dacca, capitale de cet État musulman laïc d'Asie du Sud, où une cinquantaine de fabricants ont plaidé pour un recentrage sur le Japon afin de contrebalancer le ralentissement aux États-Unis et dans l'Union européenne.
Ces pays captent 90 % des exportations de pièces textiles du Bangladesh.
L'industrie de la confection est absolument vitale pour l'un des pays les plus pauvres de la planète, avec 38 % des 144 millions de Bangladais vivant avec moins d'un dollar par jour.
Le secteur textile injecte chaque année 11 milliards de dollars dans l'économie nationale, représente 80 % des exportations et emploie 40 % de la population active. Le taux de croissance du Produit intérieur brut en 2007 a atteint 6,2 %, dopé par un bond de 17 % du chiffre d'affaires du secteur des vêtements.
Optimiste, le ministre des Finances Mirza Azizul Islam a exclu tout effondrement de l'activité. "Il peut dire ce qu'il veut, ça chauffe déjà pour nous", conteste Fazlul Hoque, président de l'association bangladaise des fabricants et exportateurs de vêtements tricotés.
"L'un de mes acheteurs au Canada vient de repousser de trois semaines une énorme commande. Il attend de voir comment vont évoluer les Bourses et si les consommateurs vont vraiment se serrer la ceinture", explique-t-il en prévoyant "un plongeon de l'industrie, comme après les attentats du 11-Septembre".
Le professeur d'économie de l'université de Dacca, Wahiduddin Mahmud approuve: la crise financière aux Etats-Unis et en Europe fait en quelque sorte du Bangladesh une victime collatérale.
"Nous ne sommes pas prêts à relever tous ces défis, d'autant que la flambée des prix des denrées alimentaires pèse déjà sur les salaires", relève-t-il.
En avril, le gouvernement avait demandé aux patrons du textile de verser une partie de leurs bénéfices afin de subventionner l'achat de produits alimentaires pour leurs employés qui ne pouvaient plus se payer un kilogramme de riz.
Un projet d'aide remis aux calendes grecques puisque les entreprises bangladaises prennent des mesures draconiennes pour maintenir leurs marges, avertit M. Momen du groupe Pride.
"Les relations sociales ne sont déjà pas bonnes dans le secteur", s'inquiète le professeur Mahmud. En 2006, des manifestations de dizaines de milliers d'ouvriers contre les bas salaires avaient dégénéré en émeutes avec l'incendie de dizaines d'ateliers.
Par Shafiq ALAM
Tous droits de reproduction et de représentation réservés.
© 2024 Agence France-Presse
Toutes les informations reproduites dans cette rubrique (ou sur cette page selon le cas) sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par l'AFP. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, modifiée, rediffusée, traduite, exploitée commercialement ou réutilisée de quelque manière que ce soit sans l'accord préalable écrit de l'AFP. L'AFP ne pourra être tenue pour responsable des délais, erreurs, omissions qui ne peuvent être exclus, ni des conséquences des actions ou transactions effectuées sur la base de ces informations.