Dan Otmezguine (Stories): "Etre Français peut être un avantage en Chine"

Le site chinois de ventes sur internet Vipshop (3ème derrière Taobao et 360buy.com) a fait appel à une agence de stratégie et design française, Stories, pour développer son concept. Et pour cause : les revenus du e-commerce en Chine sont en plein boom. Dan Otmezguine, directeur général de Stories, explique à FashionMag les principaux enjeux de ce marché gigantesque où néanmoins aucun succès n'est acquis.

FashionMag : Quel est votre rôle dans le projet de développement de Vipshop ?
Dan Otmezguine: Ce qui les a convaincus c'est notre expérience dans le retail et le fait que nous sommes présents avec des concepts innovants sur le territoire chinois depuis 5 ans. De plus, nos origines françaises nous ont aidés car la France est créditée d'une vraie expertise dans le textile et d' une culture dans la distribution. Être Français peut être un avantage à condition de rester humble et à l'écoute. Ils nous ont demandé d'accompagner l’évolution du site dans une stratégie de long terme. C'est tout sauf évident dans ce pays. Les entreprises, souvent étourdies par leur succès fulgurant et la hausse soudaine de leurs chiffres d'affaires, ne s'investissent pas dans une logique d'avenir, restent ancrées sur le présent et n'innovent pas suffisamment. Et ce n'est pas rare qu'elles dégringolent à la même vitesse que leur ascension, quelle que soit leur dimension.

FM : Pouvez-vous nous donner quelques chiffres concernant l'activité de Vipshop?
DO : C'est une sorte de Vente privée à la chinoise, avec un portefeuille de 3000 marques dont 25% d'origine étrangère. La cible est la population des villes dites moyennes, à laquelle elle propose des produits haut de gamme avec des réductions allant de 50 à 80%. Le site est fréquenté par un demi million de visiteurs par jour, à 75% des femmes, principalement entre 25 et 35 ans, actives, avec un salaire moyen d'environ 1000 €, qui en Chine est considéré plutôt élevé. Vipshop réalise un chiffre d'affaires annuel de 740 millions d'euros, avec une progression mensuelle de 17% et est coté à la Bourse de New York.

FM : Quels conseils leur avez-vous donnés ?
DO : De ne pas rentrer dans la logique de leurs concurrents comme Taobao (que l'on pourrait comparer à Amazon, ndlr), mais de tracer leur territoire, de garder ce côté fashion et de le mettre en avant, de jouer un rôle pédagogique en s’adressant à une clientèle qui n'a pas encore l'expérience du luxe comme celle des grandes villes et enfin de jouer sur un registre plus émotionnel. En effet, la culture chinoise est plus pragmatique, ils en veulent pour leur argent. Ce sont des followers, il faut donc les pousser à développer un esprit plus critique, rendre accessible le concept de plaisir, encore étranger aux mœurs de ces régions. Mais les choses évoluent.

FM : Quelles sont les caractéristiques du e-commerce en Chine et son potentiel ?
DO : 40% de la population chinoise utilise internet, ce qui fait 540 millions de personnes. L'e-commerce a un grand avenir devant lui: imaginez que 30% des jeunes n'ont jamais connu un ordinateur à la maison, mais ils sont passés directement au smartphone. En tout cas, les revenus du e-commerce représentent aujourd'hui 1880 milliards de RMB (224 milliards d'euros), dont 1537 (183) sur le marché du discount retail et 191 (23) sur le marché du on-line flash shopping, avec des projections pour 2015 à 5 681 milliards de RMB (676 milliards d'€) pour le premier et 1 071 milliards (127 milliards d'€) pour le second.

FM : Qu'achète un Chinois sur Internet ?
DO : Tout, s'il est sûr que la qualité sera au rendez-vous. Pour les produits de grandes marques internationales, Vipshop a mis en place un système de garantie qui protège contre les copies. On voit que là aussi les mœurs sont en train de changer.

Silvia Manzoni