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4 juil. 2014
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Daniel Henry : créateur de nouvelles matières pour les grandes maisons

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4 juil. 2014

Vous avez déjà admiré son travail sans le savoir. Designer textile, Daniel Henry développe des matériaux aux tombés et touchés uniques utilisés par les grandes maisons de la mode et du luxe. Un travail désormais rare, et dont le résultat est aussi saisissant que de plus en plus difficile à trouver dans les collections. Entre perte de connaissance textile dans les grandes maisons et léthargie de marque habituée au confort d’un sourcing mécanisé.


Si elles souhaitent ne pas être citées, la liste des marques françaises, britanniques ou américaines constituant la clientèle de Daniel Henry sonne comme un Who’s Who des grandes maisons.

Autant de marques séduites par les savantes expériences du créateur, qui pousse les matières dans leur retranchement. Soie, organza, lainage, fourrure ou latex en ressortent sous des atours nouveaux, gagnant tantôt en poids, structure, reflets ou même sons.

« Tout mon travail part de la technique, et de la tradition » explique Daniel Henry. « Je chine énormément, et je trouve au regard des textiles anciens que l’on a perdu quelque chose. Je cherche donc à retrouver et moderniser des qualités qui n’existent plus. Ce qui me différencie probablement de mes collègues, c’est que, même si la sérigraphie est mon médium de prédilection, mon but par la sérigraphie n’est pas d’ornementer le tissu, mais de créer matières et textures ».

C’est par de multiples essais, erreurs et parfois petits miracles que le créateur laisse entrevoir les possibilités cachées de la matière, pour mieux apprendre à la reproduire et la maitriser. Une connaissance étendue tirée des âges qui se heurte cependant aux réalités contemporaines du textile.

« J’étais récemment sur un salon dédié aux machines d’impression textile : pour 95 %, c’était du numérique. Donc l’outil traditionnel de la sérigraphie est de plus en plus difficile à trouver », déplore Daniel Henry. « J’ai de plus en plus de mal à industrialiser mon travail, car le peu d’imprimeurs restants ne sont pas forcément ouverts à ces créations contemporaines. Ils sont plus attachés à leurs procédés qu’au maintien de certains savoir-faire ».

Mais l’évolution a également touché les marques elles-mêmes, le créateur textile racontant y rencontrer désormais extrêmement peu de gens compétant d’un point de vue textile, au fait des contraintes des matériaux et techniques. « Il y a dix ans, les marques venaient vers moi et me demandait de donner à une matière un effet spécifique, de pierreux ou usé… » se souvient-il. « Ils venaient avec des idées, des envies.

Aujourd’hui, ils m’appellent pour voir ce que je sais faire, et font du picking. Quand on me demande des impressions « à la Marimekko », je refuse d’office : d’autres peuvent le faire, et la singularité de mon travail me permet de vivre sans cela. Hélas, les maisons ont la curiosité mais plus la connaissance pour apprécier les tissus ».

Dans ses expériences textiles, Daniel Henry se voit également confronté au rythme de vie accéléré de la mode actuelle. Invité plusieurs fois sur l’espace Création d’Exception de Première Vision, qui rassemble « la crème » des matériaux rares, les maisons se montrent au final aussi intéressées que freinées. « Il y a des marques de luxe sur Paris qui me disent qu’elles adoreraient travailler avec moi, mais que pour l’instant elles n’arrivent tout simplement pas à m’intégrer dans leurs cahiers de fournisseurs » raconte Daniel Henry. « Car ils ont l’habitude de toujours passer par les mêmes fournisseurs, et que le calendrier est de plus en plus court. Hors ils voient dans mon travail que cela nécessite un temps de recherche supérieur ».

Lors des prochaines fashion weeks, le nom de Daniel Henry n’apparaitra pas sur les invitations, mais ses créations parcourront néanmoins une nouvelle fois les podiums. « Sauvegarde du savoir-faire », « innovation permanente » et « modernité nourrie de l’ancien » sont des expressions largement usitées pour vanter les collections.

Des mots que Daniel Henry et ses quelques homologues pourraient bien être les derniers à parfaitement incarner, la mode étant au fil du temps, d’un métier, devenu un marché.

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