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16 juin 2022
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David Dayan (ShowroomPrivé): "L'inflation qui arrive fortement rend difficile de se projeter"

Publié le
16 juin 2022

Depuis janvier seul aux commandes de ShowroomPrivé, David Dayan mène le portail de déstockage dans une sortie de crise sanitaire rendue complexe par les hausses de coûts et leur conséquence sur la consommation. A l'occasion du lancement par l'entreprise de l'espace "Le Village", le dirigeant fait le point pour FashionNetwork sur la stratégie de ShowroomPrivé, et les challenges qui l'attendent dans les prochains trimestres.


David Dayan - Showroomprivé



FashionNetwork: Quel est votre objectif, avec le lancement de votre "Village" ?

David Dayan: Quand nous nous sommes lancés il y a quinze ans, c'était pour digitaliser les solderies, qui étaient nombreuses à l'époque, et traitaient les invendus de façon pas forcément qualitatives. Veepee a initié ce mouvement, nous y sommes allés avec notre ADN plus axé sur la mode féminine. Plus récemment, en discutant avec les marques, il est ressorti qu'elles avaient besoin du côté de la digitalisation de l'activité outlet. Les villages de marques sont un business important, qui se développe. Il nous est donc apparu qu'il y avait matière à disrupter cette activité d'une manière inédite. Et nous pensons que nous avons la légitimité à le faire de par notre accès et nos relations avec nos 3.000 marques partenaires, et notre forte audience de deux à trois millions de membres qui nous visitent par jour. L'idée du Village Showroomprivé est de proposer aux marques une présence permanente, qu'ils vont opérer eux-mêmes avec leurs propres codes, dans un cadre premium, avec pour les consommateurs des réductions plus modérées mais durant toute l'année. Et ceci en parallèle de nos ventes événementielles.

FNW: Il y a dix-huit mois, vous avez lancé votre marketplace. Où en est aujourd'hui son développement ? 

DD: Nous avions l'ambition de faire environ 10 millions d'euros de chiffre d'affaires sur la première année. L'objectif a été rempli. Le dispositif continue de se déployer, avec une logique spécifique: l'idée de répondre à un besoin des consommateurs via une offre permanente. Au départ, on ne venait pas chez Showroomprivé pour répondre à un besoin du moment, mais pour voir les opportunités du moment. La marketplace fonctionne alors comme un fond de catalogue, sur une offre actuelle la plus large possible, où l'on peut chercher toute l'année. Le Village Showroomprivé est une version premium de la marketplace, pour des marques un peu moins généralistes et accessibles, un peu plus privilégiées, qui ont besoin d'être entre elles. La marketplace et le Village ont vocation à s'intégrer dans leurs stratégies e-commerce. Et le Covid, en accélérant la digitalisation des marques, a souligné la pertinence de cette approche. La marketplace grandit bien, et nous avons pour objectif qu'elle pèse à terme 10% de notre activité.

FNW: De quelle manière ces développements s'inscrivent-ils dans votre logique de "premiumisation" de l'offre ?

DD: Je n'ai pas de chiffres à donner sur ce point, mais notre stratégie de 'premiumisation' ne vise pas à doper nos prix, mais à apporter plus de valeur et de qualité pour les clients et marques. The Bradery a été un pas dans cette direction. Cela s'inscrit aussi dans la volonté de toucher un public plus jeune, car The Bradery touche une cible plus jeune que Showroomprivé, qui touche surtout les femmes de 35-45 ans. Le Village Showrooomprivé s'inscrit dans cette envie d'installer des marques premium sur le site. ShowroomPrivé.com est notre site généraliste puissant qui touche l'ensemble des consommateurs, The Bradery se destine à une clientèle plus jeune, BeautéPrivé s'adresse aux clients de cosmétiques et parfums… Tout ceci est complémentaire et permet de toucher une clientèle large, ce qui est important dans un secteur ultra-compétitif. Une marque peut donc se dire qu'en travaillant avec nous, elle touche beaucoup de cibles différentes.

FNW: Comment se porte actuellement votre activité, face aux aléas touchant la consommation ? 

DD: Nous savions que le premier semestre serait difficile. Mais retrouvons actuellement des volumes de stock intéressants et réguliers, les chaînes d'approvisionnement s'étant progressivement remises en route. En revanche, nous sentons que l'inflation qui arrive fortement va avoir un impact sur le pouvoir d'achat, et donc sur la consommation des ménages, qui doivent faire face à une hausse des coûts dans l'énergie et sur tout le reste. Dans ce contexte, nous nous disons que notre métier de déstockeur nous permet d'apporter des grandes marques à des bons prix à une période où les consommateurs vont vouloir se faire plaisir tout en veillant à leur pouvoir d'achat. Mais nous restons vigilants sur le deuxième semestre, car on ne sait pas comment la consommation va s'orienter. Il peut s'avérer difficile si l'inflation se poursuit. Comme les marques elles-mêmes, nous sommes obligés de re-budgétiser chaque mois l'activité face aux variations des coûts, avec les coûts de transport, les fournisseurs qui demandent plus cher pour certaines marchandises… Ce qui rend difficile de se projeter ne serait-ce qu'à six mois.

FNW: En maitrisant mieux leur production, les marques espèrent réduire leurs invendus. Une menace, pour l'activité du déstockage ?

DD: La réalité, c'est que les outils de l'industrie s'améliorent, permettant de fabriquer moins et mieux. Un magasin qui n'a pas de stock, c'est le risque d'avoir des ruptures, comme cela a pu se produire l'an passé pour certains. Quand une marque doit alimenter 300, 500 ou 1.000 magasins dans le monde entier, c'est qu'il faut commander très à l'avance. Et ceci malgré les nombreux aléas qui peuvent ensuite intervenir (inflation, pénuries, chute de consommation…). Tout cela fait que cela continuera à laisser des stocks d'invendus, malgré tous les efforts déployés par les marques pour les limiter. Nous n'avons pas de solution à ce problème, mais notre travail est d'accompagner ces marques afin qu'elles puissent vendre ces stocks de la meilleure manière, dans la forme la plus adaptée.

FNW: La seconde main a connu une croissance accélérée. La considérez-vous comme une concurrence ?

DD: La seconde main, c'est une autre façon de consommer des grandes marques à prix réduits. C'est un métier qui se développe très bien, comme le montre le succès de Vinted. Nous réfléchissons à des solutions adaptées dans ce domaine. Car les marques comme Petit Bateau, Etam et autres ont des millions de produits à elles sur ces plateformes. Au point que certaines marques se lancent par elles-mêmes dans la seconde main. Et nous, nous pouvons donc aller vers des solutions qui ne font pas concurrencer ces acteurs, en apportant un service supplémentaire aux marques.

FNW: Qu'en est-il aujourd'hui de vos projets à l'international ?

DD: Nous avons l'ambition de continuer à faire grandir l'offre internationale, mais sur nos marchés existants. Nous ne ciblons pas de nouveaux pays. Les pays proches de la France sont des marchés rentables, que nous allons donc continuer à développer. Mettre en place les synergies avec The Bradery va aussi nécessiter du travail.

FNW: Nombre d'entreprises font écho de difficultés de recrutement. Est-ce votre cas ?

DD: Toutes les entreprises ont à ce jour un vrai enjeu de ressources humaines. Nous sommes un pure-player, nous sommes donc un bon terrain de chasse pour les chasseurs de tête pour les profils digitaux, tech, IT mais aussi logistiques, commerciaux et marketing. Mais nous avons aussi des actifs forts qui nous rendent de l'autre côté assez attractifs auprès des jeunes professionnels qui veulent mettre un pied dans le digital et l'e-commerce. Mais il est certain qu'il faut aujourd'hui être proche de ses collaborateurs, leur donner du sens, être le plus clair possible sur la stratégie pour les embarquer avec nous.

Le télétravail fait aussi qu'il faut trouver de nouvelles façons d'échanger. Nous avons opté pour trois jours de télétravail par semaine. Et nous avons repensé nos 10.000 mètres carrés de bureau à Saint-Denis autour du "flex-office" (pas de places attitrées, ndlr), pour que nos 700 collaborateurs puissent être davantage en mode collaboratif sur les deux jours au bureau. Cela créé des moments de partages où les équipes se mélangent. Tout cela est aujourd'hui très demandé par les collaborateurs, et très attractif pour le recrutement. Cela nous permet aussi d'aller chercher des talents au-delà de l'Île-de-France, ce qu'on n'aurait jamais cru avant.

FNW: Vous avez lancé en 2015 votre propre marque de mode, CollectionIRL. Où en est aujourd'hui son développement ?

DD
: IRL est une marque désormais bien installée sur Showroomprivé. Je ne peux pas communiquer de chiffre, mais cela reste un petit chiffre au regard du quasi milliard de volume de ventes réalisé l'an passé. Néanmoins, c'est une activité complémentaire, car elle apporte une offre mode actuelle à prix accessible. La marque s'est progressivement ouverte à d'autres catégories: bijoux, sport, fitness, maternité… Notre ambition est de continuer à ouvrir des catégories autour d'IRL. 

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