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13 déc. 2019
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Designers Apartment, une plongée dans la jeune création Made in France

Publié le
13 déc. 2019

Entre les marques qui sortent et celles qui arrivent, Designers Apartment continue de faire son minutieux et constant travail de défrichage, de saison en saison, au sein de la jeune création Made in France. Ce programme lancé en 2012, développé par la Fédération de la Haute Couture et de la mode et soutenu par le Defi, accompagne tout au long de l’année des marques émergentes, par le biais d’ateliers et de sessions de coaching, en vue de les faire participer au showroom du même nom hébergé à Paris, au Palais de Tokyo, durant la Semaine de la mode féminine. Tour d’horizon.


Treize talents de la scène mode française à suivre de près - Akaibu Studio / 1nstant.fr


La quinzième édition de Designers Apartment, qui s’est tenue en octobre dernier, a accueilli treize marques émergentes, dont quatre nouvelles recrues : Alphonse Maitrepierre, Egon Lab, Mossi et Gamut, venues compenser les quatre marques sortantes : Proêmes de Paris et Mazarine, qui ont quitté le dispositif pour voler de leurs propres ailes, ainsi que Rouge Margaux et Le Studio Pierre, qui venaient d’intégrer l’incubateur-showroom la saison dernière. Le premier label a mis fin a ses activités après le retrait de son investisseur. Le deuxième, une marque de prêt-à-porter féminin lancée en 2015 par Tina Pierre et Thomas Bellego avec un esprit fun et décalé, a été suspendu suite à la séparation du binôme des fondateurs créateurs.
 
Pas facile, en effet, de maintenir sur pied une activité de mode. En témoignent les difficultés rencontrées aussi par GNDR (à prononcer gender) présente à Designers Apartment depuis février 2018. Fondé en 2017 par trois amis d’enfance passionnés de musique, le label, qui comptait quelques très belles boutiques entre Shanghai et Séoul, est en pleine réorganisation, le trio ayant éclaté. Reste aux commandes Victor Russo (29 ans), véritable âme du projet, qui détenait la majorité et a racheté les parts de ses ex-associés : « La réalité, c’est que gérer ce type d’activité tout seul, c’est plus difficile. Je suis en phase de restructuration et à la recherche d’un associé », nous confie-t-il.

Le créateur parisien d’origine italienne s’est d’abord orienté vers la musique avant de suivre une formation de design de mode à l’école Marangoni. GNDR est l’aboutissement de ses multiples intérêts et activités entre musique, vidéos et édition, puisant son inspiration dans l’art, la peinture, le graphisme et la photographie. Née comme une marque « sans distinction de genre », elle souhaite aujourd’hui se positionner sur l’homme, et présenter la femme par la suite.

De jeunes maisons passent à la vitesse supérieure



D’autres jeunes maisons sont passées quant à elles à la vitesse supérieure, telle que Dawei, qui défile depuis deux saisons dans le calendrier féminin parisien. La marque de prêt-à-porter lancée par Dawei Sun en 2016, a séduit une vingtaine de boutiques grâce à son élégance facile, un brin ludique, et ses vêtements de qualité autant créatifs que portables.


Construction raffinée pour ce modèle signéKenta Matsushige - DR


Kenta Matsushige, qui a du talent à revendre, a pour sa part plus de mal à se faire connaître, dénombrant six clients entre les États-Unis, le Japon et la Chine. Derrière son esthétique minimaliste japonaise, le créateur, qui vient de prendre la direction artistique de la maison japonaise Hanae Mori, cache une incroyable maîtrise et un grand raffinement dans la construction du vêtement avec une qualité très haut de gamme.

La collection pour l’été prochain, que le vainqueur du Festival de Hyères en 2014 vient de présenter, était une fois de plus, fort désirable avec des vêtements réalisés dans des tissus d’une délicatesse incroyable, comme cette robe bleue en coton-lin aux allures de trench ou cette jupe fendue sur le devant confectionnée dans une laine hyper light.

Savoar Fer sélectionné par La Redoute pour réaliser une collection capsule


 
Autre belle découverte, le label féminin Savoar Fer fondé en 2017 par Eliane Heutschi. Après quatre saisons au sein de Fashion Designer, la créatrice suisse amorce avec l’été 2020 un nouveau parcours plus commercial, reprenant en mode plus accessible les expérimentations de ses collections passées, centrées à chaque fois sur un savoir-faire oublié revisité à travers des créations contemporaines.

La dentelle aux fuseaux, le plissé, le bouton recouvert ou encore la reprise et le rapiéçage sont les thèmes explorés jusqu’ici. Un style et une approche qui ont séduits en particulier cette saison la Redoute, qui après Kenta Matsushige et Dawei, a sélectionné Savoar Fer pour réaliser une collection capsule.


Juste un pan de tissu pour cette robe en denim Savoar Fer - DR

 
Arthur Avellano fait évoluer lui aussi son offre en sortant du tout latex, sa spécialité, et avance ses pions en Chine, où il dénombre quatre clients. Le créateur rejoint avec le printemps-été 2020 Alter Showroom, la structure commerciale active sur l’Asie de Sonja Xiao Long, fondatrice aussi de l’enseigne Alter, l'un des plus grands concept-store multimarques chinois. Ce qui a permis au français de se rendre à Shanghai avec sa collection durant la dernière Fashion Week d’octobre.

Diplômé de l’école des Beaux-Arts de Toulouse en 2014, Arthur Avellano, qui est aussi passé par l’Atelier Chardon-Savard à Paris, compte une dizaine de clients multimarques entre l’Asie, la France et les États-Unis. Avec un laboratoire de recherche allemand, il a mis au point un brevet afin d’obtenir un latex plus résistant, hypoallergénique et lavable en machine, qu’il taille avec brio pour confectionner des silhouettes sport-couture aux volumes amples et souples.

Depuis qu’il a lancé sa marque en 2016, le styliste introduit de nouvelles matières à chaque saison pour élargir sa garde-robe. Pour la première fois cette saison, il mêle le latex au tissu, comme dans ces tailleurs-pantalons, ou trench en toile de coton à rayures bleues et blanches ou rouges et blanches avec des empiècements en latex.
 
Marianna Ladreyt poursuit elle aussi sur sa lancée. La designer française, d’origine chypriote par sa mère, finaliste du Festival de Hyères en 2017, renforce cette saison sa collection de sacs lancée en 2018, ainsi que sa ligne de prêt-à-porter introduite début 2019 avec une chemise toge, des pièces au crochet, un body en néoprène effet plongeur et des bobs colorés affublés de grosses cordes.
 
De même, Ester Manas, avec son associé Balthazar Delepierre, continue de proposer sa mode inclusive avec des pièces créateur en taille unique accessibles à tous les gabarits via une construction adaptable et une série de détails malins. Une collection décidément bien ancrée dans notre époque, puisqu'elle est produite à Bruxelles par les travailleurs sociaux de l’association Mulieris, qui promeut un projet d'insertion socioprofessionnelle. Elle a séduit notamment cette saison la nouvelle boutique Hattori à Nice et devrait intégrer l’e-shop du Printemps.
 

Boyarovskaya lance ses premiers modèles de sacs en cuir



Depuis un an présente à Designers Apartment, la marque de prêt-à-porter féminin Boyarovskaya, qui dénombre une dizaine de revendeurs, lance cette saison ses premiers modèles de sacs en cuir. Réalisés en Italie, aux formes géométriques, ils se veulent multifonctions. Avec ses vêtements décomposables au graphisme épuré et aux coupes impeccables, le label joue avec les codes de la couture proposant une mode à l’élégance intemporelle, qui révèle son caractère original par petites touches. Des œillets ou boutons métalliques sur un trench, les fentes horizontales dans un pantalon, le drapé inattendu d’une veste, des silhouettes déconstruites.

La griffe a été fondée en 2016 à Paris par la styliste biélorusse Maria Boyarovskaya (29 ans), diplômée de l'Istituto Marangoni avec des collaborations chez Givenchy et John Galliano, et par le photographe de mode ukrainien Artem Kononenko (30 ans), qui après une école d’art a obtenu un Master en économie internationale. Actif dans la photo depuis 2008 avec des expériences comme styliste free-lance, il souhaitait depuis toujours créer une marque pour réaliser « une mode portable, mais au design conceptuel ».


Avec l'été 2020, la marque introduit les sacs - boyarovskaya.com


Quant à Maria Boyarovskaya, elle « cherche à transformer des vêtements classiques en quelque chose de plus intéressant à travers la construction et les détails ». Ainsi, le trench peut être porté de face ou de dos avec des poches détachables ou se muer en robe. Un blouson construit dans différents pans de cuir, est équipé d’une bandoulière. Les pièces en maille glissent délicatement sur le corps. 

Sadaels, l'histoire d'une renaissance



Enfin, Sadaels, la marque de Juan Hernandez Daels a intégré Designers Apartment en février dernier. C’est l’histoire d’une renaissance. Né à Buenos Aires, où il a passé sa jeunesse, le designer quarantenaire, qui est aussi flamand par sa mère, native d’Anvers, a connu en effet un parcours insolite. Installé en Californie, il cuisine pendant quatre ans pour un restaurant de Mammoth Lakes, petite ville de montagne de la Sierra Nevada. Les rythmes éprouvants de ce travail le poussent à reprendre ses études.

Il plaque tout pour se transférer en Belgique, où il fréquente l'Académie royale d'Anvers. Une fois diplômé, il poursuit ses études à Londres, à la Saint Martin's School, avant de lancer sa propre marque de prêt-à-porter féminin Juan Hernandez Daels en 2009. Le succès ne tarde pas avec une douzaine de clients multimarques, dont Opening Ceremony, tandis qu’il travaille parallèlement pour Stéphane Rolland.

En 2013, il rentre en Argentine, où il ouvre sa première boutique : « Mais avec la crise, il était très difficile d’importer ou d’exporter. La dévaluation m’a fortement pénalisé et j’ai perdu tous mes clients », raconte ce fils d’architectes, qui décide alors de revenir en Europe. Il s’installe à Paris, où il retrouve Josefina Roveta, plus orientée sur le business, qui avait travaillé pour lui en Argentine. Ils s’associent et relancent ensemble en septembre 2018, la marque sous le nouveau nom de Sadaels, après avoir suivi une formation à l’IFM. Ils ouvrent un atelier à Paris, tandis que les collections sont produites en Belgique et en Italie.
 
Le logo, un cheval stylisé en pixels, rappelle l’inspiration « gaucho » de la marque, qui met en avant ses deux identités flamande et argentine. « C’est à la fois classique et moderne, très sexy et masculin », résume le designer, qui a rouvert une boutique en Argentine, à Ugarteche, et a développé cette saison quelques pièces en maroquinerie et une collaboration pour créer des bijoux.
 

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