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29 janv. 2019
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Détaillants indépendants : la FNH redoute de nombreuses défaillances

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29 janv. 2019

Depuis décembre aux commandes de la Fédération Nationale de l’Habillement (FNH), Eric Mertz avait réuni le 28 janvier quelques journalistes afin de présenter ses ambitions pour le commerce indépendant du secteur. L’occasion d’aborder la lutte contre les prix barrés, la santé des commerces, l’impact des gilets jaunes à moyen terme et l'organisation d'Assises du secteur.


Eric Mertz, à droite, entend mettre en place des Assises du commerce d'habillement - Matthieu Guinebault/FNW


Dire qu’Eric Mertz prend ses fonctions dans un contexte difficile fait figure d’euphémisme. Une enquête de la FNH auprès de ses adhérents montre que la première semaine de janvier (du 2 au 8 janvier) a connu une chute de 4,1 % des ventes. Cette chute est une première depuis 2016. « Derrière ça, vous avez le démarrage des soldes et cela ne vous étonnera pas : c’est en baisse ! » déplore le responsable. Sur les quatre premiers jours, la fréquentation chute de 9,9 % et les ventes de 7,8 %. Et sur la première quinzaine, la fréquentation chute de 10,5 % et le chiffre d’affaires de 9,5 %.

« Nous ne sommes pas très loin d’arrêter les soldes », prévient Eric Mertz. « Nous allons en discuter au sein de la fédération, mais aujourd’hui, si nous voulons nous en sortir, il faut peut-être choisir de prendre à contrepied la société de consommation. Vous avez aujourd’hui un calendrier commercial qui enchaîne les réductions à un rythme frénétique et mortifère. Sous la seule pression des enseignes-marques, près de la moitié des ventes d’habillement se font à prix barrés. Et ces enseignes, désormais, en souffrent aussi. »

Car pour le dirigeant, la crise actuelle remonte à trois décennies et l’arrivée de la fast fashion à la fin des années 1980, incitant à consommer davantage et poussant dix ans plus tard les autres enseignes à délocaliser les productions pour ne pas se laisser distancer. Des séismes dont les répliques, pour Eric Mertz, se font sentir depuis la fin des année 2000, avec un recul constant des ventes d’habillement et la montée en puissance d’une déconsommation choisie. Un glissement qui, couplé à la crise économique rappelle le dirigeant, a coûté 17 000 emplois au commerce indépendant entre 2012 et 2015. Mais pour le nouveau président, c’est bien une vision de la consommation textile qui arrive à bout de souffle.

« Quand vous entendez des spécialistes de grandes enseignes dire qu’il leur reste un tiers d’invendus en fin de collection, je prends peur », explique Eric Mertz, soulignant que le modèle des indépendants leur confère une meilleure adaptabilité que celle des grosses enseignes. « L’indépendant, lui, va engager 65 % de son plan d’achat sur une nouvelle collection et ajouter 20 % de pièces permanentes. Les 15 % qui restent sont une variable qui vous permettent de faire du réassort, de faire face au ralentissement du marché. »

Une synthétisation qui, insiste le représentant, n’est pas la réalité des 40 000 points de vente de la branche. Branche qu’il estime nécessaire de professionnaliser, évoquant un tiers d’indépendants « travaillant encore un peu à l’âge de pierre », un tiers s’en sortant mais hésitant à innover, et un dernier tiers de précurseurs mettant à profit des techniques industrielles. Un domaine dans lequel de la pédagogie devra être faite pour la FNH, à l'instar de celle nécessaire pour expliquer les prix pleins aux consommateurs.

Impact des gilets jaunes

Les mouvements sociaux rythmant l’actualité et causant l’arythmie des ventes sont naturellement suivis de près par la fédération, qui rappelle que la chute des ventes fin décembre était de 18,95 %. Du jamais vu pour un mois rapportant habituellement le double des autres. Aujourd’hui, l’inquiétude porte sur les défaillances. « Les chiffres, déjà tendus fin octobre, sont passés dans le rouge en novembre, Noël s’est mal passé, janvier se passe mal… La situation est passée du rouge à l’écarlate », selon Eric Mertz, pour qui le vrai bilan arrivera en février-mars, quand le recul donnera la mesure des dégâts sur le réseau des indépendants.

Et le responsable de rappeler que, dans le commerce indépendant d’habillement, le salaire est la seule variable. Situation paradoxale car, comme le pointe le dirigeant de la fédération, tous les commerçants et vendeurs indépendants sont des gilets jaunes en puissance. « Ce sont des gens en grande souffrance aujourd’hui, désespérés de ne pas pouvoir vivre de leur métier et de ne pouvoir s’adapter aux mutations auxquelles ils doivent faire face », explique-t-il. « Nous nous sentons comme des victimes collatérales. Car même dans les villes où il n’y a pas eu de blocage, il y a eu les mêmes conséquences sur les ventes. »

Comme le rapportait FashionNetwork.com, la FNH a obtenu de la Direccte (Direction régionale entreprise, concurrence, consommation, travail et emploi) la mise en place d’un guichet unique pour aider les commerçants indépendants dans leurs démarches de demande de soutien, plutôt que de devoir le faire département par département, parfois sous des formes variées. En revanche, la FNH n’a pas obtenu de fonds d’urgence en trésorerie par la BPI. « On nous a répondu que c’était une mesure trop sectorielle », déplore Eric Mertz. « Mais je ne lâcherai pas le morceau. Car je crains que la situation ne se dégrade, que les défaillances se multiplient. »

La FNH présentera au début du printemps son programme 2019-2022, tandis que des initiatives portant sur le recyclage et la collecte de vêtements devraient être annoncées dans les prochains mois. Mais Eric Mertz veut avant tout faire de l’année 2019 celle du dialogue. Soulignant avec certitude que l’année sera mauvaise pour les grandes enseignes elles-mêmes, le dirigeant insiste sur la tenue d’Assises du commerce, qui mobiliseraient les 13 chambres régionales de la FNH, afin de mener une réflexion sur la transformation du métier et des magasins. Avec comme idée centrale le retour de l’humain au cœur du dispositif.

« Je pense que la FNH a un rôle majeur à jouer dans les changements qui s’imposent à la vente d’habillement », affirme Eric Mertz, qui rappelle que le Plan Marshall pour les centres-villes un temps présenté par la FNH a très largement nourri le plan Action Cœur de Ville du gouvernement. Plan qui, confie le président, semble au point mort sur le terrain. Quant à la fédération elle-même, le nouveau dirigeant estime qu’il y a un « travail de conquête » à mener. Et entend bien jouer les VRP auprès des indépendants.

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