Matthieu Guinebault
25 avr. 2023
Devoir de Vigilance: les députés votent le projet de directive européenne
Matthieu Guinebault
25 avr. 2023
Les législateurs de l'Union européenne ont soutenu mardi les règles imposant à des milliers de grandes entreprises d'identifier et de remédier aux violations des droits de l'homme, comme le travail des enfants ou l'esclavage, ainsi que les dommages causés à l'environnement par leurs fournisseurs.
La commission des affaires juridiques du Parlement européen a voté en faveur du projet de directive sur le devoir de diligence (due diligence) des entreprises en matière de responsabilité sociale et environnementale. Un dispositif qui suit le “devoir de vigilance” adopté en 2017 en France, et depuis décliné notamment en Allemagne.
Grâce à cet accord entre les différents partis, les législateurs peuvent désormais entamer des négociations avec les États membres de l'UE, qui sont déjà parvenus à une position commune, sur une version finale qui devrait commencer à être mise en œuvre par étapes à partir de 2030 environ.
Les entreprises de l'UE devront se conformer à la législation si elles emploient plus de 250 personnes et réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 40 millions d'euros (44 millions de dollars), ce qui est plus important que ce que souhaitent les États membres de l'UE.
Les entreprises non européennes des États-Unis et d'ailleurs qui réalisent un chiffre d'affaires net d'au moins 40 millions d'euros dans l'Union européenne seraient également concernées.
L'accord de mardi exclut les petites et moyennes entreprises du champ d'application, suite à l'opposition des partis de centre-droit.
Les législateurs ont soutenu l'obligation légale pour les directeurs d'entreprises de plus de 1.000 employés d'être responsables de la mise en œuvre d'un plan de réduction des émissions de carbone. Les États membres devront prévoir des sanctions en cas d'infraction.
Un périmètre critiqué car limité
En décembre dernier, les États membres de l'UE se sont mis d'accord pour inclure le secteur des services financiers comme option. Mardi, les membres du Parlement européen ont rendu obligatoire l'inclusion du secteur, avec toutefois quelques concessions pour des domaines tels que la gestion d'actifs.
"Il est décevant que les eurodéputés aient soutenu des plans qui signifieraient que bon nombre des plus grandes entreprises de l'UE n'auraient pas à lever le petit doigt avant 2030 - c'est du temps que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre", a déclaré Aurélie Skrobik, chargée de campagne sur la responsabilité des entreprises à Global Witness.
Dans un communiqué commun, plusieurs ONG* ont réagi au vote en déplorant de grandes lacunes qui pourraient permettre aux entreprises de se soustraire à leurs obligations et rendre l’accès à la justice difficile pour les personnes affectées.
"Le texte passe à côté de l’objectif, pourtant central, de faciliter l’accès à la justice des personnes et communautés affectées", indique un communiqué commun. "De plus, le texte voté ne rend pas les sociétés mères automatiquement responsables en cas de manquement au niveau d’une filiale. L’engagement de la responsabilité des entreprises est aussi rendu plus difficile par la possibilité offerte de recourir à des tiers auditeurs et à des initiatives sectorielles pour justifier de la conformité de leur conduite".
Entre distorsion de concurrence et lacunes du projet
L’an passé, les fédérations textile de sept pays européens indiquaient leurs inquiétudes quant au projet de devoir de vigilance, redoutant une distorsion de concurrence y compris entre acteurs nationaux. Des ONG déploraient déjà de leur côté un projet de texte jugé décevant, et dénonçaient les manquements et lacunes du projet.
Les législateurs souhaitent entamer des négociations avec les États membres de l'UE en vue d'un accord final d'ici la fin de l'année, après un vote du Parlement sur l'accord de mardi vers le 1er juin.
La date d'entrée en vigueur de l'accord sur les services financiers et le nombre d'entreprises concernées seront des points clés des négociations avec les États de l'UE, mais les lobbyistes du climat affirment que certains législateurs pourraient remettre en question certaines parties de l'accord de mardi lors du vote en séance plénière de juin.
*Sherpa, ActionAid France, Amis de la Terre France, CCFD-Terre Solidaire, Collectif Ethique sur l’étiquette, Notre Affaire à Tous, Oxfam France.
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