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Paul Kaplan
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14 mai 2019
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Diane von Fürstenberg : "Le mieux, c'est d'être entourée de femmes"

Traduit par
Paul Kaplan
Publié le
14 mai 2019

La vie de Diane von Fürstenberg pourrait faire l'objet d'un biopic : son mariage princier à 18 ans, l'invention de la robe portefeuille et son règne sur le New York des années 1970, puis sur son empire commercial et enfin sur le Council of Fashion Designers of America (CFDA, l'instance gouvernante de la mode américaine) pendant plus d'une décennie. Un trône qu'elle est sur le point de céder à Tom Ford.


Diane von Fürstenberg


Mais la créatrice d'origine belge, incarnation du rêve américain, est sur le point de présenter l'un de ses projets les plus ambitieux. Diane von Fürstenberg a piloté la création d'un musée consacré à l'un des monuments américains les plus emblématiques : la Statue de la Liberté, découverte lors de sa première visite à New York en 1970.

Ce mercredi 15 mai, DVF - acronyme largement usité pour la designer - inaugurera le musée, qui s'étend sur près de 2 500 mètres carrés. En tant que présidente de la campagne de financement de la nouvelle institution, elle a convaincu sa vieille amie, l'artiste franco-américaine Anh Duong, de créer une oeuvre murale intitulée Liberty Star, qui rassemble 50 étoiles sculptées. Le musée abritera également le flambeau original de la statue.
  
Diane von Fürstenberg est née 18 mois après la Seconde Guerre Mondiale ; sa mère, résistante, a été déportée à Auschwitz : elle a réussi à survivre et à rentrer chez elle, très affaiblie, à Bruxelles, comme le raconte la créatrice dans son autobiographie à succès, La Femme que j'ai voulu être, publiée en 2014.


Parmi les invités du cocktail : Natalia Vodianova et Antoine Arnault


Il y a quelques semaines, l'ambassade américaine à Paris a organisé un cocktail diplomatique en son honneur - preuve s'il en faut de son statut particulier. Parmi les invités, on y croisait notamment Anna Wintour, Antoine Arnault ou Christian Louboutin.

Le lendemain de son discours à l'ambassade américaine à Paris, Diane von Fürstenberg nous a donné rendez-vous pour une visite de sa nouvelle boutique et une discussion sur la mode, la célébrité, la fortune et le financement de la restauration de la Statue de la Liberté.

Diane von Fürstenberg : Je suis un peu la marraine de la statue. C'est une aventure qui a commencé il y a trois ou quatre ans. J'ai d'ailleurs rencontré Stephen Briganti (PDG de la Statue of Liberty & Ellis Island Foundation). C'est amusant car en Belgique, ils ont fait un musée sur la Red Star Line, une compagnie transatlantique qui faisait la liaison entre Anvers et l'Amérique. Lors de l'inauguration du musée, je l'avais déjà rencontré.

Puis j'ai réalisé que la mission qu'ils m'avaient confiée consistait à récolter de l'argent. Et je ne suis pas du tout douée pour lever des fonds. Mais nous avons eu cette merveilleuse idée de créer une oeuvre murale devant le musée. L'armature a été réalisée par le groupe Eiffel.

Elle est trop modeste. DVF est connue pour sa philanthropie. Avec son mari, elle a fait don de plus de 20 millions de dollars pour le projet de parc High Line, à deux pas de son quartier général, dans le Meatpacking District.

DVF : J'ai aussi réalisé un documentaire qui sortira le 4 juillet, j'espère qu'il sera projeté à Cannes. Il s'appelle Liberty : Mother of Exiles (Liberté, mère des exilés). La Statue de la Liberté appartient à tous. C'est un si beau symbole. Pensez au nombre d'immigrants qui sont passés sous son regard...


La façade du nouveau magasin parisien


FNW : Pourquoi cet événement à Paris ?

DVF : J'ai ouvert cette boutique et j'ai pensé qu'il fallait fêter ça. J'ai appelé l'ambassadeur pour lui dire que ce serait bien d'annoncer l'ouverture du musée.

FNW : La soirée n'avait pas trop l'air d'un rassemblement de Républicains ?

DVF : Non. Steven Mnuchin et l'ambassadrice rencontraient Christine Lagarde à l'Elysée. Je suis totalement libérale. La statue de la Liberté durera plus longtemps que Trump, c'est pourquoi nous devons la protéger.

FNW : Pourquoi ouvrir une nouvelle boutique à Paris ?

DVF : Je viens de m'installer de nouveau dans ce quartier, je détestais l'ancien magasin de la rue François-1er. C'est comme une cabine d'essayage. Un vestiaire.

FNW : Ces dernières années, vous avez changé plusieurs fois de directeur artistique : Yvan Mispelaere, Jonathan Saunders et maintenant Nathan Jenden. Pourquoi ?

DVF : Vous connaissez Jonathan Saunders. A l'origine, je lui avais demandé de venir nous aider avec les imprimés et il a dit : « Vous savez quoi ? Je pourrais m'occuper de tout le reste ». J'avais beaucoup de respect pour lui et j'ai dit d'accord. La vérité, c'est que son but ultime, c'était d'être cool, mais Diane von Furstenberg est une marque qui n'a rien à voir avec le fait d'être cool. Son objectif, c'est de donner aux femmes des uniformes pour vivre leur vie. Mes collections sont simples et confortables. Aujourd'hui, j'ai une excellente PDG (Sandra Campos), une femme incroyable, et une directrice de marque dont l'équipe est constituée de femmes formidables. J'ai réalisé que le mieux, c'était d'être entourée de femmes, et seulement de femmes.


L'intérieur du magasin


FNW : Vous n'avez pas organisé de défilé cette année. Pourquoi ?

DVF : Je n'ai rien fait. Je me suis contentée de montrer mon travail en privé, presque en tête-à-tête. Avec tout ce qui se passe maintenant avec les influenceurs, on ne peut plus vraiment montrer six mois à l'avance. Si vous le faites, tout le monde a déjà copié ce que vous avez créé au moment de la distribution des collections. Quand je dirigeais le CFDA, je mettais les jeunes créateurs en garde : quand vous organisez un défilé, vous dépensez tout votre argent de marketing et si vous montrez vraiment quelque chose de génial, ils l'auront copié avant que vous sortiez votre collection. Il est très difficile de déterminer ce que devrait devenir la Semaine de la mode. De nos jours, tout ce qui compte c'est le moment présent. On ne lit même plus un journal parce qu'on reçoit les gros titres sur son téléphone.

FNW : Dans le futur, les marques multiplieront les lancements à un rythme de plus en plus soutenu...

DVF : Qu'est-ce que ça veut dire un lancement ? Il suffit de lancer ses produits quand c'est le bon moment. Il s'agit simplement de tout bien planifier. Ce qui fait vraiment la différence, c'est d'avoir ses propres magasins. Avant Jonathan, j'avais quelqu'un qui essayait d'aller vers le marché de masse, en suivant l'exemple de Michael Kors, mais moi je ne voulais pas.

Ma petite-fille qui commence sa carrière, la fille d'Alex, Talita. Elle étudie à Georgetown, mais elle aura sa propre collection au printemps. Vous la verrez avec moi sur la couverture du magazine Town and Country.
 
FNW : Selon vous, quel est le futur des magazines ?

DVF : Mort ! Qui crée encore un magazine ? Le monde entier est en train de changer. Tout le monde doit s'adapter.

FNW : Alors c'est la dernière année d'Anna Wintour ?

DVF : Ça, je n'en sais rien !

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