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22 août 2022
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Du sexe oui, mais du sex-positif

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22 août 2022

En février dernier, la marque américaine Guess USA dévoilait les premières images de sa refonte. Sur l’affiche, une paire de fesses et un blouson de cuir, une image puisée dans les archives des années 80 par le photographe Eli Russell Linnetz en collaboration avec Nicolai Marciano (fils du créateur de Guess, Paul Marciano, aujourd’hui en charge de l’image de la marque) et destinée "à retrouver le pep’s et la sexy attitude qui collait à l’image de marque Guess à ses débuts". Une imagerie évocatrice de la "grande époque" des campagnes de Tom Ford pour Gucci au début des années 2000, et celles aussi suggestives de Sisley.
 

La campagne sexe signée du label Eckhaus Latta en 2017 - DR


Au rayon sexe, outre la dimension esthétique parfois revendiquée, les marques prônent aujourd’hui de nouvelles valeurs relatives à la tolérance et au respect des diversités regroupées dans le "sex-positif", soit un mouvement social et philosophique que certains attribuent au psychanalytique Wilhelm Reich à la fin des années 40, et aujourd’hui destiné à changer le regard culturel et les normes sur la sexualité en faisant la promotion de la sa reconnaissance dans toutes ses expressions, encourageant notamment les pratiques sexuelles "safe" et consenties, le plaisir sexuel et l’expérimentation (à différencier du "body positive", en faveur de l’acceptation et l’appréciation de tous les corps humains et qu’embrassent aujourd’hui de nombreuses marques).

En 2017, le label new-yorkais Eckhaus Latta s’invitait sur ce terrain, et trouvait la lumière grâce à sa campagne automne-hiver 2017 montrant de jeunes couples, hétéros ou gays, en plein acte sexuel, la photographe et réalisatrice Heji Shin ajoutant quelques formes pixellisées sur les parties intimes. "Nous vivons à un moment où il existe toujours une tension entre la liberté d’expression individuelle (surtout en ligne) et les approches puritaines au sexe qui sont profondément enracinées dans notre culture, expliquait Zoe Latta, la cofondatrice de la marque, sur le site Dazzed. Cette campagne est une célébration du vrai sexe, du beau sexe, une part évidente de l’être humain."


La collaboration Carne Bollente et Erika Lust - DR


Après Diesel en 2021, puis Jacquemus et sa campagne "L’Amour", prônant l’amour et la sexualité inclusive, la marque Carne Bollente, fondée en 2015 par Agoston Palinko, Hijiri Endo et Théodore Famery revendique, elle, un parti pris véritablement sociétal en proposant, depuis ses débuts, des pièces aux broderies célébrant l’amour et le sexe dans tous les genres. "Nous avions envie de nous intéresser au sexe, tout simplement parce que le sexe était, et est encore, traité comme un tabou dans de nombreux pays dans le monde. Dès le début, nous souhaitions infuser dans la société une vision du sexe positive, inclusive et queer friendly en utilisant le médium de la mode.", explique le label.

Une démarche qui intéresse quelques premiers points de vente, la Samaritaine récemment. Les collections sont vendues à Los Angeles, Berlin et Londres, mais les réticences demeurent. "A nos débuts, nous n’étions pas pris véritablement au sérieux. Beaucoup de magasins aux Etats-Unis hésitent encore à commander nos collections, les revendeurs japonais sélectionnent seulement certaines pièces. Des réalités qui convergent avec les discriminations qui touchent encore la communauté LGBT. Mais les choses changent. Carne Bollente est désormais vue comme une sex positive brand, la presse et les partenaires semblent ravis de présenter notre travail et notre parti pris."


La collaboration Nicopanda et Tom of Finland - DR


Associée à la réalisatrice Erika Lust, l’une des représentantes de la pornographie féministe, l’équipe de Carne Bollente vient de sortir une collection capsule "qui célèbre les femmes et le sex-positif" à travers tee-shirts et broderies, les bénéfices étant reversés à une association de défense des genres. Dans un style  un peu différent, Carne Bollente dévoilera  à la rentrée sa deuxième collection avec la « marque » iconique gay Tom of Finland. 

Développée sous licence aux Etats-Unis par la Fondation Tom of Finland, née après la disparition en 1991 de l’illustrateur Touko Valio Laaksonen, Tom of Finland et son univers érotico-fantasmagorique gay se décline depuis 2014 en collaborations mode.

Après une première capsule lancée en 2020, le designer britannique Jonathan Anderson dévoilait il y a quelques jours sa troisième collection capsule avec la fondation basée à Los Angeles. Au menu, des sweats, des slips, des débardeurs reprenant silhouettes musclées et sexes disproportionnés. Un univers auquel ont été sensibles des dizaines de marques qui réinterprètent, sans gêne, la sexualité illustrée de Tom of Finland, ainsi de Nicola Formichetti (Nicopanda), Hubert Pierre Pouches (Rufskin) ou encore Andreas Palm et Christian Larson (CDLP). 


Le magazine Butt soutenu par Bottega Veneta - DR


"Un affichage qui, selon Joakim Andreasson, le directeur de la licence Tom of Finland, requiert quelques voix courageuses, explique-t-il, qui ont eu envie de casser le moule. Si le port de vêtements montrant la sexualité ne peut se faire que dans certains pays aujourd’hui, l’exemple de Tom of Finland et des dessins phalliques montre que cela inspire des gens et les aide à s’exprimer. L’univers de Tom of Finland représente la tolérance, l’acceptation, la fierté, la liberté. Une imagerie symbole de l’avancement des droits des gays et de la liberté sexuelle."

Un engagement qui semble rejoindre les envies de Bottega Veneta et son directeur artistique Matthieu Blazy. En février dernier, la maison italienne annonce la relance du magazine trimestriel Butt, une référence de la culture gay créée en 2001 par Gert Jonkers et Jop van Bennekom et suspendue en 2011, et qui réunissait sur une cinquantaine de pages rose pastel une vision de l’érotisme gay dans sa diversité, ajoutant ici et là quelques sujets de culture et de société.

Un peu plus de dix ans après son arrêt, Butt revient donc sur le devant de la scène avec Bottega Veneta comme seul annonceur, un trentième numéro célébré par une installation au Palais de Tokyo, et quelques soirées club à Paris et Los Angeles. Un engagement qui se renouvellera, Bottega Veneta poursuivant sa collaboration avec Butt autour du lancement d’un nouveau numéro en septembre.



Le pendentif sexe Rocco signé Carré Y - DR

 
Dans la même veine, quelques marques de joaillerie et bijouterie brandissent elles aussi le sex-positif. Fondée par Yacine Challal, Carré Y, la marque qui sponsorise en ce moment l’émission Drag Race France, revendique sur son site la "proud jewelery", soit "des bijoux non genrés et écoresponsables qui s’adressent aux personnes fières de ce qu’elles sont, indépendamment de leur genre et de leur sexualité', explique le créateur.  Dans sa ligne Moula, le pendentif Rocco se décline dans trois couleurs, toujours orné d’un prince Albert, d’autres subliment le vagin en rose. "Des clins d’œil à la légèreté, à la sexualité positive, à l’amour et à la tolérance, poursuit Yacine Challal. Des bijoux qui reflètent notre époque, après tout ce n’est que du sexe."

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