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Clémentine Martin
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7 juin 2022
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ERL et Winnie New York: les talents nord-américains dominent le prix Karl Lagerfeld

Traduit par
Clémentine Martin
Publié le
7 juin 2022

Jeudi 2 juin dernier, la remise du Prix LVMH a causé quelques haussements de sourcils. Quelques minutes avant de révéler le nom du gagnant de cette édition, le britannique Steven Stokey Daley, Delphine Arnault a cédé la parole à la médaillée olympique Eileen Gu. La championne de ski, chargée de remettre le prix Karl Lagerfeld, a stupéfait l’assistance rassemblée à la fondation Louis Vuitton à Paris en annonçant qu’en raison ”de la qualité exceptionnelle des participants”, ils seraient deux à être récompensés. Leurs noms : Eli Russel Linnetz et Idris Balogun, respectivement à la tête des marques ERL et Winnie New York.


Les créateurs à la tête des marques ERL et Winnie New York - LVMH Prize


Rebaptisé Karl Lagerfeld en 2019, en hommage à l’héritage laissé par le Kaiser et à sa participation au jury du prix LVMH pendant des années, le prix donne droit à un an de formation au sein du groupe de luxe français et récompense les deux designers d’origine américaine d’une donation de 150.000 euros. Auparavant connu sous le nom de Special Prize, il a notamment lancé les carrières de créateurs et de marques comme Hood by Air, Jacquemus, Vejas et Rokh.

“Définitivement, Karl Lagerfeld est l’une de mes icônes et une légende de la mode. Gagner un prix qui porte son nom est très émouvant”, reconnaît Eli Russell Linnetz dans une interview pour FashionNetwork.com juste après la remise de son prix. Il l’a dédié aux membres du jury, à la famille Arnault et à sa propre famille. ”J’ai créé ERL comme un échappatoire, un lieu où créer sans me poser trop de questions, un monde dédié à l’expérimentation et à la prise de risque. Mais je ne m’attendais pas à ce que les gens portent mes vêtements“, sourit le créateur, installé à Venice Beach, un endroit d’où il tire une grande partie de son inspiration.


Collection printemps/été 2022 - ERL


Ce créateur âgé de 31 ans a lancé sa première collection masculine complète en janvier 2020. Il décrit lui-même son style comme “décontracté, pas trop sérieux, mais avec une bonne histoire à raconter“. Une patte unique qui se définit également par “des couleurs et un style californiens“, qui imprègnent les interprétations simples et sensuelles de basiques nord-américains que l’on retrouve au fil de ses collections masculines, féminines et non genrées. “Je ne me suis jamais perçu comme faisant partie de l’industrie de la mode. Le design narratif est ma véritable passion“, reconnaît le designer nord-américain. Passionné de photographie, il a suivi des études de scénariste à l’université.

Une marque déjà repérée par Kim Jones



Et à ce jour, sa vision n’a pas seulement séduit le jury du prix LVMH : elle lui a aussi valu un look dans la collection “automne 2021“ de l’exposition “In America: A Lexicon of Fashion“ au Metropolitan Museum of Art de New York.

Kim Jones, également membre du jury du prix, a mis ERL sous les feux des projecteurs en mai dernier. Une alliance créative entre Eli Russell Linnetz et le directeur artistique de Dior Men est née d’une conversation informelle sur Instagram. Connu pour sa passion des collaborations, le Britannique l’a personnellement choisi comme invité surprise de son dernier défilé à Los Angeles. La capsule présentée à cette occasion fera partie de la collection homme printemps 2023, avec des couleurs vives et une esthétique maximaliste. Intitulée ”California Couture”, elle mêle les univers des deux créatifs.


Collection capsule “California Couture“ - Dior


La marque est déjà distribuée dans 85 points de vente dans le monde entier. Mais Eli Russell Linnetz veut maintenant conquérir de nouvelles catégories et faire croître son studio. “Chacune des pièces artisanales fabriquées dans notre studio de Venice est créée à partir de matières réutilisées. J’aimerais beaucoup ouvrir ma propre usine locale où je pourrais tout fabriquer et tout vendre”, explique-t-il. L’upcycling fait partie intégrante de l’ADN de sa firme. Il compte par ailleurs ouvrir prochainement une boutique propre à Paris. ”C’est logique. Cette année, je m’y suis déjà rendu 12 fois !”, s’exclame-t-il.

De Burberry et Tom Ford à Winnie New York



Encore plus jeune, le designer nord-américain Idris Balogun est âgé de 29 ans et se cache derrière la griffe Winnie New York. Mais sa carrière a déjà de quoi impressionner : diplômé du Fashion Institute of Technology et formé à Savile Row à la confection de costumes, ce designer descendant d’une famille nigériane est installé à Brooklyn. Il a notamment officié chez Burberry sous les ordres de Christopher Bailey, et a été responsable du menswear et du sur-mesure chez Tom Ford avant de présenter la première collection de sa propre marque en février 2020 à Paris.

Son positionnement haut de gamme et sa solide trajectoire lui ont valu une reconnaissance toute particulière d’un jury formé de plusieurs pontes de la mode masculine, comme Silvia Venturini Fendi, Nigo ou Kim Jones, déjà mentionné auparavant.


Collection printemps/été 2022 - Winnie New York


”L’aventure a été incroyable et je suis très reconnaissant d’avoir eu l’opportunité de faire partie de cette plateforme”, affirme le créateur. Il a dédié son prix à sa mère, ses frères et ses amis. Les racines de sa marque reposent d’ailleurs sur ses relations avec sa famille. ”J’ai créé ma marque en hommage à la mémoire de ma grand-mère. Rien ne pourrait me rendre plus heureux que de voir son nom à côté de celui de Karl Lagerfeld aujourd’hui”, relate un Idris Balogun plutôt ému à FashionNetwork.com. Son identité repose sur le ”luxe sous sa forme la plus pure”, utilisant les techniques classiques et l’artisanat, avec des méthodes de fabrication éco-responsables, dérivées de la confection de costumes dans des matières exceptionnelles.

Les vêtements de Winnie New York se composent de fibres naturelles comme le coton, le lin et la laine, dans le but de “faciliter leur recyclage“. D’ailleurs, le créateur encourage l’utilisation de matières recyclées et de stocks dormants dans ses collections. Une perspective éco-responsable qu’il pourra continuer à explorer grâce au crédit concédé à chaque gagnant pour acheter des tissus chez Nona Source, la structure de vente d’excédents de stocks de tissus des marques de mode et de maroquinerie de LVMH.


Collection automne/hiver 2021 - Winnie New York


“J’étais un peu intimidé, j’ai beaucoup de mal à prendre la parole en public et je ne savais pas à quoi m’attendre au moment de présenter ma marque au jury, mais ils nous ont mis tout à fait à l’aise et l’expérience s’est révélée très formatrice“, décrit le créateur. Les principales questions ont porté sur les objectifs de sa marque, ses perspectives d’activité et son potentiel de croissance, comme l’ont aussi relaté les sept autres finalistes de l’édition 2022.

Dans son cas, la dotation de 150.000 euros va servir à étoffer son équipe, car le fondateur de la marque est pour l’instant le seul à y travailler à plein temps. Il va aussi pouvoir explorer de nouvelles catégories de produits et développer la vente en ligne et la vente directe. De plus, Idris Balogun est en train de finaliser les détails de la prochaine présentation de Winnie New York, qui aura lieu à Paris le 22 juin, lors de la journée d’ouverture de la prochaine Fashion Week homme.

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