Jean-Paul Leroy
3 févr. 2013
Emanuele Levi (360 Capital Partners):"Le e-commerce est un marché mûr aujourd'hui"
Jean-Paul Leroy
3 févr. 2013
La société de capital-risque franco-italienne 360 Capital Partners spécialisée dans le digital avait investi à bon escient dans le e-commerçant italien Yoox en 1999, à ses débuts, avec le succès que l’on sait. Aujourd’hui, elle est dans le « petit » e-commerçant français So Jeans, aux ambitions européennes, qu’elle espère bien aider à grandir. Son dirigeant à Paris, Emanuele Levi, dresse pour FashionMag Premium un état des lieux du capital-risque et ce qu’il estime être les conditions de la réussite.
Fashionmag : Qu’est-ce que 360 Capital Partners ?
Emanuele Levi : C’est une société de capital risque assez classique, avec une base franco-italienne. Le fondateur, Fausto Boni, est italien. Nous sommes présents à Paris et à Milan, mais aussi à Munich depuis deux ans. Nous avons une personne là bas. L’Allemagne est intéressante parce que c’est la première économie européenne. Il y a des dossiers à regarder. Mais aussi nous pouvons y accompagner certaines entreprises dans lesquelles nous avons investi. Aujourd’hui, 360 Capital Partners pilote environ 300 millions d’euros sous gestion à travers trois fonds. Nous avons 19 sociétés actives dont 17 sous le fonds de 2007 et 2 encore sur le fonds 2000. Huit de ses sociétés sont en France. En moyenne, nous restons sept ans dans une société. Il faut du temps pour faire grossir une entreprise. Nous sommes là pour développer des solutions utiles aux marques, pas seulement pour leur fournir de l’argent.
FM : Quels sont les investisseurs que vous représentez ?
EL : Ils sont multiples. Cela va d’assureurs à des banques en passant par des investisseurs privés mais aussi des investisseurs publics comme La Caisse des Dépôts en France mais aussi en Italie, des fonds européens d’investissement, etc.
FM : Vous avez, semble-t-il, une spécialité en terme d’investissements qui est le digital ?
EL : De fait, c’est le secteur le plus important de notre portefeuille. C’est sans nul doute venu de l’investissement réalisé dans Yoox. Nous avions travaillé avec le fondateur chez Bain & Company. Nous l’avons donc aidé dès le départ en 1999 et nous sommes sortis en 2009. Cela nous donnait évidemment une expertise que nous avons fait fructifier.
FM : Récemment, vous avez contribué au tour de table du e-commerçant français So jeans. Pourquoi ?
EL : Il y a évidemment plusieurs raisons. D’abord, évidemment, nous croyons aux fondateurs, Nous apprécions leurs ambitions de construire un site à dimension européenne. En France, ils ont racheté récemment un autre site, Jeans Story. D’autres acquisitions, à l’international, ne sont pas exclues, toujours on line. Nous avons constaté aussi que leur proposition - monter un site de vente de jeans en Europe - était originale, car il n’y en a quasiment pas d’autres. So jeans peut ainsi se permettre d’offrir aux clients potentiels 150 marques, 40 000 produits à travers plus de 3000 modèles. Ce qui est impossible dans des magasins physiques. De même, la promesse sur le produit jean est bien supérieure à celle de distributeurs généralistes sur le web pour qui le jean n’est qu’une partie de l’offre. D’ailleurs, ça fonctionne puisque, après 18 mois de vie, So jeans devrait peser 15 millions d’euros cette année, avec un objectif de 150 millions d’euros en 2016. Le site est déjà présent en France bien sûr, en Italie, en Allemagne, au Royaume-Uni. Plus les Pays-Bas et la Belgique.
FM : Dans l’absolu, quels sont vos critères pour retenir un projet ?
EL : Le premier critère évidemment est l’homme ou la femme derrière le projet. D’ailleurs, nous nous définissons comme généraliste en terme de secteur. Nous avons une stratégie large et ouverte et nous retenons tel ou tel secteur en fonction des projets que l’on nous propose et de la capacité des entrepreneurs à nous convaincre. D’où par exemple le secteur de la mode avec So Jeans. Le deuxième critère porte sur les ambitions. Nous cherchons des sociétés à très grand marché, qui ont de grandes ambitions. Il faut aussi que le modèle économique soit clair.
FM : Est-ce que beaucoup de dossiers que l’on vous soumet répondent à ces critères ?
EL : D’abord, il faut admettre, concernant le digital, que, grâce au succès de nombre de sites, l’éco-système s’est plus développé en France qu’en Italie. Avec nombre d’entrepreneurs, une expérience-clients plus développée. Mais aussi plus de capital-risqueurs. En Italie, ces derniers ont en grande partie disparu après l’éclatement de la bulle; ça revient toutefois aujourd’hui.
FM : Quels types de projets vous propose-t-on en majorité ?
EL : Beaucoup de projets tournent aujourd’hui autour de l’utilisation du mobile, notamment en terme de services. Mais il y a encore beaucoup de gens qui nous disent vouloir faire Vente-privée en 2013 ! J’admets qu’il ne faut pas toujours inventer et parfois s’inspirer de modèles qui marchent. Mais surtout pas vouloir les refaire ! Si j’avais un conseil à donner en matière de e-commerce, c’est un marché mûr aujourd’hui. Il faut innover pour espérer du résultat, notamment en matière de produits et de services. Il ne faut pas non plus tourner le dos au bon vieux marketing des années 60, se demander ce que veut le client, ce qu’il attend. Par exemple, je ne crois pas beaucoup à ces sites où des stylistes proposent leurs produits sans savoir si cela correspond vraiment à la demande des clients. Enfin, il faut aussi une force financière derrière.
FM : Grâce à vous c’est possible (rires) ?
EL : Rien n’est facile. Force est de constater que depuis la crise de 2008, les banques ont eu de gros problèmes. Il y a moins de liquidités. Il y a aussi l’évolution des données réglementaires qui ne sont pas toujours favorables au private equity. Ce n’est donc pas facile de trouver de l’argent. Sans entrer dans les détails, on peut remarquer qu’il y a eu moins de closings annoncés en 2012 qu’auparavant. Ce n’est pas un manque de projets. C’est tout simplement un manque d’argent….
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