
Dominique Muret
4 juil. 2023
Erevan, nouvelle comète de la mode avec son vestiaire 'made in France' cool et désirable

Dominique Muret
4 juil. 2023
Erevan, c’est le nouveau nom qui circule en ce moment auprès des initiés. Lancée en sourdine en 2021 par Evan Morello-Boghossian, la marque de parfum et de prêt-à-porter pour homme et femme a su, depuis, faire entendre sa voix singulière et authentique à travers son élégance solaire, séduisant des célébrités telles que Giorgio Armani, Jean-Michel Jarre, l'acteur Samuel Lee Jackson, la chanteuse Camélia Jordana ou le journaliste Olivier Lalanne. Elle n’a pas manqué d’attirer non plus le regard de quelques investisseurs. Loin des réseaux sociaux et sans publicité, avec juste son e-commerce et une boutique, elle a cumulé en trois ans des croissances à deux chiffres, effleurant le million d’euros de chiffre d’affaires en 2022, tandis qu’elle espère dépasser 1,5 million cette année.

Sa recette? Des produits recherchés de grande qualité, un vrai savoir-faire autour du vêtement, des collections réduites composées de pièces essentielles et décontractées avec une touche légèrement vintage et un fort ancrage dans le sud de la France. A cela s’ajoutent un positionnement accessible en termes de prix et une équipe enthousiaste et motivée, totalement dédiée au projet. Ces éléments ont permis à Erevan de croître de manière continue et organique.
C’est sa boutique, située rue Gambetta, dans le vieux centre de Saint-Tropez, qui l’a propulsée au départ, épaulée par l’e-shop, et ensuite par un deuxième magasin ouvert fin 2022 à Paris, rue des Saints-Pères, sur la rive gauche, dans le voisinage de Prada, Max Mara et Saint Laurent. On y respire une atmosphère familiale et bienveillante. Sur treize mètres carrés, la marque propose à peine une vingtaine de pièces, qui sont renouvelées toutes les trois semaines, au côté des parfums et des accessoires comme les lunettes ou des objets ludiques tels la lessive "aux senteurs d'Erevan" et un jeu de backgammon.
"Nous sommes à contre-courant des hordes de griffes qui noient le marché de produits. Notre moyen de communication, c’est la boutique, un peu comme Ralph Lauren et Paul Smith à leurs débuts. Nous avons choisi un canal différent, plus réel, où nous racontons le produit de vive voix en créant une destination", nous explique Evan Morello-Boghossian.
La mode en héritage
Agé de 24 ans, il est tombé dans la mode au berceau. D’origines italienne par son père et arménienne par sa mère, -le père de celle-ci, cordonnier provenant d’Erevan, s’était installé à Nice en 1900,- le designer a baigné dans les savoir-faire méditerranéens dès sa plus tendre enfance. Sa mère travaillait pour la marque Blanc Bleu, connue pour ses pull-overs câbles marins. Son père, pour Façonnable, avant de devenir vendeur pour la boutique Lily For Men de Saint-Tropez.
Passionné par les matières textiles et les vêtements, le jeune homme n’a cessé de collectionner et d’acheter dans les fripes et les stocks des pièces d’archives, qui servent aujourd’hui de base à ses créations. Après un an sur les bancs d’Esmod, il ouvre fin 2018 un atelier de production à Paris, du côté de Pigalle. Il s’entoure d’une équipe de neuf jeunes, tous aussi passionnés que lui, qui se retrouvent aujourd’hui à ses côtés chez Erevan, la moyenne d’âge ne dépassant pas les 25 ans.
Pendant trois ans, il fait ses classes, produisant pour différentes marques de prêt-à-porter, dont Casablanca et Paradoxe Paris, allant jusqu’à réaliser 3.000 pièces par mois. Parallèlement, il commence à vendre ses propres créations, auprès d’amis et de connaissances.
"L’idée, c’était de créer un atelier de couture et de création, comme cela se faisait autrefois dans un esprit familial et cool, avec une approche centrée sur le produit. Nous avons vite été dépassés par le succès et j’ai décidé de fermer l’atelier pour me concentrer sur Erevan", raconte le styliste-entrepreneur, qui fonde sa maison dans la foulée, entièrement autofinancée.
A cette occasion, un ami, Florian Pellegrin, lui propose de créer un parfum. Inspirée des senteurs du Sud, la fragrance aux notes de figue, cardamone, musc et ambre, baptisée "Pampelonne", du nom de la célèbre plage de Ramatuelle, avec sa boite et son bouchon en liège, autre symbole méditerranéen, devient la porte d’entrée de la marque.

"Une façon extraordinaire de faire connaître notre prêt-à-porter, car une grande part des retraits du parfum se fait en boutique", glisse Evan Morello-Boghossian.
Commercialisé autour de 100 euros, le parfum reste le best-seller absolu d’Erevan, venant souvent conclure, "pour se faire plaisir", un shopping de prêt-à-porter. "Les ventes du parfum ont été d’emblée exponentielles, 'Pampelonne' devenant essentiel, le produit emblématique de notre marque, qui est construite autour de l’invitation au voyage et des souvenirs", souligne-t-il. Depuis, le label a élargi son offre, lançant au printemps une collection d’une dizaine d’eaux de parfum, toujours autour de réminiscences estivales et de la Côte d’Azur, fabriquées par le groupe suisse Firmenich. Il vient de signer avec le Printemps, où il s’apprête à ouvrir un corner dédié à ses parfums.
Côté prêt-à-porter, les collections puisent leur inspiration dans le monde nautique avec un esprit French Riviera, mélangé à des influences militaires. Les collections, très restreintes, sont surtout centrées sur chemises, pantalons, pièces en denim et vestes. La marque reprend et retravaille des modèles vintage d’archives, proposant une garde-robe de nouveaux basiques intemporels fort désirables.
Ainsi, la minirobe à petits carreaux ajourés au col carré, à 230 euros, rappelle le style yéyé des années 1960, tout en revisitant la tenue de cérémonie des femmes de marin. Le short de marin un peu rétro, large et évasé, taillé dans un coton smocké indien, se vend à 220 euros. Les t-shirts 'made in' Japan en coton organique sont proposés à 95 euros. Cette saison, Erevan propose trois nouveaux modèles autour du thème de Saint-Tropez, réalisés en collaboration avec l’illustrateur céramiste Constantin Riant.
Tissu madras indien, pâte à papier et nylon, alpaga hyper léger...
Une grande attention est portée aux détails, comme dans ces chemises au col hirondelle avec les deux extrémités qui descendent en pointe. La patte de boutonnage de certains modèles est doublée sur un empiècement seventies. Les vareuses et surchemises (autour de 340 euros), avec leur bouton en corne, sont déclinées dans des matières particulières, tel ce jacquard à pois japonais. Elles mettent en avant notamment les rayures, signature d’Erevan, dans des patchworks de tissu madras indien, ou travaillées en relief.
La griffe propose aussi des créations innovantes, comme ce trench bleu rappelant le caban marin, réalisé au Japon dans une pâte à papier et nylon avec un effet froissé, ou ce pull-over noir en alpaga hyper léger à la texture simili éponge, tricoté au Pérou.
"Avoir travaillé dans la production auparavant nous a permis de comprendre vraiment ce que signifiait ce métier. Aujourd’hui, nous maîtrisons le sujet. Nous sommes attentifs à tous les paramètres de production, de la sélection des matières à la confection. La volonté est de proposer des vêtements qui durent dans le temps. Sans surproduire. Les stocks qui nous restent en fin de saison sont réutilisés pour de nouvelles créations. Notre gage de qualité est une fierté pour nous. A 99%, le retour n’existe pas chez nous", lâche le créateur, non sans une pointe d’orgueil.

En-dehors des productions de niche très spécialisées réalisées à l’international, comme au Japon, près de 80% de la collection est fabriquée en France, en particulier aux portes de Paris, à Pantin, auprès du fabricant MJC Manufacture Jeans et Confection, qui consacre à Erevan une mini-ligne de production avec du personnel dédié. Avec ses plus de trente ans d’expérience, en particulier dans le denim, et ses machines super spécialisées (ourleuse, surfileuse, surpiqueuse, etc.), ce fabricant, qui fournit entre autres Atelier Tuffery, assure à Erevan un circuit court et une qualité impeccable.
"Pour suivre une telle complexité, tout seuls avec notre atelier, nous n’aurions pas pu. En nous appuyant à MJC, cela nous permet d’avoir une qualité de confection incroyable. Nous voulons travailler avec ce standard et ce type de profil top", indique le designer. "Nous sommes de vrais amoureux du produit. Nous sommes là pour faire des vêtements, pas de la mode! Avec nos produits, nous transmettons une vraie histoire, une énergie, une valeur forte. Le tout avec un prix très juste", poursuit-il, en faisant noter que "cette année, nous avons baissé les prix du prêt-à-porter de 20%. Nous avons légèrement réduit nos marges, mais le panier client a augmenté drastiquement".
En juin, Erevan a participé pour la première fois aux salons Pitti Uomo et Tranoï, s’ouvrant au réseau de vente en gros. La marque a noué des contacts et a conclu des accords avec certains agents et showrooms à l’international. Ces jours-ci, elle déménage ses bureaux parisiens, doublant sa superficie dans le Xe arrondissement, où elle va pouvoir installer un showroom et un petit atelier. La course continue pour la petite marque en pleine ascension.
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