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Marguerite Capelle
Publié le
12 janv. 2019
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Ermenegildo Zegna XXX : de l’athleisure pour la haute à la Stazione Centrale

Traduit par
Marguerite Capelle
Publié le
12 janv. 2019

La moitié des spectateurs du défilé d’ouverture de cette nouvelle saison de prêt-à-porter masculin de Milan, ce vendredi, sont arrivés dans la capitale de la mode via la Stazione Milano Centrale, par les trains du matin en provenance du Pitti, à Florence. Et ils ont retrouvé cette impressionnante gare ferroviaire le soir même, pour la dernière collection Ermenegildo Zegna XXX.


Ermenegildo Zegna - Automne-hiver 2019 - Prêt-à-porter masculin - Milan - © PixelFormula

 
« Nous suggérons de bien se couvrir », disait l’invitation. Un sage conseil pour tous les spectateurs qui s’installaient dans la fraîcheur de cette soirée lombarde pour découvrir les dernières idées du créateur Alessandro Sartori.

Sous la houlette de ce dernier, cette collection s’est transformée en visite architecturale de la capitale italienne de la mode et a déjà fait étape dans la meilleure école de commerce du pays, Bocconi, et lors de la dernière saison, au Palazzo Mondadori d’Oscar Niemeyer, à la réputation bien méritée, pour un défilé spectaculaire.

Les premiers mannequins ont fait leur apparition en même temps que plusieurs locomotives de la Frecciarossa, la ligne italienne à grande vitesse, qui se rangeaient sur les rails au-dessus de nous. Dès les premières silhouettes, il était évident qu'on était en présence d’une collection d’athleisure conçue pour la haute société. Des justaucorps en cuir matelassé bulbeux ou des hauts après-ski à capuche en laine feutrée associés à des joggings ajustés à coutures apparentes, ainsi que des parkas techniques courtes portées avec des pantalons matelassés ceinturés par un cordon.

Comme tout distributeur physique ou en ligne vous le dira sans hésiter, depuis deux ans, la façon la plus sûre de développer son marché masculin est d’ajouter une touche de sportif chic à ses choix vestimentaires. Alessandro Sartori s’est révélé l’un des créateurs les plus audacieux à s’aventurer dans cet univers côté haut de gamme. Avec parfois des résultats formidables : ses pantalons gris mastic façon bondage chic, ses blousons ergonomiques en feutre avec un col montant, audacieusement rebrodés d’imprimés vraiment fantastiques de jeunes en train de lire le journal, étaient tous fabuleux.

Mais ses meilleures idées étaient à retrouver du côté de ses coupes audacieuses : de ces vestes portefeuille à un bouton à ces prodigieux costumes à carreaux défilant à toute allure à travers la gare.

On avait coutume de dire de Mussolini qu’avec lui, les trains partaient à l’heure. Les créateurs italiens n’ont jamais emprunté cette voie et ce défilé a commencé avec une demi-heure de retard. Même si le fait que Zegna ait pu faire fermer la zone centrale de la gare de Milano Centrale pour l’occasion en dit long sur la puissance de la mode en Italie ! Près de 120 millions de personnes transitent ici chaque année. Et dans une mise en scène élaborée, la production Bureau Betak avait installé d’énormes écrans sur la façade de 220 mètres de long, de sorte que des milliers de fans ont pu suivre le défilé de l’extérieur. À l’intérieur, des lampes à arc bleues baignaient de lumière le bâtiment de style assyro-lombard, avec ses voûtes de 70 mètres – un record du monde à l’époque de sa construction – ainsi que les mannequins, qui arpentaient d’un pas déterminé le sol en marbre Art déco.

Achevée dans les années 1930, Mussolini avait insisté personnellement pour que les poutrelles géantes en acier qui supportent la verrière monumentale de la gare symbolisent le pouvoir du fascisme. Même si tout cela n’avait plus beaucoup d’importance au moment où son cadavre a été pendu la tête en bas en avril 1945 dans une station essence Esso à proximité.


Ermenegildo Zegna - Automne-hiver 2019 - Prêt-à-porter masculin - Milan - © PixelFormula

 
Non pas que ces vêtements aient quoi que ce soit à voir avec le totalitarisme. Tout au contraire, puisqu’ils étaient l’incarnation même d’une pensée libre en matière de couture.

Cette semaine, Alessandro Sartori avait annoncé la couleur sur Instagram, en particulier en ce qui concerne les tissus. Son hashtag disait UseTheExisting (utiliser l’existant) tandis qu’une de ses publications affirmait : « Ce tissu inclut des matériaux naturels préexistants, postconsommation, qui ont été recyclés via des procédés innovants ».

De fait, aucun autre créateur de prêt-à-porter masculin n’est capable de rivaliser avec Alessandro Sartori quand il s’agit de révolutionner les matériaux. Sa palette profonde de noir béluga, vert taïga et gris Varsovie crée un ensemble qui constitue une mémorable démonstration de mode. Ceci dit, le nom de Sartori vient du mot italien désignant un « tailleur » et c’est dans ce domaine qu’il montre généralement le plus de compétences

C’est pourquoi, même si les enjeux de développement des marques impliquent qu’on peut s’attendre à toujours plus d’athleisure à Milan, cette collection ne figurera pas parmi les meilleures d’Alessandro. Ça sentait le créateur qui en fait un peu trop.

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