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Face au drame du Bangladesh, les leçons de réalisme du textile vietnamien

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2 mai 2013

HANOI, 02 mai 2013 (AFP) - Entre accidents meurtriers et esclavage, le textile asiatique s'est longtemps développé au détriment des ouvriers. Des producteurs du continent, Vietnam en tête, ont pourtant su fermer les ateliers clandestins au prix d'une stratégie ambitieuse, et se posent aujourd'hui en modèles pour Dacca.


L'effondrement d'une usine de la périphérie de la capitale du Bangladesh, la semaine dernière, a fait 550 morts et disparus, mettant crûment en lumière les conditions dans lesquelles sont produits les vêtements des géants mondiaux du prêt-à-porter. Et alors qu'apparaissent des menaces de boycott, le pays doit réformer son appareil productif avant que les fashionistas ne renoncent à "porter des robes tâchées de sang", assure Kalpona Akter, du Centre du Bangladesh pour la solidarité des travailleurs.

Car Dacca fait face à la concurrence de pays voisins socialement plus sains. Le Vietnam communiste, qui produit pour Zara, Mango ou H&M, témoigne de ce qu'il est possible de disposer de lois du travail "extrêmement fortes" et de salaires décents, dit-elle. "Ce n'est pas la course au moins cher ici", renchérit Tara Rangarajan, de l'organisation internationale du travail (OIT) à Hanoï, relevant que les "ateliers clandestins font partie d'une stratégie pas chère et à court terme". Les acheteurs qui font leurs courses au Vietnam, où les salaires sont trois fois plus élevés qu'au Bangladesh, sont ceux qui "ont une réputation à maintenir".

Les exportations vietnamiennes de textile, d'une valeur de 3,1 milliards de dollars au premier trimestre 2013, ont augmenté de 18,3% sur un an. Et la "priorité numéro un" du gouvernement est l'investissement technologique, selon l'expert Nguyen Dinh Huan.

Outre les caisses de l'Etat et le secteur privé, les grands gagnants sont les ouvriers qui sont su, et pu, refuser les méthodes tyranniques de certains groupes étrangers, notamment sud-coréens et taïwanais.

Nguyen Huu Linh, 36 ans, dirige une petite société de fabrication de bagages mais a commencé à l'usine. "Les entreprises ont loué des terrains, bâti des logements pour les ouvriers", explique-t-il, évoquant des salaires nominaux multipliés par trois en 15 ans. "Le développement des techniques et de la science a aussi réduit le fardeau des ouvriers. Nous faisions beaucoup de choses à la main. Maintenant, les machines nous aident".

Le Cambodge voisin, où le textile est une source de revenus majeure, combat pour sa part son image d'atelier clandestin avec l'aide de l'OIT. Des évanouissements collectifs ont alerté sur la santé des ouvrières. Et si grandes marques et sous-traitants se renvoient les responsabilités, le corps syndical se renforce et le gouvernement négocie.

Quant à la Thaïlande, elle n'est pas exempte de reproches. Mais si les petits ateliers restent problématiques, les conditions se sont améliorées dans les grandes structures depuis que l'incendie d'une usine de jouets a fait 188 morts en 1993. Certains experts relèvent pourtant que le Bangladesh dispose déjà "d'usines de classes mondiales" et accusent les acheteurs de "maximiser les profits".

Anne Elizabeth Moore, spécialiste de l'industrie textile, regrette que ne soit jamais expliquée "la vraie relation entre les vêtements bon marché, les violations du droit du travail et les critères sanitaires et sécuritaires". Les acheteurs, ajoute-t-elle, ne se préoccupent pas du social. Sauf à viser les revenus proposés, à long terme, par une meilleure image en Occident.

Reste l'espoir que le dernier drame en date ne soit pas sans conséquence. "C'est un peu cynique, mais ce désastre est un aussi un moment critique qui peut pousser les marques à avancer, via les médias et les citoyens", veut croire Nayla Ajaltouni, coordinatrice du Collectif Éthique sur l'étiquette. L'essentiel devra venir de Dacca, ajoutent pour autant d'autres observateurs, qui plaident pour que les ouvriers du secteur soient autorisés à se syndiquer et que les salaires soient augmentés.

Il y va non plus de la seule image du pays, mais de 80% de ses exportations. "Beaucoup d'acheteurs regardent vers la Birmanie, le Kenya, l’Éthiopie. Ils ne voient plus le Bangladesh comme une solution durable (...). Il y a trop de problèmes", estime le responsable basé à Hong Kong d'une marque mondiale.


Par Cat BARTON

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