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Traduit par
Paul Kaplan
Publié le
7 oct. 2019
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Fashion Weeks Printemps-Été 2020 : morceaux choisis

Traduit par
Paul Kaplan
Publié le
7 oct. 2019

La saison des défilés s'est terminée cette semaine, mettant fin à un marathon de près de 400 défilés et présentations, répartis dans les quatre grandes capitales de la mode : Londres, Milan, New York et Paris.
 
Cette saison a été traversée par plusieurs enjeux majeurs : le développement durable, le féminisme, les frontières et l'inclusivité — qu'elle soit ethnique, sexuelle ou morphologique. Retour sur une saison particulièrement riche, en 20 épisodes qui disaient tous quelque chose sur la mode, la politique et le monde actuel.


Alexander McQueen - Printemps-Été 2020 - Prêt-à-porter féminin - Paris - © PixelFormula


Alexander McQueen
Retour à l'essentiel chez Alexander McQueen : coupes gothiques, chic sacerdotal et panache celtique, c'était la déclaration de mode la plus évocatrice de la saison. Et à une époque où l'on brandit le terme "inclusivité" à toutes les sauces, la directrice artistique de la maison, Sarah Burton, a choisi de faire saluer l'ensemble de son atelier, une soixantaine de petites mains qui ont recueilli l'ovation la plus longue de ce mois de défilés internationaux.
 
Balenciaga
Sûrement la mise en scène la plus impressionnante de tous les défilés SS20. Un vaste espace, mi-cathédrale, mi-Copa Cabana, en velours bleu saphir. Une cabine de mannequin gigantesque, effrontée, dystopique. Une collection étourdissante, baptisée "New Fashion Uniforms" ("De nouveaux uniformes de mode" en VF) composée de vêtements très amples, voire surdimensionnés, mais aussi sexy, et éclaboussés d'innombrables logos. Du grand Demna Gvasalia.


Balenciaga - Printemps-Été 2020 - Prêt-à-porter féminin - Paris - © PixelFormula


Valentino
L'applaudimètre a failli exploser à la fin du défilé Valentino, après la présentation de la gracieuse collection de grisailles de Pierpaolo Piccioli — une technique picturale qui consiste à utiliser des variations de gris, d'écru et de blanc. Pour les amateurs les plus cultivés, il s'agissait d'une référence à la légendaire "White Collection" présentée en 1968 par le fondateur de la maison, Valentino Garavani, où Jackie Kennedy avait pioché la robe de son mariage avec Aristote Onassis. Le jeune public a surtout retenu l'élan romantique qui se dégageait du défilé.


Miu Miu
Autre grande créatrice italienne, Miuccia Prada a également présenté sa dernière collection à Paris, mais l'attitude générale du défilé n'avait strictement rien à voir. Brute, instinctive, voire viscérale, la collection était à la fois féminine et percutante : tout était savamment déformé par des morceaux de volants, des bouts de mousseline et des broderies excentriques, surpiquées de manière surprenante. Et, à en juger par le rythme conquérant du défilé, peut-être la collection préférée des mannequins eux-mêmes.


Savage x Fenty - Printemps-Été 2020 - Prêt-à-porter féminin - New York - Photo: Getty Images / Ben Gabbe

 
Rihanna à Brooklyn
Un show de 40 minutes, entre hip-hop décalé et extravagance Broadway, financé par Amazon Prime — où la collection a d'ailleurs été lancée en exclusivité. Alors que Victoria's Secret fait de plus en plus figure de dinosaure du secteur, critiqué pour sa tendance à transformer les femmes en simples objets de désir, sans oublier le fait que Jeffrey Epstein a travaillé comme consultant financier pour l'entreprise — le marché de la lingerie commence à s'ouvrir. Rihanna, avec ce défilé spectaculaire, pourrait bien conquérir une bonne partie du marché. Quant à la cabine de mannequins, elle était on-ne-peut-plus inclusive : toutes les morphologies, toutes les tailles défilaient autour des stars Gigi et Bella Hadid, et même une jeune femme équipée de prothèses.

 
Marni
Chez Marni, un univers fauviste rencontrait le tropicalisme brésilien — ce mouvement artistique et musical des années 1960, né en réaction face à la dictature militaire au Brésil. Des coupes dignes de la haute couture pour les blazers et les cardigans, tous ornés de fleurs tropicales peintes à la main, de plantes grimpantes et d'abstractions florales. Davantage une œuvre d'art qu'une collection de vêtements, et les idées les plus étonnantes qu'on ait vues sur les podiums cette saison.


Dries Van Noten
La Provence rencontrait Anvers dans le cadre de ce mariage plutôt improbable, entre le pape français de l'opulence, Christian Lacroix, et l'expert belge de l'élégance austère, Dries Van Noten. Ces combinaisons délicieusement exagérées, mais dotées de finitions minimalistes, ont imprimé une marque indélébile sur la saison tout entière. Et peut-être même sur toute l'année ?



Dries Van Noten - Printemps-Été 2020 - Prêt-à-porter féminin - Paris - © PixelFormula


Versace
Sur Internet et les réseaux sociaux, le point culminant de la saison fut sans aucun doute la célébration du 20ème anniversaire de la robe la plus célèbre de Donatella Versace — ultra-échancrée, transparente, imprimée de motifs végétaux, la robe de déesse en soie que Jennifer Lopez portait aux Grammys. Présentée sous une reconstitution exacte du toit du Panthéon romain, la collection exhalait la fantaisie tropicale de Versace. Grazie Donatella.

 
Simone Rocha
Simone Rocha a fait référence aux "Wrenboys", une ancienne tradition celtique qui consiste à célébrer la nouvelle année en chassant les roitelets, ces petits oiseaux qui sont les derniers à chanter en hiver. Les Wrenboys font encore leur apparition chaque année à Dublin, habillés de paille et de matières récupérées, comme des druides farfelus, typiquement irlandais. Résultat : probablement le plus beau défilé de Rocha. Des robes asymétriques et des trench-coats bleu de Delft, garnis de volants infinis et de multiples rangs de perles. Une sorte d'élégie victorienne qui avait de quoi marquer les esprits.

 
Tommy Hilfiger
Peu de créateurs ont réussi à attirer autant d'admirateurs parmi la communauté noire américaine que Tommy Hilfiger, qui a habillé le mouvement hip-hop pendant des décennies. La nouvelle égérie de la marque n'est autre que Zendaya, une Afro-Américaine d'origine allemande et écossaise. La collaboration Tommy x Zendaya a été présentée dans le temple de la musique noire américaine, l'Apollo Theater à Harlem. Une vision rétro et décalée du cinéma soul des années 70 et de la blaxploitation. Le tout mis en scène sur le rythme d'un concert live, dans un décor élégant en grès brun, avec des mannequins débarquant en cabriolet... Le genre de célébration tous azimuts d'une certaine culture américaine que l'on ne peut qu'admirer. 


Tommy Hilfiger - Printemps-Été 2020 - Prêt-à-porter féminin - New York - © PixelFormula


Christian Dior
Aucune créatrice n'était plus à l'avant-garde du féminisme que Maria Grazia Chiuri, dont le dernier opus avait pour thème Catherine Dior, la petite sœur de Christian. Résistante et jardinière, Catherine a inspiré une grande collection de corsages en jersey, délicatement brodés de raphia et de soie grège, et de vestes rayées de bandes de soie sauvage, ou coupées dans des jacquards de raphia. À l'ombre d'une petite forêt plantée à l'hippodrome de Longchamp — d'ailleurs, Dior prenait là un parti écologiste : les 164 arbres ont été emportés immédiatement après le défilé, pour être plantés dans quatre jardins parisiens.

 
Leandro Cano
Sans aucun doute, la meilleure présentation de la saison. Un mélange de mythologie espagnole, d'inventivité artisanale et de performance, le tout mis en scène sous de merveilleux tableaux de grands maîtres espagnols, comme Velázquez ou Goya, à l'ambassade d'Espagne à Paris. Le jeune créateur a mis à contribution des artisans et des artistes — spécialistes de la corde, céramistes, vanneurs, experts de la maille, brodeurs — pour donner vie à une méditation surréaliste sur l'Espagne : des sorcières rouges fantasmagoriques, des saintes vêtues de cordes nouées. Un défilé intelligent, cool, excentrique... et très Leandro Cano.


Chanel
Le troisième défilé de Virginie Viard pour Chanel depuis le décès du grand Karl Lagerfeld, et le premier où l'on sentait vraiment qu'elle prenait le contrôle de sa maison. Féminine et jeune, ultra-parisienne, la femme Chanel Printemps-Été 2020 arpentait un immense décor reproduisant les toits gris de la capitale. Un moment plein d'optimisme : même la perturbation occasionnée par Marie S'infiltre, qui s'est invitée dans le finale, n'a pas réussi à troubler ce défilé charmant.


JW Anderson
Le seul designer à avoir gagné deux entrées dans notre Top 20 est Jonathan Anderson, dont la vision d'une Marie-Antoinette perdue dans le Swinging London des années 1960 imbibait le défilé le plus inventif de la saison britannique. Mise en scène autour d'œuvres de l'artiste canadienne Liz Magor — des vieilles poupées, des cordes, des jouets ou des reliquaires exposés dans des boîtes transparentes — le défilé célébrait l'aspect éphémère de la mode.

 

Loewe - Printemps-Été 2020 - Prêt-à-porter féminin - Paris - © PixelFormula


Loewe
Une dizaine de jours plus tard, l'Irlandais Jonathan Anderson a présenté une deuxième collection, tout aussi séduisante, cette fois pour Loewe. Comme si Velázquez visitait Ibiza : des crinolines déconstruites et contemporaines, des robes de princesses sensuelles taillées pour des vacances d'été dans la haute société. Et la gamme d'accessoires la plus mémorable de cette saison. Pas mal pour un créateur à la tête de deux maisons.


Richard Quinn
Richard Quinn, lauréat du Queen Elizabeth II Award, fait preuve d'une grande endurance. Il a organisé un défilé festif, peut-être le plus amusant de tout le calendrier. Un orchestre de 40 musiciens et un chœur de 80 chanteurs, debout sur le balcon en fer forgé d'une salle de bal édouardienne délabrée, dans une rue du très animé quartier londonien de Bethnal Green. Des robes de débutantes exotiques, parfaites pour un nombre infini de soirées endiablées, le plus souvent portée avec des cuissardes en latex noir.

 
Marc Jacobs
La plaisanterie était peut-être un peu trop référencée à notre goût, mais diantre, comme c'était raffiné, et souvent sublime ! Du glamour des années Kennedy aux déesses du rock'n'roll, en passant par la candide Doris Day ou l'élégance nonchalante londonienne, Marc Jacobs faisait tour à tour des clins d'oeil aux robes du film My Fair Lady, aux tailleurs-pantalons émancipateurs d'Yves Saint Laurent, aux redingotes en velours de Janis Joplin ou encore aux tenues de soirées des dames new-yorkaises... Rares sont les créateurs à jouer une partition aussi diversifiée que Marc Jacobs, dont la culture de mode — et son amour du style — sont inégalables.

 
The White Shirt Project
Hommage rendu à Karl Lagerfeld par des dizaines d'artistes, de journalistes, d'influenceurs et d'amis, The White Shirt Project mettait en lumière le vide qu'il a laissé sur la scène mode internationale. Une sélection touchante de relectures de la pièce favorite de Karl lui-même — la chemise blanche immaculée — présentée au siège de sa marque dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés. Des modèles séduisants, astucieux, rafraîchissants - pas étonnant que tout se soit vendu si rapidement.

 

Rick Owens - Printemps-Été 2020 - Prêt-à-porter féminin - Paris - © PixelFormula


Rick Owens
Voilà plusieurs années que Donald Trump passe son temps à attaquer le Mexique et les autres pays d'Amérique Centrale, promettant même la construction d'un mur infranchissable à la frontière Sud des États-Unis. De son côté, Rick Owens a choisi de rendre hommage à la culture de sa mère mexicaine, dans le cadre d'un défilé spectaculaire mis en scène au Palais de Tokyo. La collection, elle, était digne de Montezuma : des coiffures royales d'allure aztèque, portées sur des robes en maille, tailladées et ceinturées, ultra-géométriques. Les manteaux sans manches étaient munis d'épaules impressionnantes, les robes en maille semblaient s'emboîter et se juxtaposer. Une palette de couleurs inspirée de l'architecte mexicain Luis Barragán, pour une collection baptisée "Tecuatl", d'après le nom Mixtèque de sa grand-mère. Une mode épique aux résonances politiques.

 
Yohji Yamamoto
Encore une fois, le maître japonais nous a offert un moment d'une grande poésie, avant de saluer en exhibant le "No Future" inscrit sur son dos. La collection exprimait la préoccupation de Yohji Yamamoto face à l'avenir sombre que devraient connaître ses petits-enfants. Mais ses reines post-apocalyptiques, drapées de belles robes froissées, avaient de quoi impressionner. Une véritable leçon de lyrisme, par l'un des plus grands créateurs de mode conceptuelle de notre époque. Un discours qui devrait plaire à Greta Thunberg... 

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