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8 févr. 2016
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Fashion Weeks : la révolution est en marche

Publié le
8 févr. 2016

L’irruption depuis quelques années du digital dans le secteur de la mode est en train de provoquer un véritable séisme, remettant en cause le fonctionnement actuel du système. Les Fashion Weeks hyper médiatisées d’aujourd’hui ont-elles encore un sens, alors que les vêtements présentés lors des défilés arrivent en boutique six mois plus tard ?

Le CFDA, qui fédère les créateurs américains, a été le premier à lancer le débat en décembre, en confiant au cabinet Boston Consulting Group une enquête auprès de l’industrie de la mode. L’objectif était de sonder les Maisons sur la possibilité d’organiser des Fashion Weeks pour le grand public, avec des défilés de vêtements disponibles à la vente immédiatement.

Burberry , automne/hiver 2016-17 - © PixelFormula


Sans attendre les résultats de cette étude, différentes Maisons ont pris position ces jours-ci sur la question. A l’instar de Burberry, qui va remplacer son calendrier actuel de quatre défilés annuels par deux shows regroupant l'homme et la femme en septembre et février, tout en commercialisant immédiatement les collections auprès du public.

Même démarche pour le créateur américain Tom Ford, qui a reporté de février à septembre la présentation de sa collection automne-hiver 2016, afin qu'elle puisse être disponible à la vente dans la foulée. La présentation conjointe de la collection homme et femme, qui n'était pas un défilé, était initialement prévue le 18 février dans le cadre de la Fashion Week de New York.

De fait, depuis quelques saisons de plus en plus de marques présentent des looks féminins dans leurs shows masculins, sans que personne ne s'en étonne. « Dans un monde qui est devenu de plus en plus instantané, la façon actuelle de présenter une collection quatre mois avant qu'elle ne soit disponible pour les clients est une idée datée et qui n'a plus de sens », a expliqué Tom Ford.

De son côté, la griffe Chloé a annoncé qu’elle ne diffusera les images de ses pré-collections qu’au moment de l’arrivée des produits en boutique.

« C’est une approche inverse par rapport à Burberry, mais la logique est la même. Dans les deux cas, les Maisons ne veulent plus générer une attente auprès du public qui ne puisse être satisfaite tout de suite », constate Michael Jais, CEO de Launchmetrics, société spécialisée dans l’offre de solutions numériques pour les groupes de mode.

Chloe, printemps/été 2016 - © PixelFormula


« A l’époque où le consommateur commande un produit sur son téléphone pour le recevoir le lendemain, l’actuel tempo des Semaines de la mode n’a plus de sens. Il n’est plus possible de préserver la convoitise pour un produit de luxe pendant six mois ! Par ailleurs, avec la globalisation de la demande, la notion de saison a perdu du sens également », poursuit-t-il.

Pour les grandes marques, qui réalisent près de 80 % de leurs ventes auprès des acheteurs lors des pré-collections et qui disposent désormais pour la plupart de leur propre réseau de vente direct, cette réduction du cycle semble aller dans le sens du mouvement actuel. La question étant de comprendre comment ce changement radical va-t-il se mettre en place.

« Le défilé deviendra-t-il la dernière étape avant la commercialisation avec une importante gestion de tout le processus de vente en amont impliquant que la collection soit prête à l’avance ? Ou bien reviendra-t-on à des shows confidentiels, où les images ne seront pas visibles avant la mise en vente ? Ce qui est sûr, c’est que, d’une manière ou d’une autre, le cycle va se raccourcir et une optimisation à tous les niveaux sera nécessaire », conclut Michael Jais.

Versace a été l’une des premières griffes à concrétiser le concept « see now, buy now, wear now », en rendant possible l’achat de la collection Versus, sa ligne jeune, dès le lendemain du défilé. Mais, comme l’expliquait à l’époque le directeur marketing, Dennis Valle, « cela a demandé une organisation très complexe en amont avec un investissement important de la part des acheteurs, qui se sont engagés à acheter les produits bien avant que la collection ne défile, afin que les vêtements puissent effectivement être en vitrine dès la fin du show ».

Avec sa ligne Versus, Versace a été une des premières à rendre sesvêtements accessibles au public juste après le show - PixelFormula


Si les Maisons disposant déjà d’une grande visibilité pourront s’organiser dans ce sens, en revanche, cela risque d’être plus compliqué pour les stylistes émergents et les marques essentiellement distribuées via le canal wholesale, pour qui le moment du défilé reste un moment de visibilité incontournable. Sans compter qu’une telle accélération risque de poser de grands problèmes à toute la chaîne de production en amont, des tisseurs aux producteurs.

« Il ne faudrait pas tomber dans une vision principalement orientée sur le marketing, en perdant de vue la créativité, qui doit rester au premier plan », s’inquiétait récemment le président de la Chambre de la mode italienne, Carlo Capasa. De fait, le rythme effréné des collections a épuisé plus d’un créateur dernièrement. D’aucuns ayant préféré jeter l’éponge, à l’instar de Raf Simons, qui a quitté la direction artistique de Dior.

« Aujourd’hui, tout s’est accéléré. La rapidité prend le pas sur la qualité. Certes, les grandes Maisons peuvent se permettre de renoncer à certains défilés, car elles sont connues et ont déjà leur propre réseau de vente. Mais qu’en sera-t-il des marques émergentes ?» s’interroge Frank Barylko, codirecteur du site de photos de mode PixelFormula.

« C’est vrai que les défilés coûtent chers, mais avec les photos des shows, les créateurs se font de la publicité gratuitement. Sans compter, que plusieurs d’entre eux utilisent ces photos pour leurs lookbooks. Sans doute y aura-t-il moins de défilés à l’avenir. Mais, parallèlement, il y a de plus en plus de villes, qui lancent des Fashion Weeks de par le monde », note-t-il.

En fait, il n’y a plus un seul et même modèle identique pour tous. Le fashion system donne plutôt l’impression d’éclater dans tous les sens, chacun suivant sa propre logique commerciale. Ainsi, Saint Laurent va présenter sa collection homme le 10 février à Los Angeles, où vit son directeur artistique Hedi Slimane, et non à Paris comme habituellement... A cette occasion, une partie de la collection femme y sera aussi dévoilée.

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