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6 avr. 2022
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FashionCube inaugure avec ambition et pragmatisme son unité française de production de denim

Publié le
6 avr. 2022

C'est certainement l'un des projets les plus excitants mis en place dans l'industrie textile en France ces dernières années. Ce 5 avril, la structure FashionCube, chapeautant six marques mode de la galaxie Mulliez (Jules, BZB, Orsay, Pimkie, Grain de malice et Pimkie), inaugurait son Fashion Cube denim center. Un moment positif pour l'univers Mulliez alors que la présence de plusieurs enseignes phares comme Auchan ou Leroy Merlin en Russie avait voilé l'aura de ses marques ces dernières semaines. Elus locaux, pointure du groupe nordiste et presse locale et nationale avait donc rallié le nord-est de la métropole lilloise à proximité de Tourcoing pour découvrir cet acte de relocalisation opéré par un distributeur.


La façade de l'atelier de production de FashionCube - DR



Située à Neuville-en-Ferrain, dans un entrepôt flambant neuf, cette nouvelle unité textile commence la production de jeans made in France. Si des marques comme AVN, Tuffery ou 1083 ont emprunté ce chemin et proposent des jeans produits dans l'Hexagone à des prix compétitifs par rapport aux grands noms de la toile bleue, c'est la première fois qu'un acteur du mass-market emprunte ce chemin. 

Ce mardi, l'heure était donc aux remerciements. D'abord de la part d'Erwan Punelle président de FashionCube et membre de la famille Mulliez, qui a salué l'investissement des collectivités locales, la région, la métropole lilloise (MEL) soutenant financièrement le projet. Le dirigeant de FashionCube a aussi salué les équipes de jeanners déjà recrutées, et des "clients assez fous pour croire au projet. Jules va être le premier bénéficiaire de cette infrastructure puis Grain de malice et d'autres marques pourront produire ici leurs jeans. Kiabi et Auchan pourraient suivre". Erwan Punelle a aussi souligné longuement l'implication de Jean-Christophe Garbino, directeur général de FashionCube, qui a soutenu le projet de Christian Kinnen.


Erwan Punelle, président de Fashion Cube - FNW



Pour autant si le président de la structure affichait son enthousiasme pour cette inauguration, il tempérait l'emballement autour de la production en France d'un jean qui sera proposé à 59,59 euros (clin d'oeil au numéro de département de production) d'abord en précommande, puis en magasin d'ici cet été.

"Nous sommes lucides. Nous débutons ici, mais nous savons que nous allons mettre un peu de temps pour être réellement opérationnels. Nous allons devoir avancer très fort en automatisation et en innovation pour que cela soit pertinent. Nous allons faire cela petit à petit et ajuster le projet. Mais notre métier est l'un des plus polluants au monde. Alors nous sommes fier de recréer de l'emploi en local, de proposer à nos clients une consommation qui fasse sens, de contribuer modestement à un effort de réindustrialisation et de nous impliquer dans une trajectoire limitant à une croissance de 1,5 degré des températures". 

Le projet a été bien bordé, pour autant le FashionCube Denim Center doit valider son potentiel. Pour l'instant une cinquantaine de machines à tricoter dont une dizaine sont utilisées, une découpeuse dernier cri Lectra et trois machines à délaver Tonello sont installées dans le bâtiment de 3000 mètres carrés. L'unité doit progressivement monter en puissance au fur et à mesure que ses équipes seront formées. Une vingtaine de salariés a été formée et 24 jeanners sont actuellement en formation. En 2022, sa direction table sur 50 emplois pour produire 130.000 jeans. D'ici à fin 2024, l'unité de production qui réalise la coupe, l'assemblage et le délavage des jeans entend atteindre son rythme de croisière. "Nous aurons une capacité de production de 2.000 jeans par jour, soit 410.000 par an. Cela signifiera 5 millions d'euros de déficit commercial en moins pour la France et une centaine d'emplois sur place, détaille Anne-Laure Roger", directrice de l'usine. Des volumes conséquents.... qui représenteront 6% de l'offre de Jules en matière de denim. Et la plus onéreuse. L'enseigne masculine, qui revendique être passée devant Celio sur le marché français sur le début d'année (d'après des chiffres de Kantar) a une offre qui débute à 25 euros et un prix clé à 49 euros.


FNW



"C'est une offre que nous souhaitons désirable et durable, avance Erika Joffrin-Cadix, directrice de l'offre produit de l'enseigne de prêt-à-porter masculin. C'est l'opportunité d'entamer la relocalisation et de produire dans le Nord en s'appuyant sur des savoir-faire historique. Cela va nous prendre du temps, mais cette histoire a du sens et nous espérons que cela parlera à nos clients". La marque va jouer à plein la carte locale dans sa communication en ligne, dans les médias et en magasin. Ses équipes de vente accompagnerons l'arrivée des premiers jeans prévus pour l'été et raconteront cet histoire pour expliquer le projet. Reste que les clients devront encore patienter un peu avant de voir les jeans 59 dans chacune des 450 magasins du réseau.

"Le projet est né en 2017 d'un veille technologique et a connu différentes phases de maturité. Le constat était que notre industrie a fait l'économie d'une réflexion de la façon dont on produit des vêtements. Elle s'est arrêté au fait de délocaliser ses usines dans des pays aux coûts de main d'oeuvre moins élevés, en jouant avec des accords sur les droits douanes. Mais si on regarde d'autres industrie, l'automobile a par exemple fait l'effort de réfléchir sur comment fabriquer différemment ses véhicules. Pour nous la question est de trouver comment produire le jeans le moins cher possible. C'est le début d'une aventure de réindustrialisation pour rendre de plus en plus compétitif notre outil de production".


Les machines de délavage attendent la chaudière pour commencer leur oeuvre - FNW


Pour l'heure moins d'un tiers du process est automatisé sur la chaîne du denim center. L'enjeu sera probablement d'affiner cela car la volonté des équipes de Fashion Cube est  de proposer un jean produit en France à un prix accessible pour ses clients. Il n'est pas le seul acteur de la distribution mode à se lancer dans la production de denim en Europe. C&A est également en train de mettre sur pied une unité de production en Allemagne. Et celle-ci a pour ambition de produire quelque 800.000 jeans par an.

"C'est un autre acteur du secteur qui avance sur ce chemin, Christian Kinnen va visiter leurs installations prochainement, explique Jean-Christophe Garbino. Nous pensons que dans la perspective de rester dans un accroissement de la température de 1,5°C, toutes les initiatives allant dans ce sens son intéressante, qu'il s'agisse de C&A, de Tuffery ou de 1083. Nous ne sommes pas sur les même géographie ou pas sur les mêmes niveaux de prix. Nous souhaitons toucher le plus grand public possible et nous allons proposer un produit made in France en matière recyclée seulement 10 euros de plus qu'un produit venant d'Asie ou du pourtour méditerranéen".


FNW



Car après Jules, le patron de FashionCube entend déployer une offre issue du denim center chez Grain de malice. Un autre défi car il s'agira là de réaliser des produits pour la gent féminine avec une attente très précise sur la coupe et le style des pantalons. Devrait également suivre l'enseigne Bzb... avant d'ouvrir à d'autres clients issus de la galaxie Mulliez comme Kiabi et les rayons textiles des magasins Auchan. Surtout cette première initiative industrielle locale pourrait, avec le renchérissement des couts de production au grand export et des couts de transports, ouvrir la voie à d'autres unités.

"C'est un avantage de produire à proximité des bassins de consommation, analyse Jean-Christophe Garbino. Ce que nous voulons ici c'est avoir d'ici 2030 une filière circulaire. C'est à dire que nous pourrons utiliser les anciens vêtements et en faire de nouveaux. Nous savons que cela ne va pas être facile, mais ce secteur est en train de se transformer. Ensuite, on ne s'interdit pas d'imaginer l'installation d'autres unités dans d'autres régions de France ou sur certains marchés. Mais nous réfléchissons déjà à d'autres catégories de produits à réaliser en matières recyclées comme le sweat. Et une fois que nous aurons développé le jeans nous pourrons regarder le chino, et après le sweat nous pourrons avancer sur le t-shirt".

Si aujourd'hui cette approche nécessite des investissements conséquents épaulés par les collectivités locales, le dirigeant du groupe nordiste fait le pari qu'ils lui permettront de se démarquer très prochainement en répondant aux attentes du consommateur...mais aussi aux injonctions européennes. "Nous croyons que cette démarche a un potentiel car elle peut permettre au consommateur d'avoir la satisfaction de s'habiller sans avoir en arrière pensée une culpabilité sur l'origine de ses vêtements, avance Jean-Christophe Garbino. Mais nous voyons aussi que les législateurs sont en train de durcir le ton sur ces questions. J'ai lu que Shein avait une valorisation vertigineuse. Nous sommes dans un paradoxe de l'industrie du textile. Nous sommes dans un sujet de survie au niveau de l'humanité. Comme ils ont pu le faire dans d'autres industries, les pouvoirs publics vont valoriser ceux qui vont faire mieux et pénaliser ceux qui vont faire mal".

Avec son FashionCube Denim center Jules, Grain de Malice et les autres entendent poser les bases pour faire partie de la première catégorie.

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