Paul Batigne, président du CNC

En janvier 2011, en pleine flambée du prix des matières premières, le Conseil National du Cuir (CNC*) appelait les commanditaires à soutenir la filière en reniant eux aussi sur leur marge. Après plus d’un an, cette situation a-t-elle eu un impact sur les relations entre clients et donneurs d’ordres ? Oui, mais le plus silencieusement possible, à en croire Paul Batigne, président du CNC.


FashionMag: Quels changements avez-vous perçu chez vos partenaires depuis cette crise des matières premières ?
Paul Batigne: Tout d’abord, les prix qui avaient augmenté se sont maintenus, de manière plus raisonnable. Et, ce qui s’est également produit, c’est que les utilisateurs de matières, nos donneurs d'ordres, ont accepté de faire l’effort de payer plus. Nous en sommes revenus au problème du partage de la valeur, qui est toujours très sensible. Sur le sujet, il y a eu des discussions menées d’une manière feutrée. Il faut d’abord que les mentalités évoluent. Cela ne se dit pas, mais il y a eu du changement. Cependant, vous ne l’entendrez jamais.

FM: Cette évolution touche-t-elle également le domaine de l’élevage ?
PB : L’important était qu’il y ait un progrès. Dans l’élevage, cela se fera aussi. Ce sont des filières compliquées. On ne peut pas aller voir l’éleveur car l’intégrateur se fâche. Et si l’on voit l’intégrateur, c’est l’abattoir qui se fâche… Donc il faut beaucoup de temps et de patience. Si l’on y est arrivé pour les produits finis, on y arrivera ici aussi. C’est en cours, mais cela ne peut se faire que très discrètement. Mais, cependant, les gens ne vous en parlerons pas.

FM: Quelle est l’étape suivante dans l’établissement de meilleures relations entre partenaires ?
PB: Le fait d’en parler, déjà, a fait avancer beaucoup de choses. Mais cela est possible uniquement si les donneurs d’ordres s’intéressent davantage aux transformateurs, s’ils se rendent parfois chez eux, s’ils participent un peu aux principes de fabrication… C’est en utilisant la communication et la transparence que les choses s’arrangent. Il faut un véritable va-et-vient de chaque côté. Il faut que les commanditaires viennent nous poser des questions, connaissent nos procédés, ou amènent directement leurs idées pour les développer avec nos spécialistes…

FM: Certains redoutent une possible crise de la consommation. Est-ce le cas, sur votre segment ?
PB: C’est notre crainte, bien sûr. Pour le moment, ce n’est pas le cas, et aucun signe ne l’annonce. Le cuir est un petit peu à contre-courant. Pour le moment, on a l’impression que la France est dans une bulle, alors que l’Europe est dans la rigueur. Cela va certainement s’arrêter après les élections, mais pour le moment, non. Mais c’est une crainte. La filière a toujours connu des problèmes, et une visibilité allant presque jusqu’à la fin de l’année, c’est déjà bien. Le luxe est un secteur porteur, là encore à contre-courant. Si les entreprises de tannerie-mégisserie sont toujours là, c’est qu’elles ont su prendre le créneau du haut de gamme. Les entreprises ont tenu le coup. Aujourd’hui, elles améliorent leurs productions et leur qualité.


* Le CNC regroupe 20 fédérations et syndicats nationaux de la filière cuir, de la production à la distribution en passant par la transformation et la fabrication. Dépendante du CNC, la Semaine Internationale du Cuir a notamment pour tâche, via le Groupe SIC, l’organisation du salon Le Cuir à Paris, qui se tient deux fois par an à Villepinte au sein de Première Vision Pluriel.