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Publié le
27 janv. 2021
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Frank Boehly (CNC): "La solidarité et l'interdépendance de la filière cuir est une leçon de cette crise"

Publié le
27 janv. 2021

A l'heure où la filière mode/luxe travaille à sa sortie de crise, les métiers du cuir dressent à leur tour un premier bilan de la crise sanitaire. Le Conseil National du Cuir réunit une vingtaine de fédérations et syndicats allant de l'élevage à la distribution, en passant par le tannage et la fabrication. Son président Frank Boehly, par ailleurs président de la Fédération des Enseignes de Chaussures (FFC) revient pour FashionNetwork.com sur les difficultés rencontrées en 2020, ainsi que sur la situation attendue pour 2021. Et évoque au passage les enjeux RSE que la filière place au cœur de sa stratégie.


Frank Boehly - CNC



FashionNetwork.com : Que retiendrez-vous de l'année 2020, pour la filière cuir ?

Frank Boehly : Ce que je retiendrai, c'est la grande solidarité et complémentarité de la filière. Nous sommes une filière complète, mais cette année à souligné l'interdépendance des acteurs. Le premier signal a été la situation des collecteurs de peaux, lors du premier confinement. L'activité industrielle s'est quasiment arrêtée pendant un mois. Mais si les peaux n'étaient pas collectées, cela bloquait les abattoirs, dont la fonction principale est l'alimentaire. Ce qui montre bien, contrairement à ce que certains racontent, qu'on n'élève pas ces animaux pour leurs peaux: même si l'activité cuir s'arrêtait, les abattoirs, eux, continuaient.  Au point de ne plus savoir que faire des peaux. Les collecteurs leur ont donc achetées, au prix de problèmes de trésoreries, même si les prix ont beaucoup chuté faute de demande, et problème de stockage, car il faut six à dix mois pour avoir le feu vert pour créer un espace de stockage.

Derrière, tout dépendait de la capacité des grandes maisons à rebondir, car sans elles les tanneries n'avaient plus de boulot non plus. Donc on a bien touché du doigt en 2020 cette complémentarité de cette filière, qui la rend remarquable mais aussi fragile: un maillon se grippe et l'ensemble est impacté. Et c'est là que la solidarité à jouer, en amont comme en aval. Un acteur sait qu'il ne peut pas fragiliser son fournisseur en attendant la reprise. Il fallait sécuriser les approvisionnements en attendant que l'activité reparte. C'est comme cela qu'on a vu de grandes maisons passer commandes au-delà de leurs besoins réels, pour aider à la survie de leurs fournisseurs. La solidarité et l'interdépendance de la filière est une des leçons de cette crise.

FNW : Le fait que la filière opère à l'export a-t-il aidé ou complexifié le problème ?

FB : La France est le troisième exportateur mondial de peaux brutes. Lors du premier confinement, les marchés européens comme asiatiques étaient fermés. C'est grâce à la reprise du marché asiatique dans les mois suivant que les grandes maisons ont pu entrainer la filière avec elles. Pour le marché de la maroquinerie, positionné essentiellement à l'export, l'année a montré l'avantage qu'offre la capacité à vendre partout dans le monde. Car le secteur a pu continuer à opérer en Amériques pendant que l'Europe et l'Asie se confinaient. Puis l'Asie a pris le relais quand le territoire américain a été touché. Par contraste, si l'on prend le marché de la chaussure, la France est très directement liée au secteur du commerce, car beaucoup de fabricants français travaillent pour des consommateurs français. Donc la fermeture des magasins a eu un impact direct sur leur métier, une conséquence immédiate sur les commandes des fabricants. Ce qui explique que l'impact a été beaucoup plus fort sur les fabricants de chaussure que de maroquinerie. Les moins positionnés à l’international sont ceux qui ont été impactés le plus vite et ont repris le plus lentement. Mais, même chez eux, la crise aura aussi été l'occasion de resserrer les liens.


FNW : Est-ce qu'un retour à la normal s'est opéré sur les prix ?

FB : Il y a eu un effet de yoyo important sur le prix des matières. Le marché du cuir est un marché mondial, où s'applique la loi de l'offre et de la demande. Mais on voit que les prix qui s'étaient effondrés sont remontés. Y compris sur un secteur en grande difficulté comme la peau d’ovin. Car nous avions plutôt une surproduction, pour des marchés étrangers moins demandeurs. Le bovin a lui redémarré très franchement, encore une fois porté par le marché asiatique. Il y a donc une certaine régulation qui s’opère par le marché.

En ce qui concerne la production, tout dépend de ce que la distribution pourra absorber. De fait, nous avons du mal à être très optimiste. La filière voit plutôt les chiffres 2021 en recul de 10% par rapport à l'année 2019, prise en référence. Ceci-dit, c’est une phase de transition. Avec la généralisation des vaccins, les dépendances aux restrictions sanitaires vont s'atténuer. On va vers une reprise qui sera surement plus franche au second semestre 2021. Mais nous avons cette perspective, là où en 2020 nous étions dans le brouillard complet.

Néanmoins, le secteur de la distribution m'inquiète. Car il va y avoir un impact qui poussera certains acteurs à disparaitre, succursalistes ou détaillants. Ceux-ci sont le maillon le plus faible de la filière, car multiples et petits, et donc plus difficiles à être identifiés par les pouvoirs publics pour être aidés. Après l'impact des Gilets Jaunes et des mouvements sociaux sur les retraites, ils sont arrivés relativement affaiblis dans la crise sanitaire, qui leur a rajouté des fermetures administratives. Tout cela pendant que leur clientèle traditionnelle se tournait vers le commerce en ligne. Il risque d'y avoir un réveil difficile.

FNW : Si reconfinement, vous souhaitez donc voir les commerces rester ouverts ?

FB : On voit bien que le gouvernement ne veut pas prendre de décision trop rapide ou radicale. Si restrictions supplémentaires il y a, les décisions préserveront autant que faire ce peu le secteur économique. Mais on voit bien que le virus passe par la mixité sociale, donc il va certainement y avoir contraintes au niveau des commerces. Et cela arrive après le report des soldes, dont je ne pense pas que c'était une bonne décision. Elle a été beaucoup induite par les détaillants indépendants, alors que tous les autres acteurs étaient contre. Ce n'était pas un bon choix car l’ensemble de l’activité commerciale était faible. On s'est donc retrouvé avec une double peine: une baisse d’activité à taux plein, puis des soldes amputés par le couvre- feu.
 
FNW : La filière cuir a-t-elle connu beaucoup de défaillances durant l'année ?

FB : Pour l'instant, il n'y a pas eu de catastrophe. Mais il y a quand même beaucoup, beaucoup, de difficultés. Les tanneurs indépendants sont en plus grandes difficulté que ce ceux qui ont été investis dans les grandes maisons. Au niveau de la maroquinerie et ou de la chaussure, il n'y a pas eu de fermetures. Mais le risque n’est pas écarté, surtout dans cette période d'incertitude qu'est le premier semestre.

Par contre, côté distribution de chaussures, on a vu des acteurs comme Vivarte vendu en pièces détachées... D’autres font moins de bruit pour l’instant, mais sous perfusion des PGE, dont l'Etat a judicieusement repoussé les remboursements. Mais le fait est qu'on a du mal dans ces sociétés à maintenir un équilibre opérationnel, En particulier chez les petits acteurs. Ce qu’on peut imaginer, c’est la disparition de 10 à 20% d’entre eux. Cela va avoir un impact sur le circuit de distribution dans son ensemble.
 
 
FNW : Est-ce que la filière a massivement fait appel aux dispositifs de soutien, et jugez-vous ces derniers suffisants ?

FB : Nous n'avons pas de statistiques sur les entreprises ayant fait appel aux PGE. Mais elles sont nombreuses. Un certain nombre d’entre-elles l’ont fait par sécurité, et le consomment de façon parcimonieuse, afin notamment de racheter de la marchandise pour continuer l’activité. Mais peu ont consommé tout leur PGE. En ce qui concerne les aides aux entreprises, on ne peut qu’être admiratif de la réactivé de l’État. Avec des moyens qui n‘ont fait qu’augmenter avec les difficultés rencontrées par les entreprises. Avec une réelle volonté de ciblage pour sectoriser les besoins, et apporter une réponse adaptée. Le chômage partiel a sauvé et continue à sauver un nombre considérable d’entreprises. Même ceux qui sont en activité, mais qui n’ont pas la capacité à faire travailler tout le monde. Cela permet de garder cet outil de production intact, et de ne pas laisser désespérer des salariés plongés dans la précarité.

Je déplore cependant que les actions soient plus orientées vers l'industrie que vers le commerce, aussi bien dans le cadre des aides que du plan de relance. Le commerce pèse autant que le secteur industriel, le problème est qu'il est morcelé, avec des acteurs qui ne sont pas d'accord entre eux. Moi, dont la position offre un regard global, je vois qu'un secteur a été mieux traité que l'autre. Même sur un sujet aussi universel que la digitalisation, où cela a surtout été orienté vers l'industrie, alors que le besoin de digitalisation des commerces était immédiat.


Shutterstock


 
FNW : La RSE est désormais au cœur de votre stratégie de filière. Est-ce qu'un changement de mentalité s'est opéré chez ses acteurs, un temps peu mobilisés sur ces questions ?

FB : La réponse est oui, mais je ne partage pas votre analyse. Les acteurs sont depuis longtemps très conscients. Car les grands groupes, qui entrainent toute la filière avec eux, en ont fait un outil de marketing et de communication. Donc personne dans la filière ne peut ignorer que c'est un enjeu indispensable. Mais, effectivement, tout ne monde n'était pas au même niveau d'engagement et de compréhension. Mais si je prends le secteur de la tannerie, qui est le plus montré du doigt car gros consommateur d’eau et de produits chimiques, c'est bien le secteur qui au contraire a le plus progressé en matière de RSE. D’une part car encadré par la règlementation européenne, la plus contraignante au monde, mais aussi sur demande de ses donneurs d'ordre. De même, les rejets dans l'air sont extrêmement encadrés et surveillés. Le cuir est un secteur qui a extraordinairement évolué en matière de RSE.
 
FNW : Y compris en termes de bientraitance animale ?
 
FB : Il faut bien différencier les notions de bientraitance animale et de bien-être animale. La bientraitance animale fixe des objectifs autour desquels on peut prendre des mesures et contrôler les progrès. Le bien-être est une donnée subjective vers laquelle la bientraitance devrait tendre. Il est important de bien traiter les animaux, autant s’engager sur leur bien-être est aussi difficile que de le faire pour les humains. Les acteurs se sont engagés depuis longtemps dans la bientraitance, ne serait-ce que parce qu'un animal bien traité donne un cuir de meilleure qualité que s'il se blessait ou était en mauvaise santé. C'est pour cela qu'il ne faut pas ériger en généralité les exceptions que sont les catastrophes insoutenables filmées dans certains abattoirs. Et garder à l'esprit que l'Europe et la France sont à la pointe sur ces questions, même si elles sont pointées du doigt par certaines ONG.

Il faut d'ailleurs séparer les ONG militantes des ONG constructives. Les secondes permettent de faire évoluer pour le meilleur la conscience des citoyens, qui votent par leurs achats. Cela a un effet extrêmement bénéfique. Les ONG militantes, elles, veulent modifier radicalement notre société en interdisant certaines pratiques. Quand ce sont des pratiques abusives, il n'y a rien à redire. Mais quand il s’agit de vouloir nous imposer de ne plus manger de viande, de ne plus porter de laine ou soie, on tombe dans une dictature. Donc la filière a donc une vision différente des différents acteurs qui la pointent du doigt. Et cela rejoint aussi notre position sur les matières alternatives.
 
FNW : Sur la fameuse notion de "cuir végane" ?

FB : Il y a une petite musique qui vient des acteurs eux-mêmes, qui bâtissent leur communication sur le dénigrement de la matière cuir et de sa filière. Evidemment que la filière du cuir ne peut pas partager ces modes de fonctionnement non-animal. Que de nouveaux matériaux apparaissent, c’est le lot du progrès. Tous les acteurs s’en sont toujours emparés. Par contre, à vouloir absolument dire qu'une matière est plus vertueuse que d'autre, il faudrait d'abord se pencher réellement sur les faits. Par exemple prenons ce fameux "cuir végane", qui n'est qu'un oxymore marketing pour désigner ce qu’on appelait avant le vinyle ou le synthétique, et qui est d'ailleurs une appellation délictueuse (la loi interdit d'utiliser le mot cuir pour autre chose qu'une production animale, ndlr).

Quand on regarde ces matériaux présentés comme naturels, on voit qu'ils utilisent des produits synthétiques, sans lesquels ils n'auraient aucune solidité. Donc, si l'on mettait en parallèle l'impact du cuir et de ces matériaux nouveaux, le cuir sortirait gagnant. Il reste plus durable car il est lui entièrement naturel, et offre une durée de vie plus longue. On ne peut pas parler de durabilité si l'on ne regarde ces matériaux alternatifs qu'à court terme.

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