J. W. Anderson: effronté, tordu, mais poli

Il faut reconnaître à Jonathan Anderson qu'il a offert le défilé le plus intéressant de la mode masculine à Milan cette saison. Pas forcément la collection la plus éblouissante ni les vêtements les plus flamboyants, mais assurément l'exercice intellectuel le plus stimulant, entre invitations excentriques façon puce téléphonique en papier noir mat aux bottines de type médiéval un brin coquines, en passant par les micro-shorts et les sous-vêtements, qui se sont révélés être les véritables pièces phares de ce défilé.

"Il est question de décroissance, mais aussi de l'idée de propriété. De la création d'une garde-robe, où le genre devient une partie intégrante du "Zeitgeist" (littéralement: l'esprit du temps, ndlr) et de ce vers quoi nous devons nous diriger en tant que société", a expliqué Jonathan Anderson, backstage, à l'intérieur d'une usine désaffectée de la Via Tortona, au sud de Milan, en plein cœur du quartier branché de la mode.

Ses deux premiers mannequins défilent dans des tenues minimalistes composées de petites culottes, de chaussons S&M Seventh Seal, et c'est à peu près tout ! Suivis par trois éphèbes - un noir en robe de laine noire, et deux blancs en fourreaux blancs ; tous agrippés à des oreillers, avec des tomates dessinées au pochoir sur les cuisses et les bras.

En ouverture, ses modèles, en short et bottes, portent deux gros rouleaux de tissu, "qui viennent exprimer l'idée d'un nouveau départ."

Entre deux séries de manteaux exceptionnels, fendus depuis la taille, ainsi que des tailleurs époustouflants en laine fine d'un gris cuirassé ou en cuir ciré d'aspect usé, Jonathan Anderson est revenu aux shorts à volants de ses premières saisons.

"Je n'ai pas l'habitude de revenir en arrière, mais là, je sentais qu'il fallait que je le fasse. Un état d'esprit brut, travailler avec une tension où un sac devient une chaussure, ou une chaussure devient un sac. L'idée que vous êtes pleinement engagé dans quelque chose", a expliqué Jonathan Anderson, faisant référence à des bottes à fermeture éclair avec beaucoup de serrures S&M.

"J'aime cette idée de me rapprocher de la subversion. D'observer les grands maîtres, tels que Vivienne Westwood. Étrangement lorsque j'étais à l'université, c'était le point de départ. Nous ne devrions pas être effrayés par la perversion", a-t-il philosophé, après avoir présenté le manteau phare de la saison: le duffle coat parka taille basse, qui véhicule une image de martyre que toute personne de la jeune génération rêvera de posséder.

À une époque où les droits LGBTQ+ font l'objet d'attaques intenses de la part des anti-wokes sur les réseaux sociaux, les tabloïds de droite et les quotidiens prétendument érudits, la posture de Jonathan Anderson est résolument progressiste.

"Il ne s'agit pas d'avoir honte et de stigmatiser, mais il est question au contraire de possession. Dans le milieu de la mode, je pense que nous avons trop peur de posséder des choses. J'aime la mode masculine, parce qu’il s’agit d’un dialogue constructif, et qu'il peut m'amener à me contredire. La mode est un miroir et c'est exactement ce qu'il faut qu'elle soit", a ajouté Anderson, sans se départir de cette habitude qu'il a de ne pas regarder directement les éditeurs dans les yeux.

Dans les nouvelles de l'entreprise, Jonathan Anderson a confirmé que la marque veut rester à Milan, après avoir embrassé Carlo Capasa, président de la Camera della Moda, (la Chambre nationale de la mode italienne, NDLT), qui a généreusement invité Anderson à faire partie du calendrier officiel du salon.

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