NAKURU (Kenya), 21 oct 2006 (AFP) - Dans la région semi-aride de la Vallée du Rift (nord du Kenya), des éleveurs et cultivateurs régulièrement frappés par la sécheresse se lancent dans la culture d'une plante sauvage et résistante à la chaleur, l'aloès, prisée par l'industrie cosmétique et pharmaceutique.

L'aloès

"La nourriture ne pousse pas bien ici, donc on cultive de l'aloès pour acheter de la nourriture", résume Elizabeth Komen, qui a planté des aloès dans son jardin à une quinzaine de kilomètres de l'Equateur.

"Nous avons les terres parmi les plus pauvres du pays", explique Kavaka Watai, coordonnateur de l'Institut gouvernemental de recherche de la forêt au Kenya (Kefri). "A cause de la sécheresse, des animaux meurent et on perd une grosse partie des récoltes", ajoute-t-il.

Face à cette situation récurrente, Kefri donne depuis 2004 des conseils pour planter et récolter l'aloès vera, qui était déjà prisé pour ses vertus curatives, notamment comme baume apaisant, par les Egyptiens au temps des Pharaons et par les Grecs.

Cette plante aux feuilles charnues qui fournissent une résine transparente et amère pousse généralement de façon sauvage.

Mais l'an dernier, grâce aux efforts de Kefri, le nombre d'aloès cultivés au Kenya est passé de 300 000 à 900 000, selon M. Watai. Et ce chiffre devrait encore augmenter avec l'ouverture en septembre de la première usine de transformation de l'aloès au Kenya.

Cette entreprise, financée par l'Union européenne et située dans le district de Baringo (est), pourra produire chaque année 50 000 tonnes de gel et de latex d'aloès destinées à l'export, et fabriquera plusieurs produits à base de cette plante vivace, comme du savon et du shampooing.

L'aloès

Selon un rapport de l'UE daté de 2005, l'aloès a une "immense valeur" pour l'industrie cosmétique et pharmaceutique, qui l'utilise notamment pour les crèmes pour le visage et les baumes pour les lèvres. Il peut être "un gagne-pain alternatif, réduire la pauvreté, créer des emplois", ajoute le rapport.

Le marché mondial de l'aloès vera représente environ 80 milliards de dollars (64 milliards d'euros).

Depuis 1978, le commerce de l'aloès sauvage, un temps surexploité, est interdit au Kenya en vertu de la Convention du commerce international des espèces en danger (Cites).

Malgré l'interdiction - qui ne s'applique pas à la nouvelle production industrielle - environ 300 tonnes de gel d'aloès vera sont exportées tous les ans depuis le Kenya, qui est le deuxième exportateur mondial après l'Afrique du Sud (où l'exportation est légale).

Les défenseurs de l'aloès vera voient enfin un dernier avantage à cette plante : elle pourrait permettre de réduire les conflits, nombreux au Kenya, liés à l'accès à la terre.

Pour Phillip Ngetich, président d'une coopérative d'aloès à Baringo, où le bétail a été récemment décimé par la sécheresse: "Si la production d'aloès peut être un gagne-pain alternatif, le bétail ne sera plus la seule source de revenus (des éleveurs), et les conflits liés au bétail vont diminuer".

Par Gerry SMITH