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12 mars 2019
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La cosmétique masculine en France, un marché aux mille et une nuances

Publié le
12 mars 2019

La beauté au masculin, encore un tabou en 2019 ? Alors qu'un lycéen du Tarn a fait les gros titres en février dernier pour s'être vu refuser le droit de venir maquillé en cours, la question divise encore. Mais à l'ère de la revendication de sa différence, et dans une société de plus en plus soucieuse de son apparence, les mentalités évoluent. Un indice de ces progrès : en début d'année la jeune marque française Horace investissait le métro parisien avec une campagne d'affichage cosmopolite mettant en scène de jeunes hommes avec des cosmétiques sur le visage.


Visuel de la campagne Horace déployée dans le métro parisien en début d'année - Horace


Et les projections du marché de la cosmétique masculine semblent à aller dans ce sens. Selon le cabinet d'études Euromonitor International, le marché mondial des soins pour hommes devrait atteindre en 2020 les 60,7 milliards de dollars, soit 51,4 milliards d’euros, multipliant par trois son chiffre d'affaires par rapport à 2015. Le secteur va donc connaître des jours heureux, en tout cas à l’échelle mondiale. Car si sur les marchés asiatiques par exemple la gent masculine témoigne d’un appétit marqué pour la cosmétique, la situation dans l’Hexagone reste plus contrastée.


Des produits de la ligne L'Oréal Men Expert BarberClub lancée en 2017 par L'Oréal - Instagram @lorealmen


Ainsi, toujours selon Euromonitor, le marché du grooming, soit l'art de prendre soin de soi, a atteint l'an dernier en France 1,843 milliard de dollars (1,614 milliard d'euros), enregistrant une hausse contenue de 0,2 % sur un an. D'ici à 2022, la croissance annuelle devrait aller crescendo de 1 à 2,3 %.  « Le boom des soins pour hommes, je l’attends depuis plus de dix ans dans le sélectif. Quelques micro-catégories progressent comme les lotions/toniques pour hommes ou les capillaires, mais en dehors de cela il y a très peu de focus sur cette catégorie à date », relève Mathilde Lion, experte beauté pour l'Europe du NPD Group. Et en effet selon le cabinet d’études, les ventes de soins masculins ont reculé de 17 % en 2018 dans le réseau sélectif hexagonal.

La beauté masculine, un marché qui doit encore faire preuve

Inquiétude croissante quant à la dangerosité potentielle des produits cosmétiques, baisse du pouvoir d'achat qui se répercute sur les dépenses d’hygiène/beauté, un poste que les hommes auraient moins de mal à sacrifier que les femmes selon certains observateurs du secteur, ou encore multiplication des promotions sur le segment sont autant de facteurs qui impactent négativement le marché. La situation n’est guère meilleure dans la grande distribution. « En 2018, notre gamme douche homme qui comporte sept références a connu une croissance de 9,3 % en valeur sur un marché des produits douches en hyper et supermarchés en décroissance de 4 % en valeur », assure Eléonore Plusquellec, chef de produit chez Le Petit Marseillais qui a lancé sa gamme de douche dédiée aux hommes en 2015.

Il y a cependant une tendance qui a sans aucun doute (re)dynamisé le marché de l’hygiène/beauté masculine tous réseaux confondus, c’est celle du retour de la barbe ; une barbe maîtrisée, disciplinée, remise au goût du jour par les hipsters du monde entier. En 2017, L’Oréal a ainsi lancé Barber Club, une ligne inspirée du savoir-faire des barbiers vendue sous sa franchise L’Oréal Men Expert.

La barbe, une tendance au poil pour les rayons de l’hygiène masculine

Sur un positionnement un peu plus haut de gamme, Kielh’s, une des marques de soins de la division luxe de L’Oréal, a lancé la même année Grooming Solutions, sa ligne spécialement conçue pour le rasage et le soin de la barbe. De son côté, l’italien Acqua di Parma, qui appartient au groupe LMVH, vient tout juste de repenser et d’étoffer sa ligne Barbière alors que l’enseigne de cosmétique néerlandais Rituals, qui compte 39 boutiques dans l’Hexagone, s’apprête à relancer sa gamme Samouraï avec notamment des produits dédiés à l’entretien de la barbe.

Victime collatérale de cette tendance des barbes et autres moustaches : les rasoirs. Ces dernières années, leurs ventes se sont érodées. En 2018, la rentabilité de Bic a par exemple reculé, l’activité de rasage du groupe français a notamment subi de plein fouet la concurrence aux Etats-Unis de nouveaux acteurs en ligne comme le Dollar Shave Club. Spécialisée dans la vente sur Internet de rasoirs et de produits de soins de la peau destinés aux hommes, cette marque a d’ailleurs été rachetée en juillet 2016 par le géant néerlandais de l'agroalimentaire et des cosmétiques Unilever. Un montant astronomique qui prouve qu’en matière de beauté masculine comme ailleurs les géants du secteurs mises sur l'e-commerce.


Visuel pour Bodyguard, le nouvel hydratant corps d'Horace - Instagram @horace.co


C'est d'ailleurs le Web et plus particulièrement les réseaux sociaux qui ces dernières années ont permis à de jeunes labels de cosmétique pour hommes d'émerger avec l’envie de faire bouger les lignes d’un marché jugé homogène, parfois même inadapté aux nouvelles attentes des hommes. Offre de produits naturels et/ou bio, packagings dans l'ère du temps ou encore ventes en ligne accompagnées de conseils, ces jeunes sociétés collent aux aspirations des consommateurs masculins.
 
C’est par exemple pour répondre aux envies de naturalité de la gent masculine que Corentin Letort, ancien ingénieur commercial dans les télécoms désormais installé à Bordeaux, a fondé Bivouak Paris en 2015. Très inspirée par les grands espaces sauvages, sa marque propose des soins bio écoconçus pour hommes. Il y a moins d'un an Karine Coccellato, ex-L’Oréal, et sa sœur Stéphanie ont quant à elles fondé Archiman, une griffe qui se décline en soins masulins revendiquant des formules composées à 95 % d’ingrédients naturels, le tout encapsulé dans des packagings au look arty.

Les produits de niche font frétiller les marchés de l’hygiène masculine

« Nous n’étions pas satisfaits de l’offre masculine. Moi par exemple, j’aime le foot mais ce n’est pas pour ça que j’ai envie que des footballeurs me vendent des produits de beauté », explique non sans une pointe d’humour Marc Briant-Terlet, cofondateur d’Horace. Lancée fin 2015, la marque propose une trentaine d’essentiels de l’hygiène-beauté masculine vendus exclusivement via le site du même nom. Ce modèle de vente directe permet à la société qui emploie aujourd’hui vingt personnes de rester en contact étroit avec sa clientèle et de proposer des produits qui répondent à ses attentes, à l’image de l’hydratant pour le corps Bodyguard (11 euros) tout récemment lancé.

Le positionnement d’Horace séduit les investisseurs puisqu’en avril 2018 la marque a opéré une levée de fonds auprès de Bpifrance, de KimaVentures, du Pdg d’Ami, Nicolas Santi-Weil, et de Sébastien Lucas, fondateur de l’entreprise de services numériques Oxalide. Et si Marc Briant-Terlet affirme qu’Horace connaît une belle croissance, pas question cependant d’entrer dans le secret des chiffres. Innovantes, flexibles et dotées d’une parfaite maîtrise de la communication sur les réseaux sociaux, ces marques de soins masculines de niche semblent de manière générale rebattre les cartes d'un marché jusque-là dominé les grands noms de l'hygiène-beauté.

Mais niche ne rime pas toujours avec pérennité. En 1996, Philippe Dumont lançait Nickel, une marque de soins pour hommes dont les produits baptisés Bonne Gueule ou encore Lendemain de fête détonnaient sur le marché. Rachetée en 2004 par Interparfums, le concepteur et le distributeur de parfums sous licences l’a finalement revendue en 2013 au groupe L’Oréal. Philippe Benacin, le PDG d’Interparfums, soulignait à l’époque : « La marque ne "performait" pas bien, le business du soin homme dans le sélectif reste très marginal. Quand on l'a rachetée en 2004 on pensait ouvrir les marchés étrangers et aller bien au-delà des 2 à 3 millions d'euros qu'elle réalisait en France. Mais les chiffres sont restés très modestes ». Sous le giron du géant mondial de la beauté, Nickel a finalement disparu des radars.


Image de Chanel pour le fond de teint de sa ligne Boy de Chanel - Instagram @chanel.beauty


L’innovation comme potentiel boosteur

Le marché mondial de la cosmétique masculine ne représente aujourd’hui que 10 % du marché mondial de la beauté, pourtant à l’instar de ce qui se passe du côté de la beauté féminine, l’innovation pourrait dynamiser ses ventes.

Mais alors que les acteurs mondiaux de la cosmétique se targuent de placer la recherche et développement au cœur de leur stratégie, les produits les plus innovants sont très largement destinés aux femmes. Il y a toutefois un segment sur lequel les choses semblent légèrement frémir c’est celui du maquillage. Chanel a ainsi récemment lancé « Boy de Chanel » une première – courte – ligne de maquillage conçue pour la gent masculine. Lancée mondialement en janvier 2019, la gamme a fait ses premiers pas en septembre 2018 en Corée, un pays dont les hommes seraient, selon plusieurs études, les plus gros consommateurs de cosmétique au monde.
 

 
 
 
 

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