AFP
9 sept. 2009
La fermeture imminente d'un atelier Jacquard en Pologne met fin à une époque
AFP
9 sept. 2009
VARSOVIE, 9 sept 2009 (AFP) - Le clic-clac cadencé d'un vieux métier manuel de tissage ne sera bientôt qu'un souvenir, après la fermeture imminente à Varsovie de l'un des derniers ateliers Jacquard traditionnel en Europe, témoin des moments cruciaux de la révolution industrielle française.
Métier Jacquard - Photo : Corbis |
"Nous sommes dans une situation économique difficile. Dans quelques semaines, ce plus ancien atelier Jacquard en Europe passera dans l'histoire", déclare à l'AFP le chef de la manufacture LAD, Dariusz Makowski.
Le nombre de commandes de la part de théâtres, de sociétés de production cinématographique et d'aménagement d'intérieurs a chuté en période de crise. Les gérants des fonds publics ont aujourd'hui d'autres priorités que de maintenir en vie un vieil atelier.
Le métier inventé vers 1800 à Lyon (sud-est de la France) par Joseph Marie Jacquard a été le premier à permettre de tisser des motifs compliqués. Il a amorcé une vraie révolution technique dans l'industrie textile.
"Il a permis d'obtenir un dessin beau et élaboré. La production était plus rapide et moins chère", explique M. Makowski.
Son apparition "a suscité en 1820 une révolte des ouvriers de soie à Lyon (les Canuts), une grande révolution sociale, le soulèvement d'une Solidarité des tisserands dans les années 1823-1825, soit beaucoup, beaucoup plus tôt qu'en Pologne", rappelle-t-il en allusion au premier syndicat du bloc soviétique, fondé par Lech Walesa en 1980.
La technologie Jacquard s'est rapidement répandue à travers l'Europe. Vers 1840, d'importantes usines textiles basées sur cette technologie ont été construites en Pologne. Bientôt, des métiers automatisés ont remplacé les premiers modèles à commande manuelle.
En 1926, les métiers manuels sont devenus propriété de l'Académie des Beaux-Arts, et plus tard celle des artistes de LAD, précise M. Makowski.
"C'est la seule coopérative qui ait subsisté parmi les grandes marques comme Bauhaus en Allemagne ou Arts and Crafts Society à Londres", ajoute-t-il avec fierté.
Il y a 15 ans, M. Makowski a racheté les vieux métiers Jacquard en bois et une collection de 509 cartes perforées originales, alors que l'atelier peinait à s'adapter aux règles du marché que la Pologne post-communiste venait de retrouver.
Joseph Marie Jacquard avait utilisé une technologie révolutionnaire de cartes perforées à code binaire qui guidaient les crochets soulevant les fils de chaînes. Cela permettait d'exécuter les motifs les plus originaux.
"Ce mécanisme en haut du métier peut être comparé à un ordinateur, et les cartes perforées font penser à un logiciel primitif ou à un disque", explique Mariola Nowakowska, 54 ans, qui manie ce métier depuis 30 ans.
Un ouvrier travaillant sur un métier Jacquard doit être doté d'une grande résistance physique pour actionner les lourds mécanismes en bois tout au long de la journée, et d'une patience d'ange pour surveiller que chacun des milliers de fils trouve sa bonne place dans le tissu.
Un produit de qualité exceptionnelle récompense ces efforts.
"Les étoffes fabriquées sur un métier manuel sont naturellement plus souples que celles issues des métiers automatiques. Nous resserrons les fils à la main et nous n'avons pas la même force que le moteur qui actionne un métier mécanique", explique Mme Nowakowska.
Un tisserand expérimenté peut fabriquer jusqu'à deux mètres de tissu par jour. Mme Nowakowska est une des dernières à avoir la maîtrise d'un métier Jacquard manuel.
"La profession de tisserand est sur le point de disparaître. Nous sommes seulement deux ici et l'apprendre n'intéresse pas les jeunes. C'est un travail dur et compliqué. Peut-être quelqu'un voudra-t-il encore l'apprendre. Sinon, ça deviendra un musée", constate-elle avec amertume.
Par Mary SIBIERSKI
Tous droits de reproduction et de représentation réservés.
© 2024 Agence France-Presse
Toutes les informations reproduites dans cette rubrique (ou sur cette page selon le cas) sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par l'AFP. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, modifiée, rediffusée, traduite, exploitée commercialement ou réutilisée de quelque manière que ce soit sans l'accord préalable écrit de l'AFP. L'AFP ne pourra être tenue pour responsable des délais, erreurs, omissions qui ne peuvent être exclus, ni des conséquences des actions ou transactions effectuées sur la base de ces informations.