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13 juin 2022
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La filière lin s'est réunie à Paris à l'occasion du premier Linen Day Paris

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13 juin 2022

La Confédération européenne du lin et du chanvre (CELC) tenait le 9 juin son premier Linen Day Paris, rendez-vous rassemblant quelque 300 représentants de la filière, pour une journée d’échanges autour de la fibre libérienne. Un événement auxquels étaient venus participer des entreprises comme LVMH, Loro Piana, Marc O'Polo, Thuasne, Notox, Arketex, Le Slip Français, l'IADS (International Association of Department Store) et le groupe Meta (ex-Facebook).


Guillaume Hemeryck (Terre de Lin), Bertrand Gomart (liniculteur), Pascal Prevost (teilleur), Alex Vanneste (Jos Vanneste), Olivier Guillaume (Safilin), Stefano Albini (Cotonificio Albini) et Valentin Depestele (Groupe Depestele) - MG/FNW


Une journée qui sonne comme l’aboutissement d’une décennie de développements pour la filière lin, qui est progressivement parvenue à transformer son image, comme était venu le confirmer le directeur adjoint environnement du groupe LVMH, Alexandre Cappelli: "Jusqu'à très récemment, le lin était perçu comme une matière pas très sexy par nos créatifs. Mais c'est en train de changer", a souligné le responsable face à une salle de conférence du 3 Mazarium comble.

Un changement de perception qui se ressent sur les podiums. Le lin s'est invité dans 27% des looks de la collection croisière 2023 de Louis Vuitton, indique le spécialiste de l'analyse des tendances Tagwalk, qui estime que le lin est désormais la 12e matière la plus représentée sur les grandes Fashion Weeks. "Sur le printemps-été 2022, 13% des designers avaient intégré du lin, dont 45% pour la première fois", pointe la fondatrice de Tagwalk, Alexandra Van Houtte. Qui souligne par ailleurs de nouveaux emplois de la matière, désormais aussi utilisée pour des tenues de soirée signées Louis Vuitton, Erdem ou Adam Lippes.

Une mise en avant qui fait figure de victoire pour une matière ne pesant que 0,4% de la production mondiale de fibres. Ce qui n'empêche pas le lin de continuer à lutter contre certains a priori, avec Ornella Bignami, la fondatrice d'Elementi Moda, et la consultante Sabine Le Chatelier Saunier. Pour l'été seulement le lin? Le voici mélangé à de la laine et de l'alpagua, ou "flanelisé" pour un toucher duveteux. Raide? Sont brandis des échantillons extensibles en tissu ou maille, ou du double face avec polyamide. Fragile? La matière se décline pourtant en version waterproof, avec des touchers gommés, goudronnés, et même de l'induction métallisée.

Une fibre locale



Le lin profite de l'engouement des marques et consommateurs pour les matières durables. Peu consommateur d'eau et ne nécessitant pas de pesticides, le lin offre par ailleurs un argument de proximité aux marques européennes, la fibre poussant à 80% entre Caen et Amsterdam. Des arguments de poids face au renforcement à venir des affichages d'origine.

Alexandre Cappelli, directeur ajoint environnement du groupe LVMH - MG/FNW


 "Enfin de vraies valeurs", se félicite la déléguée générale de la CELC, Marie-Emmanuelle Belzung, évoquant un "story proving" remplaçant le "storytelling". "Vous, les marques, avez un rôle à jouer !"

Un avis partagé par LVMH. "Sur notre empreinte environnementale globale, les matières premières comptent énormément. Donc tout effort sur les matières permet de réduire cette empreinte", relève Alexandre Cappelli. "Et le lin nous permet d'aller vers cela", renchérit-il.

Un contexte économique difficile



Ce premier Linen Day prenait place à une heure critique pour l'industrie textile, malmenée par la flambée du coût des énergies, du transport et des matières elles-mêmes. Un point qu'était venu évoquer l'économiste Philippe Chalmin. Ce dernier a rappelé les prix galopants du coton, de la laine ou du caoutchouc, et les coûts de fret multipliés par dix.

Une crise logistique dont il faudra attendre au moins jusqu'en 2023, voire 2024, pour en voir la fin, selon spécialiste. Quant aux prix élevé des énergies, "il va durer, il n'y aura pas de retour à la normale", prévient l'économiste, pour qui le monde entre en "stagflation", mélange de stagnation économique et d'inflation. "Les tempêtes sont courtes, mais les petites pluies plus longues", emprunte-t-il à Shakespeare.

A l'échelle de la filière lin, la crise économique a eu des effets spécifiques. Les surfaces allouées à la fibre affichaient une progression de 133% entre 2010 et 2020. Le premier impact de la crise sanitaire fut, avec le ralentissement des filatures, la mise à l'arrêt des teilleurs. Le second vint en 2021 quand, alors que la demande repartait, les surfaces de culture du lin avaient reculé face à l'incertitude des exploitants. "En 2022, nous partons sur une croissance de 15-20% des surfaces, une production normale, et un commerce international de nouveau dynamique", annonce le directeur économie de la CELC Damien Durand.


Des champs de lin sont plantés dans le parc du Petit Trianon de Versailles - CELC


Un contexte dans lequel "les projets de la filière lin s'inscrivent parfaitement dans la stratégie voulue par l'UE", affirme de son côté Dirk Vantyghem. Venu à Paris spécialement pour ce Linen Day, le directeur d'Euratex, confédération européenne portant la voix de la filière textile à Bruxelles, a mis en lumière les attentes de la Commission vis-à-vis du secteur. Auquel, chose rare, celle-ci a consacré un mémorandum en mars.

"Pour les élus, la fast-fashion est 'out of fashion"", indique le responsable, évoquant la volonté européenne de voir pour le textile un label similaire à celui de l'électroménager (noté de A à E). Pour Euratex, le travail s'annonce long: "Nous importons 28 millions de vêtements: qui doit donc les contrôler? Et si l'UE exige des chemises à 50% recyclées, a-t-on assez de matériaux en Europe pour ça? C'est ce type de questions qui va nous occuper ces prochains mois".

Du lin au château de Versailles



Au-delà des réflexions de fond menées par l'industrie textile, la filière lin continue ses opérations de promotion et de sensibilisation du grand public. Après le Palais Royal, la place des Vosges et les vitrines du BHV Marais, la CELC vient de déployer un nouveau champ de lin dans un lieu de choix: le domaine de Marie-Antoinette au Petit Trianon de Versailles.

"Pas un champ, mais des carrés", corrige Alain Baraton, chef jardinier du domaine de Trianon. Celui qui prodigue ses conseils en jardinage sur France Inter inscrit ainsi cette initiative linicole dans une tradition d'expérimentation lancée par Louis XV. Et rappelle que ces fibres vont pousser sous le regard de quelque 8 millions de visiteurs internationaux. "En espérant que ces carrés ne soient que les premiers d'une très longue série", s'enthousiasme le jardinier.

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