
Marion Deslandes
14 oct. 2021
La Manufacture: immersion dans l'usine tricolore du groupe Eram

Marion Deslandes
14 oct. 2021
Entre Angers et Nantes, dans le paisible village de Montjean-sur-Loire et à deux pas du lit calme du fleuve, il existe une véritable ruche dédiée à la chaussure. Nommée La Manufacture, celle-ci peut produire jusqu'à 300.000 paires par an. Si l'épisode du Covid-19 a temporairement réduit son carnet de commandes (180.000 paires pour 2021), l'usine de fabrication du groupe Eram peut s'appuyer sur une demande en hausse pour des souliers 'made in France', émanant de marques externes mais surtout de ses propres enseignes. Lancée par Eram en 2019, la gamme Flex représente aujourd'hui 14% de son offre et environ 10% de son chiffre d'affaires (contre 5% il y a deux ans), d'autant que cette ligne de souliers confortables fabriqués dans le Maine-et-Loire continue de s'étoffer. L'objectif affiché? Qu'elle atteigne 15% des ventes de l'enseigne dans les années à venir.

Piqûre, encollage de la semelle, talonnage, bichonnage… Un long processus, plusieurs interventions humaines et de multiples matériaux (cuir, semelle, contrefort, doublure, lacet, œillet, colle…) sont nécessaires à la fabrication d'une chaussure. Une sorte "d'artisanat industrialisé, qui requiert beaucoup d'étapes manuelles", appuie Jean-Olivier Michaux, directeur de ce site de 7.500 mètres carrés, installé depuis 1927 dans cette localité des Mauges. 141 salariés y travaillent aujourd'hui, mais la main d'œuvre qualifiée se raréfie. Le groupe a créé sur place une école de la chaussure en 2014 pour tenter de pallier cette pénurie.
"C'est un challenge de garder ces savoir-faire en France, où il ne reste plus que 80 ateliers de fabrication de chaussures, dont certains sont de taille très restreinte", poursuit-il, ajoutant qu'un atelier de piqûre, qui emploie 25 personnes, vient d'être remis sur pied par le groupe, permettant d'éviter une partie de la délocalisation du montage des tiges.

La Manufacture se compose d'un bureau d'études, d'un atelier de prototypage, de patronnage et d'échantillonnage, ainsi que de lignes de production. Plus de 50% de la fabrication concerne deux marques du groupe de la famille Biotteau, Eram et Bocage. Focalisée sur des souliers au look assez intemporel (derbies, bottines…), plutôt que sur des produits trop marqués en termes de style, la ligne Eram Flex a lancé ses toutes premières sandales cet été, et introduira des modèles compensés en 2022.
Bientôt des sneakers
Surtout, cette gamme d'une trentaine de références utilisant des cuirs espagnols et italiens s'est ouverte à l'homme cet automne-hiver avec quatre paires de chaussures de ville masculines, auxquelles s'ajoutera un modèle de sneakers dès la saison prochaine. Une première pour Eram sur le créneau de la basket 'made in France', avec un modèle dont la semelle sera en partie recyclée.

Car la force de l'atelier de fabrication du groupe -bénéficiant du soutien financier du programme "France Relance"-, est sa polyvalence, de l'escarpin jusqu'aux chaussures de course. Ce qui lui permet d'attirer des acteurs tiers et des jeunes marques qui lui confient une production de souliers (de la petite série aux quantités plus importantes). On peut citer Le Coq Sportif, Jules & Jenn, Veets ou encore 1083. Cette dernière, spécialiste du jean 'made in France', lance justement une collaboration avec Sessile, la griffe de sneakers créée en interne à la Manufacture, qui se développe depuis sa création il y a deux ans. Leur partenariat se concrétise évidemment par une basket réalisée en toile denim.

Eram lance également cet automne de premières paires de chaussures revendiquant le principe de l'upcycling. "Nous avons décidé d'utiliser des cuirs fantaisie qui étaient stockés de longue date dans la Manufacture, et n'étaient pas utilisés", décrit Marie-Line Nerriere, directrice de collection Eram et Texto. Ces quatre paires, fabriquées en une centaine d'exemplaires, sont actuellement commercialisées en ligne et dans une sélection de boutiques Eram, au prix de 119 euros. Une seconde collection "upcycling" verra le jour l'été prochain.
Le prochain défi de l'enseigne est de faire connaître son nouveau projet centré sur la transparence: elle a créé un outil de calcul permettant d'afficher l'empreinte environnementale de 90 de ses modèles. Via un QR code placé sous le pied de la chaussure et exposé en boutique, le client pourra avoir accès à la carte d'identité RSE du produit en question, à savoir "son bilan carbone, le nom de la tannerie, le pays de fabrication de la semelle, l'adresse et la photo de l'usine, ou encore la méthode de transport utilisée", détaille Geoffroy Libaudière, codirigeant de l'enseigne. Le groupe a travaillé en partenariat avec la chaire BALI pour mettre au point cet indicateur, et espère le faire valider par l'Afnor.

Alors qu'Eram a développé la seconde main par le biais de corners installés dans dix unités de son réseau, l'enseigne s'appuie sur la Manufacture pour nettoyer et remettre en forme les paires d'occasion. Côté retail, l'optimisation de son parc de 200 magasins se poursuit, avec une dizaine de bi-stores partagés avec Bocage aménagés cette année (à Saumur, Besançon, Lille…). Un format qui permet de "présenter sur une même surface des chaussures allant de 29 à 199 euros, indique Antony Bacle, codirecteur d'Eram. Nous sommes le seul acteur à proposer autant de diversité d'offre en centre-ville". De 17 magasins communs à ce jour, l'ambition est à terme de passer à 50 adresses Eram/Bocage.
Eram, qui revendique une réduction des démarques et de meilleures marges, entend retrouver son niveau d'activité prépandémique (à périmètre comparable) durant l'année 2022. Et espère donc que son offre made in France y contribuera particulièrement.
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