Les pays de l’Union européenne restent, encore à ce jour, la destination privilégiée des exportations françaises (64 % des exportations françaises de textiles étaient destinées à l’UE en 2007, de même que 70 % des exportations d’habillement). Pourtant, le commerce intraeuropéen a ses limites, et il est souvent nécessaire de chercher hors des frontières de l’Union les moyens d’assurer la croissance des entreprises. C’est particulièrement le cas dans le secteur textile amont, confronté à une érosion de ses débouchés liée à la diminution du parc des confectionneurs. En 2007, les livraisons vers les pays de l’UE ont diminué de 3 %.

Dans ce contexte, certains marchés émergents aiguisent l’appétit des entreprises françaises, qui doivent cependant faire face à la concurrence d’autres industries européennes. Quelle est la place actuelle de la France sur ces marchés (principalement la Chine, l’Inde, le Brésil et la Russie) ? Quelles sont ses opportunités de développement ?

Un premier constat s’impose : ces quatre marchés émergents ont des profils bien distincts, comme en témoigne la teneur de leurs importations. En effet :

• La Russie importe des textiles et de l’habillement dans des proportions voisines, pour environ 2,0 milliards d’euros. Cependant, la croissance des importations russes d’habillement (+ 74 %) est nettement plus soutenue que celles de textiles (+ 21 % tout de même).

• La Chine importe pour 17 milliards d’euros de textiles, pour nourrir son appareil productif essentiellement. Cependant, les importations chinoises de textiles sont en sensible recul (- 10 %), ce qui témoigne de l’autonomie grandissante de cette industrie. Les fibres, fils ou tissus sont de plus en plus produits et transformés localement. Quant aux importations d’habillement, elles atteignent un montant prometteur (1,3 milliard d’euros).

• Les importations brésiliennes sont également plus axées sur les produits textiles (1,8 milliards) que sur l’habillement (355 millions seulement), mais à des niveaux moindres que ceux de la Chine.

• Enfin, l’Inde n’importe quasiment pas de vêtements (75 millions d’euros). De plus, ses importations de textiles – nettement plus importantes – progressent peu (+ 1,6 %). L’Inde a en effet longtemps fondé son développement sur une stratégie autocentrée de substitutions
d’importations. En outre, les barrières tarifaires et non tarifaires ont limité l’accès au marché indien.




La taille des marchés de consommation d’habillement confirme ces différences d’avancée des pays émergents : la Chine domine largement avec une consommation de 63 milliards d’euros, loin devant l’Inde (30 milliards), la Russie (30 également) et le Brésil (16 milliards).

Dans ce contexte, quelle est la place des produits français dans les approvisionnements des émergents ? Est-elle dans la moyenne des principaux pays de l’Union européenne ? Les deux graphiques suivants montrent que des progrès sont possibles pour la France dans la conquête de ces marchés. En particulier, on peut constater :

• La plus grande présence des entreprises italiennes sur ces marchés. Que ce soit dans le secteur textile ou encore plus nettement dans l’habillement, l’Italie parvient beaucoup mieux à pénétrer les marchés de chacun de ces quatre pays. Il est vrai que l’Italie dispose encore d’un outil industriel puissant qui lui permet d’être présente sur la plupart des marchés mondiaux.

• Cependant, des facteurs culturels, historiques ou sociaux entrent certainement en ligne de compte, comme en témoignent les relations soutenues unissant l’Inde au Royaume-Uni et l’Allemagne à la Russie. Ces relations sont liées à l’histoire ou à la géographie des pays
partenaires.




Dans le cas de la France, notre histoire et notre géographie nous poussent naturellement vers les pays du Bassin méditerranéen et, plus largement, vers le monde arabe. Il faut en effet signaler que d’autres pays émergents, qui focalisent moins l’attention des chercheurs et des médias, sont de plus en plus demandeurs de produits estampillés « Made In France ». Il s’agit notamment de l’Arabie Saoudite, dont les importations d’habillement en provenance de France ont bondi de 15 % au premier semestre 2008, ou encore des Emirats Arabes Unis (+ 25 % sur la même période).




Enfin, il ne faut pas perdre de vue que l’exportation n’est pas la seule stratégie à disposition des marques et distributeurs occidentaux. Le potentiel des pays émergents devrait également favoriser les stratégies d’implantation des entreprises françaises.


FRANCK DELPAL