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La pression sur Lars Olofsson monte d'un cran à Carrefour

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19 oct. 2011

PARIS, le 19 oct 2011 (Reuters) - En réclamant un changement de gouvernance chez Carrefour, le fonds activiste Knight Vinke est venu accroître encore la pression sur le PDG du distributeur, dont les jours semblent désormais comptés à la tête de l'entreprise.

Carrefour
Lars Olafsson, PDG du groupe Carrefour. Photo Afp

Le fonds, qui détient seulement 1,5% du capital de Carrefour mais qui avait mené avec succès la fronde contre le projet d'introduction en Bourse d'une partie de l'immobilier du distributeur au printemps dernier, réclame la nomination d'un président indépendant des charges opérationnelles et de deux directeurs généraux, pour l'Europe et les pays émergents.

Après de longs errements stratégiques, le report de certains de ses objectifs stratégiques, des charges exceptionnelles massives au Brésil et en Italie, pas moins de cinq avertissements sur résultats et un cours de Bourse divisé par deux en l'espace d'un an, la position de Lars Olofsson n'est aujourd'hui plus tenable, estiment à l'unisson les analystes financiers.

"Knight Vinke ne fait qu'acter la condamnation de Lars Olofsson", commente l'un d'entre eux, sous couvert d'anonymat.

Alors qu'il plaidait encore en mai dernier pour une stabilité d'un management déjà très contesté (voir , estimant qu'il fallait lui donner le temps nécessaire au redressement des performances, quelques mois et deux "profit warnings" plus tard, le fonds n'accorde plus de crédit au PDG.

"Knight Vinke ne pèse pas très lourd. Mais la pression devient intenable pour Lars Olofsson. Il est discrédité en interne comme en externe. Plus personne ne l'écoute", ajoute un autre analyste, pour qui "il est urgent d'agir, du côté des actionnaires de référence".

Jusqu'ici, le fonds Colony Capital et Groupe Arnault, la holding familiale de Bernard Arnault, PDG de LVMH - qui détiennent conjointement 14% du capital de Carrefour - ont assuré qu'ils étaient "pour le long terme" au capital du distributeur.

Peu de prétendants

Entrés chez Carrefour pour un prix de revient compris entre 47 et 50 euros, ils essuient de très lourdes pertes, le titre s'échangeant aujourd'hui autour de 17 euros, auxquels il faut ajouter les 3,2 euros de Dia, le hard discounter mis en Bourse en juillet dernier à leur demande.

Pour nombre d'observateurs, leur patience est à bout mais le remplacement de Lars Olofsson est loin d'être aisé, faute de candidats. "Les CV venant de chez Carrefour affluent chez les concurrents, mais l'inverse n'est hélas pas vrai", affirme un proche du groupe.

La difficulté s'était déjà présentée lorsque les deux actionnaires avaient évincé Jose Luis Duran en 2009. Nombre de vrais professionnels de la distribution avaient été approchés, comme Serge Papin, président de Système U, qui avait décliné l'offre.

Alors que des rumeurs prêtent à Thierry Breton, PDG d'Atos et membre du conseil d'administration de Carrefour, des visées sur la direction de Carrefour, ce dernier semble pourtant sérieusement arrimé au groupe de services informatiques qu'il dirige.

Thierry Breton bénéficie en effet d'un plan de stock-options chez Atos arrivant à échéance à la fin 2013 et susceptible, en fonction de l'évolution du cours de Bourse, de lui rapporter plusieurs dizaines de millions d'euros.

Pierre Bouchut, ancien directeur financier de Carrefour et nommé récemment patron des pays émergents, pourrait être un candidat sérieux, estiment des analystes, pour qui son profil de financier peut cependant faire hésiter Colony et Groupe Arnault.

Quelques semaines


De l'avis des analystes, les deux actionnaires ont quelques semaines devant eux pour trouver l'issue.

Lars Olofsson doit présenter au début de 2012 son bilan de Planet, le nouveau format d'hypermarchés censé permettre au groupe de regagner des parts de marché en France et qui pourrait se révéler décevant. Colony et groupe Arnault pourraient aussi laisser le PDG présenter les - mauvais - résultats annuels 2011.

Un analyste souligne aussi que cela pourrait coûter plus cher au groupe de se séparer aujourd'hui de Lars Olofsson que d'attendre qu'il puisse toucher, en janvier, une retraite chapeau de 500.000 euros par an.

Les grands actionnaires avaient décidé en juin dernier de donner les pleins pouvoirs à Lars Olofsson, une décision interprétée alors comme une façon de protéger Amaury de Sèze, président très contesté du conseil d'administration, le nouveau PDG devenant alors le seul fusible en cas d'échec.

Carrefour a lancé il y a moins d'une semaine son cinquième avertissement en un an après une nouvelle dégradation des ventes de ses hypermarchés en France et des chiffres décevants en Asie, suscitant de sérieux doutes sur sa capacité à redresser ses performances.

Dans une lettre ouverte publiée dans Le Monde, Knight Vinke appelle le conseil à "nommer un président indépendant dès que possible". S'opposant au parachutage d'un candidat externe au poste de directeur général, il estime que Carrefour "dispose en interne de grands professionnels ayant une réelle expertise" et plaide pour une solution bicéphale avec un directeur général pour les pays émergents et un autre pour l'Europe.

Carrefour comme Colony et groupe Arnault se refusaient mercredi à tout commentaire.

Par Pascal Denis, avec Noëlle Mennella et Marc Angrand, édité par Jean-Michel Bélot

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