PARIS, 7 jan 2010 (AFP) - Des paillettes multicolores tombent d'une robe de fée, la mécanique du lever de rideau s'enraye, les petites mains partent en fou rire, écrasées de fatigue: Loïc Prigent a filmé quatre maisons de couture au bord de la crise de nerfs, à la veille du défilé.

Défilé printemps-été 2010 jean Paul Gaultier à Paris - Photo : PixelFormula

Karl Lagerfeld pour l'italien Fendi, Jean-Paul Gaultier, Sonya Rykiel et le duo de jeunes couturiers new-yorkais Proenza Schouler : du 14 janvier au 4 février, la série "Le jour d'avant" présente sur Arte quatre fois 52 minutes palpitantes et souvent désopilantes, au coeur du glamour.

"Je voulais filmer ça comme une épreuve sportive", explique à l'AFP le jeune réalisateur dandy : Fendi pour montrer "la machine italienne", le travail des artisans chez Gaultier, Rykiel "parce qu'elle fait pleurer les filles" et la débrouille des Américains aux petits moyens.

Quatre facettes de la mode, quatre cultures différentes, quatre tempéraments.

"Avant l'accouchement, on a toujours les nerfs à vif", explique M. Gaultier à l'AFP. "On peut être surpris par une matière, qui ne tombe pas comme on voudrait, ou un vêtement qui demande beaucoup plus de travail que prévu".

"On est détruit, on est paumé", confesse Mme Rykiel. "C'est un moment difficile. Et c'est toujours comme ça, même après 40 ans de défilés".

A Rome, Lagerfeld a confié ses croquis à la première d'atelier Anna Calabrese. "Je suis l'un des rares à tout faire en dessin. Je ne suis pas un drapeur", explique-t-il à la caméra.

Dans le train pour Milan, les couturières ne perdent pas un instant, sortant des robes de leur housse, ciseaux et aiguilles à la main. "Attention aux secousses", lance Anna au milieu des rires.

Des mannequins affluent vers un garage transformé en studio, pour les derniers essayages, jusque tard dans la nuit. Et soudain, place au "traditionnel pétage de plombs" : les petites mains s'emparent de parures, Marco l'accessoiriste chausse de hauts talons. Et tout le monde défile, en prenant la pose, sous le regard hilare de "Karl".

A la fin du "vrai" défilé, Anna pleure. D'émotion et d'épuisement. Sous les applaudissements de toute l'équipe.

Défilé printemps-été 2010 Sonia Rykiel à Paris - Photo : PixelFormula

Chez Rykiel, tout se passe en famille. Et entre femmes.

Nathalie, la fille de Sonya, est devenue PDG. Elle gère tout, pendant que sa mère, regard charbonneux et crinière rousse reconnaissable entre toutes, passe en revue les tenues dans un salon confortable.

"Il n'y a que des femmes têtues dans c'est maison, c'est un cauchemar !", fait semblant de se plaindre Nathalie. Plus tard, en pleine crise autour d'un store qui reste coincé sur scène à quelques minutes du défilé, elle enlace tendrement sa fille Salomé, venue souhaiter "merde" à sa grand-mère.

Chez Gaultier, l'ascenseur est central. L'immeuble de sept étages héberge tous les artisans, jusqu'aux accessoires. On y suit les va-et-vient d'un atelier à l'autre, le coeur battant.

Une robe drapée bleue, qui a nécessité 180 heures de travail, est essayée par plusieurs mannequins. Le couturier n'est pas convaincu. "Et la longueur ?" demande une assistante. "On prend une photo", dit Gaultier. Ecartée.

A l'approche de l'heure H, presque rien n'est prêt. Mais il ne faut pas se fier à la nervosité ambiante, prévient une couturière, qui promet un miracle : "Vous allez voir. Ici, on est à Paris mais on est aussi un peu à Lourdes", dit-elle, sans jamais décoller les yeux de son ouvrage.

A voir la frêle mariée s'avancer à petits pas, coiffe surélevée et voile blanc inondés de lumière, personne ne songerait à la contredire.

Par Gersende RAMBOURG