Le Tanneur vise l’international pour ses 115 ans

Auteur :

Jean-Paul Leroy

Publié le
27 mai 2013

Pour qui s’interroge ou même s’inquiète sur la stratégie mise en place par des investisseurs qataris quand ils acquièrent une société française, l’exemple de Le Tanneur est plutôt rassurant.

Pas question évidemment de penser que rien n’a bougé. Mais il est sans doute peu fréquent, lors d’un changement d’actionnaire de contrôle, de retrouver lors d’une rencontre pour un anniversaire d’une marque quasi les même dirigeants qu’avant l’arrivée des nouveaux investisseurs.

Exemple chez Le Tanneur donc: lors d’un déjeuner pour les 115 ans de la marque de maroquinerie, l’entreprise était représentée par son directeur général, Jean Clenet, nommé en février 2012 mais dans la société depuis de nombreuses années, dont il était directeur général adjoint. Et Hervé Descottes, l’ancien propriétaire, aujourd’hui président d’honneur du conseil d’administration.

Selon Jean Clenet, ce n’est pas une surprise car ce que le Qatar Luxury Group a cherché à acquérir en reprenant Le Tanneur, c’est justement ces racines que possède la marque, son ADN en quelque sorte. "Les Qataris souhaitaient eux-mêmes lancer leur marque Quela, avec une offre complète; mais ils voulaient que celle-ci soit vraiment crédible avec un savoir-faire à l’appui. Le Tanneur apporte celui-ci pour la maroquinerie. Ainsi, les sacs Quela sont conçus en étroite collaboration avec les ateliers de Le Tanneur en France."

C’est d'ailleurs aussi l’autre atout de Le Tanneur pour ses propriétaires. Et globalement aujourd’hui pour la marque, le made in France. Même si, comme le souligne Jean Clenet, tous les produits ne sont pas fabriqués en France. "Nous avons ici un vrai outil industriel et un vrai savoir-faire que nous employons d’ailleurs pour fabriquer des marques de luxe", souligne le directeur général de Le Tanneur.

La marque est à ce point impliquée dans cette démarche qu’elle est partenaire de l’école de formation engagée par le PDG de Repetto, Jean-Marc Gaucher, pour sauvegarder en France le savoir-faire dans les métiers du cuir.

Autre changement de taille du fait de la présence du nouvel actionnaire chez Le Tanneur: la volonté du développement à l’international, qui ne pèse qu’environ 15% des ventes. Aujourd’hui, la firme est surtout présente en Europe. Avec des difficultés, partagées par nombre d'enseignes, en Europe du Sud (Italie, Espagne et Grèce), une présence en Belgique via deux boutiques notamment et, depuis quelques saisons, une implantation en Allemagne où une deuxième boutique a récemment ouvert (la marque n’y fait pas de wholesale). Elle est aussi présente au Moyen-Orient et en Russie (à travers une vingtaine de points de vente multimarques dans ce pays). Et aussi en Chine. Mais sans boutique à l’enseigne.

En France, Le Tanneur compte une soixantaine de points de vente répartis à égalité entre franchises et succursales. Plus plusieurs centaines de revendeurs multimarques. "Nous pouvons certes ouvrir encore quelques points de vente mais on arrive pratiquement au bout de ce qui est possible", souligne Jean Clenet. En 2012, le chiffre d’affaires total (fabrication pour griffes de luxe inclus) s’est monté à 64,7 millions d’euros. L’activité des boutiques a progressé de 10%.

Pour l’international, le propriétaire qatari a installé une société baptisée... Le Tanneur International à Doha. Loin donc des bases françaises. Les boutiques propres belges lui sont d’ailleurs rattachées. Et c’est quasiment fait pour les succursales allemandes. Mais là aussi, la continuité est largement assurée.

L’ancien patron du développement basé à Paris, Guillaume Pontarasse, a intégré cette société qatari avec la mission de piloter le développement à l’international. Celui-ci a choisi en effet de relever ce nouveau défi. Bientôt, au second semestre, une première boutique devrait ainsi ouvrir en Asie. Mais pas en Chine, selon Jean Clenet.

Deux autres changements ont affecté très positivement la marque française. D’abord, l’investisseur qatari lui a donné les moyens de développer sa communication notamment publicitaire. Le budget annuel est ainsi passé de 500 000 euros il y a trois ans par exemple à plus de 2 millions cette année. Enfin, sans quitter son positionnement haut de gamme pour aller vers le luxe, Le Tanneur a aussi pour une partie de ses collections monté en gamme. La marque propose ainsi des sacs jusqu’à 600 euros. Il était rare que Le Tanneur dépasse auparavant les 300 euros.

Pour ses 115 ans, Le Tanneur a enfin donné carte blanche à Guila Clara Kessous, artiste pour la paix de l’Unesco, pour réinterpréter pour l’hiver prochain le produit iconique de la marque, le sans-couture. Celle-ci a retravaillé ainsi le porte-monnaie originel de la marque et un nouveau modèle de pochette. Et, savoir-faire made in France oblige, ce sont les ateliers Le Tanneur de Belley qui ont réalisé ces produits avec du cuir nappa pleine fleur noir et un duvet fourrure en cuir de vachette.