Jean-Paul Leroy
20 juil. 2011
Le chef Alexandre Gauthier brise les rapports au luxe
Jean-Paul Leroy
20 juil. 2011
Alors que les Rencontres de Hyères organisées par la Chambre Syndicale de la Couture comptait une table ronde sur la gastronomie et la mode lors du festival de Mode et de Photographie, un jeune chef, Alexandre Gauthier, à la tête du restaurant La Grenouillère
dans le Pas de Calais, vient de concevoir un lieu brisant certains rapports au luxe. Une expérience que nous avons souhaité vous faire partager en ces temps d’été.
FashionMag.com: Pour vous, y a-t-il vraiment un lien entre gastronomie et mode ?
Alexandre Gauthier: Bien sûr qu’il y a un lien. Et même plusieurs. Pour être bon des deux côtés, il faut être créatif, il faut construire son chemin, en mode on dirait avoir un style, il faut acquérir une réputation… mais aussi elle peut être éphémère. Il faut savoir durer. On retrouve cela tant en mode qu’en cuisine.
Alexandre Gauthier - Photo La Grenouillère |
FM: Vous êtes à la tête d’un restaurant haut de gamme qui vient de votre père et que vous avez transfiguré architecturalement. Comme pour votre cuisine. Pourquoi un tel bouleversement ?
AG: Cela est dans le droit fil de ce que je vous disais précédemment. Chacun doit créer son chemin. Se saisir de son époque ou de ce qu’il pense être son époque. Cela explique les partis-pris que j’ai mis en scène à La Grenouillère. Ou que mon architecte m’a convaincu d’adopter. Il s'agit de Patrick Bouchain. Celui-ci a réalisé précédemment le Lieu Unique à Nantes, le Cirque Zingaro à Aubervilliers, Le Channel à Calais, La Condition Publique à Roubaix. A chaque fois des lieux qui ont une histoire, qu’il a transformés mais pas reniés.
FM: C’est-à-dire ?
AG: Je pense que c’est vrai en mode comme en cuisine ou dans d’autres formes de création, la jeunesse d’aujourd’hui n’a pas envie de rayer le passé de la carte, mais de le remettre dans le ton de l’époque. Je n’ai pas fait la révolution. Je ne connais pas vraiment la mode. Mais je n’ai pas l’impression non plus que les jeunes créateurs font la révolution. Nous créons pour des gens d’aujourd’hui. Tout simplement. Il y a aussi un esprit de continuité avec les générations précédentes.
La salle de restaurant avec des tables recouvertes de cuir - Photo: La Grenouillère |
FM: En fait de "simplement", vous cassez quand même quelques codes dans votre restaurant. Avec des cuisines très visibles de la salle, des tables recouvertes de cuir sans nappage, une hérésie pour certains dans ce niveau de gamme, un sol en béton, des couteaux que l’on ne change pas ? Vous voulez dire quoi à votre clientèle?
AG: La restauration haut de gamme, il y a plusieurs années, c’était forcément des produits chers (homard, foie gras, etc. ), des lieux au confort visible et ostentatoire avec par exemple une grosse moquette épaisse qui rassurait, etc. Personnellement, je considère que le vrai luxe c’est une certaine élégance, une intemporalité, la perception d’entrer dans un univers dans lequel on se sent bien, que l’on découvre, et pas seulement de retrouver ce à quoi on est habitué. Le luxe, c’est aussi l’espace et le temps. Ce n’est pas la surenchère. On l’a trop vu en cuisine et dans les salles de restaurant. Je dirai même plus: ce n’est pas parce qu’un produit est considéré comme élitiste qu’il est luxe. En fait, le luxe ne doit pas correspondre forcément à des critères prédéterminés. Il faut laisser une part à l’éphémère, à la fragilité.
FM: Le clinquant pour vous, c’est l’ennemi du luxe ?
AG: En tout cas ce n’est pas mon luxe… Disons que j’ai enlevé le superflu.
FM: Vous avez ouvert des chambres qui ressemblent à des huttes de chasse avec de la paille autour. Il parait qu’il y a tout le confort. Mais on est loin des palaces parisiens…
AG: Je ne compare pas. Ce qui est vrai c’est que pour moi, à 32 ans, intégrer le développement durable me parait plus que naturel, logique. Il n’y a même pas à se poser la question.
FM: Au fait, c’est quoi le luxe pour vous en mode ?
AG: Je ne sais pas si c’est du luxe. Je ne pense pas d’ailleurs au sens où on l’entend généralement. Mais par exemple, une fille en cachemire Zadig&Voltaire par exemple, très doux, à même la peau. C’est aussi une idée de l’élégance, non ?
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